Asia Argento, Tonie Marshall ou Bettina Rheims : les artistes du cinéma "traditionnel" se mettent au service du sexe et du plaisir. Nouveau venu sur la toile, le site Second Sexe se présente comme LE portail dédié à la sexualité et l'érotisme de la femme. Parmi les contenus du site : une partie magazine proposant infos, articles, conseils et nouvelles érotiques ; une boutique coquine de lingerie, accessoires rares, livres et DVD ; un club pour échanger, partager et communiquer ; et une médiathèque dans laquelle cohabitent sextos (textos sexy), livres audio et films en téléchargement. Des oeuvres érotiques et X classiques auxquelles viendront s'ajouter prochainement des productions pornographiques estampillées "Second Sexe", prônant une autre approche du sexe à l'écran. Fondatrice du site, Sophie Bramly nous en dit plus sur ce projet...
AlloCiné : Comment est né Second Sexe ?
Sophie Bramly : Cette idée m'est venue très étrangement, lors d'une conversation avec ma fille de 6 ans dont les questions m'ont amenée à m'interroger sur la représentation féminine. Comme je travaille dans l'internet depuis plus d'une dizaine d'années, j'ai commencé à réflechir à cette question par rapport au web : et autant il y a des milliards de choses pour les hommes, autant il n'y a pas grand chose pour répondre aux attentes spécifiques des femmes, à part quelques sites de vente en ligne ou pyscho. Mais il n'existait pas de site proposant des réponses à des questions, des moyens d'exciter sa libido, de trouver des objets, etc...
Sachant que le sexe a souvent une mauvaise "image", surtout sur le web...
Souvent, tout ce qui est rattaché au sexe est perçu par beaucoup de gens comme étant vulgaire. Or, il n'y a pas de raisons de limiter le sexe à cette approche : dans l'art par exemple, où le sexe à une prépondérance très forte, on est dans l'esthétique et dans le culturel. Même si là, on n'est plus dans l'éveil du désir mais dans la réponse à des questions. Mais du coup, je me suis dit qu'il y avait forcément une juxtaposition des deux qui était possible, et que ça puisse être à la fois beau, esthétique, culturel mais excitant. Et c'est le pari de l'ensemble du site.
C'est tout de même un pari risqué, car il existe sur le web comme vous le disiez des milliards de choses moins "intello" qui répondent peut-être plus que Second Sexe à un besoin purement physique...
On peut trouver plus excitant ailleurs sans le côté culture, effectivement. Mais ce que je n'arrive pas à défendre dans ce cas-là, c'est qu'on oublie l'aspect cérébral du sexe. Il est primordial. Aborder le sexe uniquement sur l'aspect physique en occultant le fait que le cerveau est l'émetteur de toutes les sensations, les névroses et les jouissances, ça ne marche pas. On parle beaucoup de la place des intellectuels dans la politique et du fait qu'ils en sont un peu absent : dans le sexe, c'est la même chose. L'oeuvre d'une femme comme Simone de Beauvoir, à qui je rends hommage avec ce site, a été extraordinairement bouleversante dans la vie des femmes. Elle a ouvert un grand nombre de portes parce que c'est passé par la réflexion justement... Le sexe est une activité extraordinairement cérébrale. Nous sommes dans une société d'archi-performance qui est totalement à l'opposé de ce que la sexualité demande : si on ne passe pas par le cerveau pour y réfléchir et essayer de s'affranchir de cette demande extrêmement forte, ça rend la sexualité très difficile il me semble.
Du coup, le site n'est dédié qu'aux femmes ? Ou pensez-vous quand même toucher un public masculin ?
Je m'attends tout à fait à ce qu'il y ait un public masculin, pour la simple raison que beaucoup d'hommes aiment les femmes, ont envie de les comprendre et veulent les accompagner dans une amélioration de la jouissance. Mais je ne me pose pas la question de cette façon, comme je ne me pose pas la question de la sexualité de la femme : la sexualité, à partir du moment où l'on est consentant avec une autre personne, on fait ce qu'on veut. Simplement, mon point de vue, c'est de l'aider dans son désir à elle.
Parmi les rubriques du site (magazine, boutique, club), ion retrouve une partie médiathèque. Elle sera payante j'imagine ?
