Allociné : Pourquoi avez-vous situé votre histoire à Paris ?
Hong Sangsoo: J'ai habité 7 ans aux Etats-Unis et un an à Paris, en 1991. Après avoir terminé mon dernier film Woman on the Beach, j'ai senti qu'il était temps de faire quelque chose hors de la Corée. J'avais le choix entre Paris, San Francisco et Chicago, des lieux dont j'avais encore des souvenirs précis. Je voulais prendre un lieu avec lequel j'ai un lien, mais je ne voulais pas aller aux Etats-Unis, donc il ne me
restait que Paris. Cela n'a modifié en rien ma façon de travailler, car c'est seulement le lieu qui a changé et pas les personnages. J'ai choisi le XIIIe arrondissement de Paris car j'y ai habité. Mais j'ai choisi un pays qui soit loin de la Corée du sud pour une autre raison : il y a quelques années, quand j'étais aux Etats-Unis, j'ai appelé ma femme en Corée du Sud. J'étais dehors, il faisait nuit, et ma femme faisait les courses, car en Corée du Sud, il faisait jour. C'était très bizarre pour moi : on se parlait, mais elle avait la lumière du jour et chez moi, il faisait nuit. Le temps, c'est très important pour l'homme, nous sommes très influencés par les heures du jour.
Mais dans le film, on ne voit que des personnages coréens...
Oui, je voulais décrire un parcours personnel. Je ne voulais pas placer le personnage principal dans des lieux particulièrement intéressants. J'ai choisi seulement quelques lieux ennuyeux. Sung-nam n'a pas d'argent, pas d'amis français et ne connait que quelques habitants coréens de la maison où il habite. Je voulais suivre cette expérience limitée.
Comment avez-vous perçu la culture française à l'époque où vous habitiez à Paris et est-ce que cette expérience personnelle a influencé l'histoire du film ?
Evidemment, dans chacun de mes films, il y a une partie de moi. Mais l'histoire est différente de la mienne. Je me suis inspiré de beaucoup d'expériences différentes, les miennes comme celles des acteurs par exemple. En ce qui concerne la culture, je n'aime pas généraliser. J'éprouve quelque chose à un moment donné, et si c'est important, je m'en souviens plus tard.
Vos personnages ne semblent pas responsables de leurs actes...
Sung-nam doit faire face aux consequences de ses actes, d'une manière ou d'une autre.Personne n'en peut y échapper.
Le fait même de s'enfuir, comme le fait Sungnam, c'est une conséquence.
Dans le film, on parle aussi de la Corée du Nord...
En Corée du Sud, ce n'est pas un sujet dont on parle tous les jours. Néanmoins, c'est important pour le plupart des Sud-Coréens, car cela provoque de la menace, de la peur, mais aussi de l'espoir. Les politiciens utilisent cette thématique pour attirer l'attention sur eux. Quelques familles étaient séparés par la division entre les deux Corée. Les jeunes grandissent avec la peur. Je crois que Paris est un des rares lieux au monde où des Sud-Coréens peuvent croiser par hasard des Nord-Coréens. J'ai lu des incidents dans ce genre, c'est pourquoi je l'ai utilisé dans mon film.
Propos recueillis lors du Festival de Berlin par Barbara Fuchs en février 2008
Night and day vu par le Blog de la rédac' à Berlin