AlloCiné : Dans "L'Incroyable destin de Harold Crick", un homme réalise que sa vie est racontée et écrit par un narrateur invisible dont il n'entend que la voix. Avez-vous l'impression parfois que votre vie est écrite par quelqu'un d'autre ou pensez-vous que l'on est maître de son destin ?
Dustin Hoffman : Et bien, laissez-moi vous posez une question ?
Bien sûr...
Combien de fois avez-vous failli mourir ? Avez-vous failli y passer ?
Cela m'est bien arrivé une ou deux fois...
En ce qui me concerne, j'ai connu ça plusieurs fois. Plus d'une fois j'aurais vraiment dû y passer et ne plus être ici aujourd'hui. La première fois que j'ai failli mourir, c'était à 20 ans quand j'ai failli être brûlé vif. J'ai été hospitalisé pendant un bout de temps et j'ai vraiment cru que c'était la fin. Le médecin traitant m'avait d'ailleurs "condamné". J'avais 24 ans et rien de méchant ne m'était arrivé auparavant. Quelques temps après alors que je marchais dans les rue de New York, je me suis arrêté et j'ai levé les yeux au ciel en disant : J'ai compris ! Je peux partir à tout instant !" Et c'est comme cela que j'en suis venu à croire en Dieu. Je crois vraiment qu'il y a quelque chose et il ne vaut mieux pas charier l'auteur de sa vie car il (ou elle) risque de réécrire votre fin en fonction de vos actions. C'est amusant car depuis cet incident, je regarde les gens qui prennent des riques non calculés dans leur vie, qui traversent aux feus verts, et c'est amusant comme ils se croient invincible, alors qu'ils ne le sont pas. Nous ne sommes jamais invulnérables...
Ce film suit le parcours d'un homme qui est également totalement maniaque et obsédé par l'ordre, par sa routine. Et je me demande ce qu'il y a de maniaque chez vous ? Est-ce que... par exemple vous comptez le nombre de minutes qu'il vous faut pour donner un orgasme à une femme ?
J'adore cette question ! VOUS êtes un maniaque ! Et bien les femmes ont sans doute raison lorsqu'elles se plaignent des jeunes qui sont parfois maladroit et des éjaculateurs précoces. J'ai été l'un d'eux... Et vous ?
Probablement parfois... Je ne me souviens pas de tous mes rapports sexuels... J'avais trop bu sans doute ! (Rires)
Ah... J'adore le vin français ! Et bien, de toute façon il n'y a rien de mieux qu'un vieil éjaculateur précoce comme moi. Car en vieillissant, mon corps réagit différement et cela me prend environ 1h30 avant d'éjaculer et donc je veux croire que je rends vraiment toutes les femmes heureuses maintenant !
Le film parle aussi du "réveil" de cette homme qui réalise qui il est vraiment, ce qu'il veut faire de sa vie et décide de changer son destin. Cela vous est-il arrivé de vous "réveiller" et de vouloir changer votre vie ?
Et bien cela ne m'est pas encore arrivé de me "réveiller"... C'est une réponse honnête... Mais au moins, je peux dire qu'en vieillissant je suis arrivé à croire plus en moi, en mon for intérieur. Et puis j'ai appris à être plus honnête aussi avec moi-même et les autres, tout simplement. Dire la vérité peut parfois faire mal mais c'est moins pénible que de mentir. Evidemment cela ne veut pas dire qu'il faut en abuser. Je crois vraiment que c'est dur de ne pas se mentir à soi-même, de ne pas s'enfermer dans ses illusions et je crois vraiment qu'on se ment à soi-même la plupart du temps. Je crois qu'il y a en nous un "inconscient" et que cet inconscient est inconscient pour une bonne raison. La raison c'est que l'on ne veut pas souffrir, et donc la plupart du temps nous ne voulons pas faire face à certaines vérités sur nous-mêmes, vérités sans doute trop douloureuses.
Est-ce que ce n'est pas aussi la faute à la société qui nous met dans une petite case et nous apprend à baisser les bras, à ne pas nous remettre en cause, justement pour ne pas risquer de sortir de cette case ?
Bonne analyse. Oui, sans doute. Dans tous les cas, vous ne voulez pas sortir de votre boite car vous ne voulez pas prendre le riques de souffrir, conscient ou inconscient. En fait je pense que l'on ne travaille pas assez sur ce qui nous traumatise dans la vie et ce depuis la naissance. La plupart de nos traumas restent irrésolus. Et cela veut dire qu'à un moment ou un autre, ces traumatismes vont remonter à la surface et nous faire agir de telle ou telle manière. Quant à moi, je pense avoir réussi à "résoudre" certains traumatismes de mon enfance et que j'ai tourné la page à jamais tournée...
Pensez-vous que de "jouer", que faire l'acteur vous aide à résoudre ces conflits intérieurs. Ou au contraire est-ce que cela ne vous empêche pas de chercher à savoir qui vous être vraiment ?
C'est vrai que mon métier d'acteur ne m'a pas vraiment aidé... Si cela avez eu de l'effet sur moi, je ne serais pas aussi fou aujourd'hui ! Jouer pour moi, c'est comme un soupir, cela me soulage par rapport à moi-même. Cela m'évite de m'enfermer dans mon MOI et de devenir un AUTRE. Et puis certaines choses du MOI apparaissent forcément dans les rôles que je joue, c'est pour cela que l'on parle de rôles de compositions...
