" Adieu Gary " est un véritable hommage aux westerns. Qu'est-ce qui vous attire dans ce genre cinématographique ?
Nassim Amaouche : Il se trouve que ça a été un des genres les plus accessibles pour moi quand j'étais petit. Je regardais beaucoup l'émission " La Dernière séance " qui me donnait accès à certains westerns de grandes qualités, c'est l'un des premiers types de films dans lequel je suis rentré, avec une fascination de gosse. J'aime beaucoup les cinéastes qui, même s'ils expriment des sentiments personnels ou une vision du monde, le font à travers un genre. Je trouve cette démarche extrêmement généreuse car elle n'exclut personne. On est tenu par une intrigue, par un genre, par du spectacle – qui pour moi n'est pas un gros mot, c'est d'abord comme cela que j'ai aimé le cinoche – et ensuite, derrière, en sous-texte on découvre la vision de l'auteur. Le western, comme d'autres genres d'ailleurs, est assez habile quand il sert une vision personnelle du monde.
Quelles sont vos références ?
Nassim Amaouche : Je vais sans doute en oublié un certain nombre mais j'aime, bien evidemment John Ford, Sergio Leone, Robert Aldrich... Avec une préférence, tout de même, pour le magnifique travail de Sergio Leone.
Pourquoi avez-vous choisi de faire référence à Gary Cooper, plutôt qu'à d'autres figures Hollywoodiennes mythiques du genre tel que John Wayne, par exemple ?
Nassim Amaouche : John Wayne ne m'est pas très sympathique. Gary Cooper avait un côté un peu plus papier glacé qui le distanciait encore un peu plus de notre époque. Pour moi Gary Cooper permettait vraiment d'aller chercher dans la puissance du mythe, de la légende, dans la conscience collective d'un papier glacé. Je trouve que John Wayne était trop incarné. C'est typiquement le mythe dont l'Amérique avait besoin en période de crise post 29, un type assez doux, propre sur lui. John Wayne c'est l'Amérique propre. Pour la référence dans mon film, ça m'amusait que quelqu'un, d'un peu fou, puisse penser que c'est Gary Cooper, le mythe triomphant du capitalisme, qui viendrait résoudre tous ses problèmes. C'est un symbole.
Par certains aspects, votre film se rapproche également beaucoup du genre documentaire. Le fait d'en avoir déjà réalisés vous donne-t-il une approche différente de la fiction ?
Nassim Amaouche : Probablement. Mais j'ai tendance à me méfier de la frontière entre les genres. J'ai abordé mon premier court-métrage de fiction (De l'autre côté, 2003) avec une approche assez documentaire dans la manière de filmer les comédiens, il y avait de nombreux comédiens non-professionnels que je laissais un peu plus " libres " en terme de dispositif. Pour mon second film (Quelques miettes pour les oiseaux, 2006), j'ai fait un documentaire très, très mis en scène. Et Pour Adieu Gary qui se passe dans une vraie cité ouvrière, je pense parler de la réalité, avec certains aspects documentaires. Il puise beaucoup dans le réel mais en même temps je pense qu'il s'agit totalement d'une fiction. Les gens sont maquillés, éclairés... je n'ai pas cherché à masquer le dispositif, au contraire. J'assume totalement " l'artifice " du film.
En parlant de votre premier court-métrage " De l'autre côté ", on remarque, déjà, la présence de Yasmine Belmadi, personnage central d'"Adieu Gary" et qui vient de nous quitter...
Nassim Amaouche : C'est encore trop frais, je prefère ne pas aborder cette question, surtout en cette période de promotion. Pour moi Yasmine était plus qu'un comédien, c'était un ami... (cf. Yasmine Belmadi est décédé quelques jours plus tôt dans un tragique accident de la circulation à l'age de 33 ans, voir l'article).
" Adieu Gary " aborde des thèmes majeurs comme l'amour, l'isolement ou le dialogue trans-générationel... Quelle message avez-vous voulu faire passer à travers ce film ?
Nassim Amaouche : En réalisant ce film, j'avais pour intention de parler, avec acuité, de la transformation d'un monde, un monde ouvrier en l'occurrence. Ce n'est pas un message, c'est un tentative de filmer, le plus justement possible, une époque. Et c'est déjà beaucoup !
Comment s'est effectué le choix du lieu de tournage ? Cette cité ouvrière apparaît comme un personnage à part entière de votre film.
Nassim Amaouche : Dès l'etape de l'écriture du scénario il fallait que je trouve une sorte de no man's land. Je cherchais une cité ouvrièrte partiellement abandonnée. J'ai beaucoup cherché, un peu partout en France, j'en ai vu quelques unes avant de tomber sur celle-ci (ndlr : la Cité Blanche du Teil, en Ardèche), qui m'a comme envouté. Elle est très belle, elle dégage quelque chose de mélancolique et de profondemment authentique. C'est ce côté qui lui confère sa réalité, à elle. Mais, en même temps, elle permettait aussi d'aller largement vers le spectacle, vers les envolées parce qu'elle est quasiment irréelle, comme faite de carton-pâte. C'est cette ambivalence qui me plaisait. Cette cité ouvrière était réelle... mais pas trop !
Comment en êtes-vous venu à collaborer avec Jean-Pierre Bacri, acteur mais également co-producteur du film (via la société de production " Les films A4 ") ?
Nassim Amaouche : Il se trouve qu'Agnès Jaoui a vu mon court-métrage (De l'autre côté). Elle l'a montré à ses associés de la société de production (Sam Karmann, Jean-Philippe Andraca, Christian Bérard et Jean-Pierre Bacri), qui, après l'avoir visionné, m'ont demandé quels étaient mes projets. A l'époque, j'écrivais un moyen-métrage, ils ont lu le scénario, ça leur a plu et on a commencé à discuter de la possibilité d'en faire un long–métrage. J'ai retravaillé le scénario et cela c'est fait, tout naturellement.
Vous avez remporté, lors de la dernière édition du festival de Cannes, le Grand Prix de la Semaine de la critique. Ce n'était pas la première fois que vous participiez à ce festival puisque vous aviez déjà présenté, en 2003, toujours lors de la Semaine de la critique le film dont on vient de parler " De l'autre coté ". Que représente ce festival pour vous ?
Nassim Amaouche : Il répresente, déjà, la possibilité de présenter son travail et que celui-ci soit mis en lumière, ce qui est une sorte de reconnaissance en soi. Je ne cracherais sûrement pas dans la soupe. Le festival de Cannes, est, en général, un festival de grande qualité et j'étais très heureux d'aller là-bas et de remporter ce Prix. Vu le nombre de films qui se font, avoir une petite médaille, une petite distinction valorise incontestablement votre travail.
Quels sont vos projets à venir ?
Nassim Amaouche : Je vais me remettre très rapidement à l'écriture, j'ai quelques idées en tête. A dire vrai j'ai deux projets : un court-métrage documentaire et un long-métrage de fiction.
Propos recueillis à Paris par Romain Pacchiele