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    "Le Temps qu'il reste" : rencontre avec Elia Suleiman !

    Après Cannes, Elia Suleiman est passé par Paris pour nous parler des dessous du "Temps qu'il reste", sa nouvelle réalisation.

    Le film dresse le portrait des "Arabes-Israéliens". Pouvez-vous nous en donner une définition ?

    Bien sûr ! Avant toute chose, la définition a été inventée par Israël, car on ne s'appelle pas nous même "Arabes-Israéliens". On se nomme "Palestiniens" ! En 1948, il y a eu la conquête israélienne d'une bonne partie de la Palestine, expulsant pas mal de ses habitants, et détruisant beaucoup de villages et d'habitations. Pour définir les personnes restées sur ces terres conquises par Israël, et qui n'avaient pas exilées, et dans le but d'effacer leur identité, les Israéliens les ont appelé des "Arabes". Les seuls Arabes appelés ainsi durant cette période furent les Palestiniens. Pas les Jordaniens, les Libanais, les Syriens, non. Juste les Palestiniens ! C'est ainsi qu'est né le terme "Arabes-Israéliens" : ce sont les Palestiniens qui vivent en Israël. D'ailleurs si on retourne en arrière, il n'y a pas si longtemps que ça, si un Palestinien se disait palestinien en Israël, il était susceptible d'aller en prison. C'était interdit ! A Nazareth, 25 ans, 30 ans plus tôt, si on disait qu'on était palestinien on pouvait aller en prison. Pareil si l'on dressait le drapeau Palestinien (6 mois de prisons). Maintenant c'est un peu plus différent, mais pas forcément mieux...

    Les Palestiniens ont-ils les même droits que les Israéliens ou sont ils considérés comme des citoyens de seconde zone ?

    Si l'on donne à des Juifs une terre où il existe déjà une population qui n'est pas juive, par ce simple fait, les deux populations n'ont pas les mêmes droits, et cela entraîne automatiquement une différence à ce sujet. Les Palestiniens n'ont déjà pas, à la base, les droits qu'ils méritent. Sans même discuter de la loi et des droits, les leurs ne sont déjà historiquement pas les mêmes ! Comment la situation pourrait-elle donc changer par la suite ? Les Palestiniens ont vécus dans une sorte de situation que l'on qualifie de "présent-absent", comme je l'ai d'ailleurs précisé en préambule de mon film. Pour Israël, les Palestiniens sont considérés comme des absents, et cela même s'ils sont présents. En raison des causes de l'Histoire, il y a une volonté de les ignorer, de les effacer. S'il y a un seul problème, on remet tout sur le dos des Palestiniens. Quand on parle d'Etat juif, et de la volonté qu'a le monde de reconnaître l'Etat juif, qu'est ce que cela signifie ? Qu'il n'existe que des Juifs et cela signifie qu'ils veulent effacer, faire oublier toutes les personnes dont je parle dans mon film, faire comme s'ils n'avaient jamais existé. On parle encore comme ça aujourd'hui, 60 ans après, car cela se passe maintenant. Le moment historique le plus intéressant de ce film, se passe maintenant. Et je parle de tout cela dans mon film.

    Même si ce n'est pas le sujet principal de votre film, ni du précédent d'ailleurs, vous le traitez en fond et d'une manière très engagée. Que voulez vous dénoncer ?

    Je ne cherche pas à dénoncer ! Ce que je veux faire, c'est montrer la complexité humaine, et faire prendre conscience : conscience de la vie de ces personnes vivant dans cette situation comme mes grands parents, et montrer cette société avec sa culture, son histoire, ses bons et ses mauvais côtés, et soulever la question de la criminalité également. A travers ce travail d'art qu'est mon film, l'idée est de montrer ! Ce n'est d'ailleurs pas discutable, et surtout aucun doute ne peut être émis dans la mesure où il s'agit de mon film, et surtout de moments que j'ai réellement et personnellement vécus. Personne ne peut venir me dire que "votre père n'a jamais pris de petit déjeuner avec vous" : la discussion n'est pas possible, et je ne présente pas un film où l'on peut discuter sur l'éventuelle exactitude des faits. Au fond, je présente pas d'arguments sur le conflit israélo-palestinien. Je ne souhaite pas soulever un débat ou une discussion sur les droits des Palestiniens, mais dessine juste un portrait autobiographique. C'est un fait, donc pas d'opposition possible. Je ne cherche pas à donner de leçon d'Histoire et surtout j'ai voulu m'écarter au maximum de l'approche médiatique. Ce que j'ai voulu montrer c'est l'intimité d'une famille.

    L'interview continue sur la page suivante !

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