AlloCiné : Comment est né le projet d'"Irina Palm" ?
Sam Garbarski : C'est un ami à moi qui a eu cette idée, il s'appelle Philippe Blasband. Il est scénariste, romancier et metteur en scène. Il est venu un jour et il m'a dit : "Je crois que j'ai une histoire pour toi." ! Puis il me l'a racontée, et il avait raison ! On a senti le potentiel de cette histoire et on a commencé à la développer, tout en n'y croyant pas vraiment. On l'a fait au début parce qu'on aimait vraiment ce projet, mais on sentait que ça allait être difficile.
La première version du scénario était écrite en français, pourquoi ce choix ?
Au départ, c'était une histoire qui se situait en Belgique, à la Gare du Nord de Bruxelles. C'était une vraie histoire belge ! Les gens étaient emballés, mais on n'a pas réussi à trouver les financiers pour ce projet. Et j'ai fait un autre film en attendant, Le Tango des Rashevski, tellement le projet d'Irina Palm a pris de temps. Et un jour, mon producteur est venu et m'a dit : "Ecoute, je reviens du Festival de Rotterdam où j'ai rencontré une productrice anglaise qui nous propose de l'envisager en anglais". Et là, une fois qu'on a eu cette opportunité, c'était magnifique car finalement, si on avait eu le choix, on aurait imaginé l'histoire en Angleterre pour de multiples raisons. Tout d'abord, c'est tellement plus fort là-bas, la langue anglaise possède une autodérision qu'on n'aurait probablement pas eue en français. Tout le contexte socioculturel est tellement plus fort, et le rapport avec les mutuelles pour des remboursements pour ce genre de maladie est encore plus dramatique en Angleterre. On était très content finalement !
Comment avez eu l'idée de choisir Marianne Faithfull pour le personnage principal ?
Par hasard. J'étais dans un avion, et je lisais un article qui mentionnait qu'elle tournait le film de Sofia Coppola (ndlr : Marie-Antoinette) à Paris, et je me suis dit : "Tiens, ça peut être une idée !". Quand j'ai atterri, j'ai appelé mon producteur qui trouvait ça vraiment intéressant, puis j'ai appelé ma directrice de casting qui a envoyé dans l'heure un scénario à l'agent de Marianne et vingt-quatre heures après, Marianne voulait me rencontrer et m'a dit : "Je veux faire cette Maggie".
Malgré le sujet grave du film, vous l'avez filmé de manière poétique, avec un point de vue très tendre sur les personnages. Que vouliez-vous montrer à travers ce contraste ?
C'était assez obsessionnel. C'était une belle histoire, celle d'une femme qui est pure, et qui à travers une tragédie glisse dans un endroit qu'elle n'aurait pas pu imaginer, même dans ses pires cauchemars. La pire des choses qu'elle n'imaginait pas non plus, c'était de tomber amoureuse d'un homme, et probablement le dernier qu'on lui conseillerait ! Mais malgré tout ça, elle reste pure, et j'avais envie de le raconter avec la pudeur qui s'imposait pour être juste par rapport à elle et à son évolution. C'est une femme qui se découvre sur le tard, qui a mené une vie qu'on ne peut même pas appeler une vie. Et, à travers cela, révèle le côté femme qui est en elle.
Le film raconte le sacrifice, politiquement incorrect, d'une femme pour sauver son petit fils. Quelle en a été l'origine et comment avez-vous eu l'idée de lui faire faire ce sacrifice-là ?
(rires) En fait, c'est en regardant un reportage sur les call-girls au Japon. C'est Philippe qui me l'a montré, et je dois rendre à César ce qui appartient à César ! Il avait vu ce reportage et m'en a parlé. Il permettait de raconter ce milieu du sexe avec un côté tragicomique. Je pense que l'humour est un médicament de survie. C'est un milieu horrible, triste et déprimant, et le raconter avec un côté tragicomique était intéressant.
Le choix des personnages secondaires est particulièrement soigné...
J'avais une directrice de casting, Leo Davis, qui est tombée amoureuse de l'histoire, mais elle trouvait mon casting de départ terrible ! Je crois qu'elle aimait beaucoup l'idée de Marianne et Miki, et s'est fait un point d'honneur de me trouver, pour tous les autres rôles, des comédiens de grande qualité. Elle était mon meilleur agent, elle a tellement aimé l'histoire et le projet qu'elle a vendu des petits rôles à des comédiens vraiment réputés, juste pour leur faire dire une phrase ou deux. C'était fabuleux, elle a fait un travail formidable pour moi.
Que pouvez-nous nous dire sur le personnage de Miki ?
Je crois que lui, c'est vraiment le tenancier de ce genre de sex club. Le monde serait heureux de s'en débarrasser. Mais il fait partie de ces gens touchants, qui, sans le vouloir, ne demandrait pas mieux que de rencontrer quelqu'un. Et quand cette Maggie débarque chez lui, il ne croit pas bien voir, c'est comme si E.T. arrivait chez lui ! Il est intrigué, il a envie de s'amuser mais en même temps et sans s'en rendre compte, il est déjà touché, il est sensible à cette Maggie.
Votre film est basé sur l'espoir (de guérison de l'enfant, d'amour, d'une vie meilleure), que pouvez-vous espérer pour vous aujourd'hui ?
Que mon film marche bien et que beaucoup de gens aillent le voir ! (rires) Parce que quand on fait un film, on a envie de le faire, et ça en devient presque un besoin. Mais après, on a aussi envie de le partager.
Quels sont vos projets ?
Eh bien, je vais réaliser l'adaptation d'un manga qui s'appelle Quartier Lointain de Jiro Taniguchi. L'histoire sera adaptée à la culture européenne et se passera en France. Le scénario est déjà prêt et on commence à avoir quelques idées pour les acteurs, mais je ne pourrais vous en dire plus que dans un mois...
Propos recueillis par Aurélie Garreau le 7 mai 2007