On y trouve plusieurs services : un service de téléchargement MP3 de textes classiques lus par des personnalités comme Philippe Starck qui lit La Philosophie dans le Boudoir, Joey Starr qui lit "Les 11 000 Verges, Karin Viard qui lit Gamiani ou deux nuits d'excès ; un service de sextos, avec des extraits de grands textes à envoyer à soi ou à l'autre pour pimenter la journée ; et puis le pari du cinéma, qui reste assez complexe.
C'est à dire ?
Quand on s'adresse aux hommes, ils répondent que la pornographie pour femmes n'existe pas. Moi, c'est quelque chose auquel je crois : l'idée qu'on puisse faire des pornos autrement, c'est à dire garder cette attitude de voyeurisme, car le porno sert à ça, mais avec un parti pris esthétique, avec des gens dans la sensualité, dans le désir, dans les préliminaires et dans la vraie jouissance -ce qu'on ne voit pas dans le porno aujourd'hui- et tout ça dans l'esthétique de l'image, dans l'esthétique du stylisme, dans l'esthétique de l'émotion.
Dans ce cadre, vous avez des projets de moyens métrages...
Des moyens et des courts métrages. Les films dureront entre 5 et 20 minutes, selon les envies des réalisateurs, et ils auront ou n'auront pas de scénarios. Ca m'est égal, en fait. Ce que je veux, c'est que des artistes puissent s'exprimer sur quelque chose qui est au coeur de leur travail, que ce soit des artistes de cinéma, des photographes, des artistes plasticiens...
Et parmi les réalisatrices, Asia Argento et Tonie Marshall...
Tonie Marshall, je ne sais pas quand elle le fera : elle a planning très chargé, mais je sais qu'elle a envie de le faire. Asia Argento, j'ai déjà le scénario. mais c'est difficile d'en parler plus carnous avons déjà eu des films très proches d'être tournés et qui n'ont pas vu le jour. Au bout d'un moment il y a des angoisses, et c'est assez difficile quand on n'a jamais tourné ce genre de scènes de passer le pas. Donc tant que ce n'est pas tourné, je ne préfère pas m'avancer. Mais que ce soit elles ou d'autres, l'envie est chez beaucoup de femmes plasticiennes ou réalisatrices parce que je vois que ça interpelle... Quand on voit quelqu'un comme Damien Odoul qui arrive dans L'Histoire de Richard O. à proposer de vraies scènes de sexe avec des comédiens nus et consentants, on voit qu'il y a un vrai désir chez plein de gens de s'attaquer à ce sujet. C'est dans l'air du temps. Je ne crois pas inventer quelque chose de nouveau, sauf que j'ai la chance d'être au carrefour de l'internet et de l'audiovisuel et donc d'avoir la possibilité de l'imaginer. Je pense que c'est vraiment dans l'air du temps...
Justement au niveau des comédiens, vous pensez faire appel à des acteurs du milieu, à des acteurs "traditionnels", à des amateurs ?
C'est très compliqué, car je ne veux pas travailler avec des gens du porno. Avant tout parce qu'ils ont des réflexes : ce n'est pas contre eux, mais ils sont conditionnés à travailler d'une certaine manière et leur demander de proposer et autre chose et de se lâcher, ça me paraît compliqué. Ensuite, pour arriver à faire comprendre aux gens qui vont faire ces films et aux gens qui vont les regarder que c'est une autre proposition, je pense que c'est bien de s'écarter du milieu X. Et en ce qui concerne les femmes, dans le porno elles sont archi refaites de la tête au pied : or, pour moi, une femme qui regarde ça elle ne peut pas s'identifier. Je suis très surprise, car beaucoup d'acteurs et d'actrices sont consentants, mais aussi des couples qui seraient heureux d'être filmés en plein acte d'amour. Après, il y a le problème concernant les hommes de savoir s'ils pourront faire quelque chose devant une caméra quand l'équipe est sur place... C'est plus fragile et délicat. On se pose aussi la question de la faire avec ou sans capotes : est-ce qu'on est dans uen logique defilm porno, de film intermédiaire, de vrai cinéma ? C'est une question qui se pose à chaque fois avec chaque réalisatrice.
Propos recueillis par Yoann Sardet