Vous avez dit que c'est seulement depuis peu de temps que vous êtes parvenu à vous accepter comme tel, à faire face à vos démons intérieurs. Que s'est –il passé pour en arriver là ?
Et bien j'ai traversé une violente crise existentielle. Il s'est passé que soudainement, il y a 5 ans, je me suis purement et simplement arrêté de travailler. C'était juste après avoir reçu cette récompense pour ma carrière décernée par l'American Film Institute. Je me souviens que je suis rentré dans cette salle immence qu'ils avaient décoré avec des photos plus grandes que nature de tous les rôles de ma carrière. Et au lieu de me faire plaisir, la vue de ma propre carrière, étalée comme cela, m'a donné une sort d'attaque. J'ai paniqué et j'ai cru que s'en était fini de ma carrière. Je suis rentré chez moi, j'ai enlevé mon smoking et j'ai paniqué d'angoisse toute la nuit. Pour la première fois, j'ai compris pourquoi certaines personnes veulent sauter par la fenêtre pour se soulager et tout effacer de leur existence. J'ai vraiment cru que c'était la fin, MA FIN. Bizarrement, j'ai cru que je n'étais pas arrivé à exprimer ce que je voulais exprimer avec ma carrière. Et voilà... Tout s'est arrêté parce que je l'ai voulu et un matin je me suis réveillé et j'ai réalisé que je n'avais pas tourné un film depuis 5 ans... Pour moi, c'était comme si 6 mois seulement s'étaient écoulés.
Et un jour, comme ça, vous êtes retourné bosser ?
Un jour, comme ça, j'ai pris le premier boulot que l'on m'a offert. C'était un rôle dans le film Confidence. Et puis c'est à ce moment que j'ai décidé de changer mes méthodes de travail. J'ai arrêté de m'angoisser sur les scripts que je lisais et que je voulais parfaits. Je me suis au contraire focalisé sur les gens avec qui j'avais envie de travailler, comme Johnny Depp par exemple (dans Neverland, NDLR), même si c'était pour un second rôle. Et puis j'ai arrêté d'essayer d'être une star, je veux juste être un acteur qui aime la vie et profite pleinement de celle-ci.
Est-ce que vous évitez vraiment d'être une star ?
Absolument ! C'est marrant comment cela m'est arrivé un jour, tout d'un coup, juste après mon rôle dans Le Lauréat, et après des années de galère comme serveur dans tous les restaurants de New York ! Et puis j'ai pris les choses en main et est toujours refusé de me laisser enfermer par mon "statut" de Star. D'ailleurs après Le Lauréat, j'ai tout refusé jusqu'à Macadam cowboy dans lequel je n'ai joué qu'un second rôle. J'ai toujours dit que je ne voulais par devenir une star mais devenir un acteur. De plus, je sais que la gloire, le succès et l'argent vous souillent, vous arrachent votre pureté. Même si je ne peux pas les éviter totalement, au moins j'évite de trop les embrasser. Et puis je pense que dans vote vie d'acteur, il faut toujours se focaliser sur les rôles que l'on aime vraiment, que l'on veut vraiment jouer avec toute son âme et non pas pour l'argent ou parce que ce sont des rôles de star.
Avez-vous des regrets dans votre vie, votre carrière ?
Oui, bien sûr. Et je ne veux pas mourir en me demandant si j'aurais dû faire ceci ou cela dans la vie. Mais je crois que malheureusement on ne vit sa vie qu'à moitié car il y a toujours plus à faire, plus à voir. Il y a une expression qui dit que la vie est comme un salon d'essayage. Et c'est un peu vrai : j'ai l'impression que comme dans un salon d'essayage on essaye juste de vivre dans la vie mais on ne vit pas pleinement, jamais tout à fait. Et puis comme dans un salon, la vie est un labyrinthe dans lequel on se perd plus d'une fois.
Pourquoi pensez-vous après toutes ces années que vous continuez à faire l'acteur ?
Et bien, un jour, alors que je travaillais avec Lawrence Olivier, je lui ai posé cette question, pourquoi nous faisons ce que nous faisons, nous, les acteurs. Il m'a alors regardé droit dans les yeux en silence et puis à hurler: "Regardez-moi ! Regardez-moi ! Regardez-moi !". Ca m'a donné la chair de poule. Mais c'est vrai : vouloir jouer, c'est vouloir qu'on vous regarde, que l'on reconnaisse votre existence, se croire au centre du monde pour un moment. Et c'est pour cela aussi que j'aime rencontrer des gens, faire des interviews, j'ai besoin que l'on me regarde...
Avez-vous eu des moments "d'ennui" dans votre vie ?
Non, jamais ! Je ne comprends pas vraiment le concept de l'ennui. J'ai été angoissé, déprimé, effrayé mais jamais je n'ai éprouvé d'ennui. La vie n'est jamais ennuyeuse, juste effayante de temps en temps ! Comment est-ce que l'on peut s'ennuyer dans la vie quand il y a tant de surprises à chaque coin de rue ! Vraiment, je ne comprends pas quand quelqu'un me dit qu'il s'ennuie... Ouvrez les yeux et regardez ce que la vie va vous apporter...
Propos recueillis par Emmanuel Itier à Los Angeles