AlloCiné : Comment un réalisateur indépendant tel que vous trouve sa place sur une saga aussi énorme ? Qu'est-ce qui vous a intéressé ?
David Yates : Vous vous attachez à ce qui vous parle dans le scénario. Sur le précédent film, c'était la frustration de cet adolescent qui m'intéressait et à laquelle je pouvais m'identifier. Ici, c'est la naissance de l'amour qui me parle... Et puis aussi la façon dont ces ados réalisent combien le monde est complexe. Dans le cinquième film, Harry prenait la mesure de la complexité du monde des adultes. Ici, il participe lui-même à cette complexité en devant manipulateur lui-même. Il fait des choses dont vous ne le pensiez pas capable : il doit par exemple impérativement obtenir des informations de la part de Slughorn, et il le fait d'une manière qui n'est pas caractéristique de ce qu'on peut attendre d'un héros. (...) Chaque jour, un réalisateur prend des décisions en terme de jeu, de mise en scène, de lumière... Des décisions qui dépendent de sa sensibilité. Le cinquième film était différent du précédent, et ce sera encore le cas ici. Le négatif d'un film, c'est une partie de l'âme du réalisateur : et j'espère qu'il y aura autant de moi sur ce film que sur le cinquième.
En quoi ce sixième film diffère t-il du précédent ?
Ce film est différent dans le sens où il est plus tendre et repose plus sur la comédie. Je l'aborde vraiment différemment de Harry Potter et l'Ordre du Phénix. Le sixième roman est très différent du cinquième, plus intense car tout tourne autour de cette période de l'adolescence où vous découvrez la mécanique de l'amour. C'est très "sex, drugs & rock'n'roll". Il y a vraiment une atmosphère différente, ce qui est très intéressant. C'est la qualité de cette saga, qui évolue vraiment au fur et à mesure que ses héros grandissent. Et puis j'ai désormais appris à travailler avec les effets visuels, ce qui me permet d'être plus à l'aise pour jouer avec ces différentes palettes d'émotions sur ce film.
Et il y a un Français au générique...
Je voulais travailler avec le directeur de la photo Bruno Delbonnel dès le cinquième film, mais il n'était pas disponible. Heureusement, il a pu se libérer pour ce sixième opus et il réalise un superbe travail.
Quelle est la plus grosse difficulté pour vous sur ce film ?
Le travail sur fond vert. Il y a vraiment de quoi devenir fou quand vous tournez durant trois semaines d'affilée devant des écrans verts. Daniel est habitué à ça, mais ça fait vraiment mal à la tête quand vous n'êtes pas habitué. Nous avons tourné la scène de la caverne durant deux semaines, et c'était difficile... C'est plus sympa de tourner dans la Grande Salle de Poudlard comme aujourd'hui : il y a plein de détails, de choses à filmer, de textures, c'est beau comme une église ! Dans un environnement de fonds verts, il n'y a que cette couleur unique partout autour de vous et vous devez rester très concentré pour visualiser votre séquence...
J.K. Rowling a déclaré que Dumbledore était gay. Est-ce que cela a modifié votre approche du personnage ?
Pas vraiment, car ses orientations sexuelles ne changent pas le fond du personnage. Dumbledore reste toujours charmant, amusant, puissant, mystérieux, excentrique... et gay donc. Ca vient juste s'ajouter à cette longue liste, mais ça ne change en rien le personnage. Michael Gambon livre une belle performance sur ce film, car Dumbledore a plus de profondeur et plus de choses à faire. C'est un Dumbledore plus intéressant.
Parlez-nous de la scène que vous avez inventée sur ce sixième film...
J.K. Rowling nous a toujours soutenus et encouragés. Elle a beaucoup aimé le cinquième film, et elle a apprécié le scénario de celui-ci, donc... Elle a cette confiance qui fait qu'elle est toujours ouverte à nos propositions et qu'elle accepte certains changements. Comme cette scène qui résume l'atmosphère du roman, où l'on apprend chaque jour de nouveaux meurtres ou de nouvelles disparitions. Le lecteur n'assiste jamais à ces scènes : il n'en a qu'un compte-rendu dans les journaux. Or, ça nous semblait important de faire ressentir ça dans le film, car c'est quelque chose d'essentiel : mais si vous vous contentez de l'évoquer à travers le témoignage de quelqu'un, ça n'a pas autant d'impact que si vous y assistez. C'est ce que nous avons tourné avec l'attaque de la famille Weasley par des Mangemorts. Mais dans l'esprit, ça reste fidèle au livre.
Et la mort de Dumbledore ?
Ce sera très émouvant pour plusieurs raisons. Notamment car Drago Malefoy se voit confier la mission d'assassiner Dumbledore. C'est quelque chose de terrible, un enfant-assassin. Tom Felton livre une superbe performance sur ce film, il a enfin quelque chose de sérieux à se mettre sous la dent en terme de jeu... Ce sera une séquence très prenante, vous verrez... Et puis Dumbledore reste une figure centrale de cet univers : Harry perd donc encore un proche mais il y fera face avec une vraie maturité. C'est donc différent de ce que vous avez pu voir dans les autres films...