Allociné : Sept ans se sont écoulés entre votre précédent long métrage, "Intervention Divine" (2002), et "Le Temps qu'il reste". Quelles en sont les raisons ?
Elia Suleiman : Il y a trois raisons à cela.
La première, c'est que j'aime prendre mon temps ! Beaucoup de réalisateurs font un film par an et cela ne m'impressionne pas du tout, parce qu'ils répètent tout le temps la même chose. J'aime faire des films sur la vie, la réalité et par conséquent prendre le temps de contempler les choses pour mieux les décrire. Et j'aime surtout laisser passer du temps pour retirer de chacun de mes films toute l'expérience et la connaissance nécessaires. Cela m'importe guère de peu en faire dans ma vie ! Je pense d'ailleurs que cela joue sur la qualité du long métrage : quand j'en fais un, je donne mon maximum, car je veux que chaque seconde soit un réel plaisir pour le spectateur. C'est une obligation morale pour moi !
La seconde raison, est liée directement aux circonstances de ma vie : mon dernier film, Intervention divine, a bénéficié d'une explosion commerciale internationale et j'ai dû l'accompagner dans le monde en entier pour en faire la promotion, pendant plus d'un an et demi. J'ai ensuite mis à peu près le même temps pour m'en détacher, m'en remettre et me réveiller.
La dernière raison pour laquelle Le Temps qu'il reste m'a pris quatre ou cinq ans à faire, est que personne ne voulait le produire... mais comme tous mes films ! Pour mon premier long métrage [Chronique d'une disparition, ndlr], j'ai mis tellement de temps à trouver un producteur, que j'ai fini par le produire moi même. Intervention divine m'a aussi pris un temps fou, mais j'ai finalement trouvé un homme enthousiaste qui n'avait jamais entendu parler de mes films avant. Il l'a produit et, avec le recul, je peux dire que c'est le seul qui aurait pu réellement le produire. Le seul et l'unique ! C'est le producteur Humbert Balsan... qui aurait également été celui du Temps qu'il reste s'il avait été encore de ce monde [il s'est suicidé en février 2005, ndlr]. J'ai donc rencontré les mêmes problèmes pour ce dernier jusqu'à ce qu'Hani Farsi, un britannique d'origine arabe qui ne travaille pas du tout dans le milieu du cinéma, me propose de le produire. Il avait vu Intervention divine par hasard et avait appris par la même occasion que j'étais en difficulté pour trouver le financement de mon nouveau film. Il est venu me voir et a mis énormément d'argent dans ce film pour qu'il se fasse. On a travaillé rapidement, dans une période courte, mais il a mis le maximum qu'il pouvait... et de sa poche ! Même pas pour le profit ! Il voulait juste que le film se fasse. C'est le producteur exécutif de mon film... C'est pour tout ça que j'ai mis autant de temps pour le faire !
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