AlloCiné : Qu'est-ce qui vous a attiré dans ce projet ?
Audrey Tautou : La qualité du scénario. J'avais extrêmement envie de travailler avec Pierre [Salvadori] depuis longtemps. J'adore ses films, ses comédies : je les trouve tellement sensibles, intelligentes et subtiles. C'est un genre, en tant que spectatrice, que j'affectionne beaucoup. Quand j'ai appris qu'il écrivait un scénario pour moi, rien que de travailler avec lui c'était gagné à 70% ! J'espérais juste que le scénario soit à la hauteur, pour que cette expérience soit un rêve. Quand j'ai lu le scénario, je n'ai pas été déçue ! C'est tellement extraordinaire de se voir offrir un rôle qui est si différent de ce que j'ai pu faire auparavant, avec des scènes jubilatoires à jouer. Quand on voit les comédies qui sortent en France à longueur de semaines, je suis contente d'avoir eu la chance de participer à cette aventure.
Quand vous avez appris que Pierre Salvadori écrivait pour vous, connaissiez-vous la dimension physique de votre personnage ?
Non. C'est mon agent qui m'a dit : "Il y a un réalisateur qui écrit pour toi, est-ce que tu veux savoir qui est cette personne ?". Comme je craignais qu'elle pense que ça me fasse plaisir et en fait non, du coup je lui ai dit que je ne voulais pas savoir. Il y avait deux choses qui me retenaient : soit c'était quelqu'un avec qui je n'avais pas très envie de travailler, soit c'était quelqu'un que j'aime beaucoup et là j'aurai eu peur que ça ne fasse pas. Juste la peur dêtre déçue. C'est vraiment quand le scénario a été terminé qu'on me l'a dit.
Avec un tel contexte, auriez-vous eu la force de refuser ?
Franchement, quand on a affaire à Salvadori et que l'on connaît un peu sa filmographie, on ne prend pas beaucoup de risques !
Qu'est-ce qui vous attirait le plus dans le personnage d'Irène ?
De jouer une femme fatale et vénale, de porter de belles robes. De pouvoir composer un personnage. Ce qui m'amusait aussi beaucoup, c'était les scènes de pure comédie. C'est un film contemporain mais qui n'est pas quotidien. Ce ne sont pas des scènes du quotidien, il y a toujours une idée, une trouvaille, quelque chose de drôle. Il y a plus d'une idée par scène.
Avez-vous eu du mal à rentrer dans la peau d'Irène alors que quatre jours auparavant vous tourniez le "Da Vinci Code" ?
Non, je n'ai pas eu le temps de me poser de questions ! Je pense d'ailleurs que ça m'a aidé, de ne pas cogiter, de me lancer dans le truc sans réfléchir. L'expérience du Da Vinci code m'a beaucoup appris. Elle m'a appris un tout petit peu à extérioriser davantage mon jeu et à savoir gérer ma concentration. C'est-à-dire à faire davantage confiance à l'instant présent, avec la possibilité qu'il se passe quelque chose sans avoir tout préparé à l'avance. C'était une expérience difficile, pas dans l'ambiance parce que c'était génial, mais dans le fait que l'on travaillait douze heures par jour, six jours sur sept. Je parlais anglais toute la journée et pour la concentration c'était très fatigant, très lourd. J'avais une demie heure d'anglais tous les matins à 5 heures avant de commencer ma journée ! On passait parfois plusieurs jours pour une scène... Et arriver sur un film français comme celui de Pierre, avec une équipe plus petite, on se sent en famille, et du coup tout paraît plus facile !
Vous vous servez de quoi pour séduire ?
Je ne suis pas du tout dans la séduction active, je fais parti de la catégorie des orgueilleuses, c'est-à-dire de tout faire pour que ça ne se voit pas ! (Rires)
Vous aviez une grande liberté artistique sur le plateau ?
Oui. On a eu une grande liberté, mais constructive. C'est-à-dire que l'on improvise pas le texte mais on peut apporter nos idées.
Vous prenez toujours en photos les gens qui vous interviewent ?
Oui, mais je l'ai oublié aujourd'hui ! C'est pour moi, je les classe chronologiquement. Ça permet de prendre conscience du temps qui passe et de la quantité de personnes que l'on rencontre.
Sur le tournage du "Da Vinci Code", ça devait être quelque chose !
Pas tant que ça. Comme c'était une sortie mondiale, je n'avais pas besoin de voyager. Et comme le film faisait l'ouverture du Festival de Cannes et que la presse internationale se réunit au même endroit, j'ai fait un ou deux jours de promo internationale à Paris et deux jours et demi à Cannes. Je n'ai jamais fait aussi peu de promotion pour un film ! Et comme j'étais en tournage sur le film de Claude Berri, je n'avais pas beaucoup de temps.
Vous avez le sentiment d'avoir repris de l'oxygène depuis Amélie ?
Ah oui, ça va mieux ! Ca fait quelques années que l'on ne me regarde plus comme si j'étais la Vierge en personne ! (rires) Au début, ça m'a pesé. C'est le changement qui a été brutal. J'ai plus d'expérience maintenant.
Comment avez-vous réagi quand vous avez reçu votre César pour un premier rôle ?
Avec surprise ! J'étais très étonnée mais ça m'a fait très plaisir. J'étais super contente mais il m'a fallu du temps pour réaliser !
Comment faites-vous pour garder les pieds sur terre ? Comment reste-t-on dans la réalité ?
Je pense que c'est une question d'éducation et de nature. Mes parents m'ont inculqué des valeurs, ce sont des gens très intelligents et qui ont dû m'en donner un petit peu pour savoir que tout ça n'a pas beaucoup d'importance ! Et puis je n'ai jamais été attiré - à l'inverse de mon personnage - par une vie de paillettes, de luxe et de palaces.
Comment est venue votre envie de faire ce métier ?
J'ai eu des petites expériences de théâtre au lycée qui m'ont vraiment plu, j'avais beaucoup d'activités extra-scolaires. J'ai fait un stage d'été au cours Florent, et à l'issue du stage, j'ai été admise en deuxième année au lieu d'être prise en première. Du coup, j'ai demandé à mes parents si je pouvais continuer de faire du théâtre en même temps que mes études universitaires à Paris. Ils ont accepté. Mais je ne me disais pas que je voulais être comédienne.
Aimeriez-vous refaire du théâtre ?
Oui, j'aimerais bien. Je dirais même d'en faire tout court, parce que mes expériences théâtrales sont assez légères, je n'en ai pas fait beaucoup.
Quels sont vos projets après le film de Claude Berri, "Ensemble c'est tout" ?
Pour l'instant je n'ai pas trop envie de travailler !
Qu'est-ce que vous allez faire alors ?
Je vais dans des musées. Je suis partie à Vienne la semaine dernière et je suis allée au musée d'art contemporain. C'était génial ! A Paris, j'ai été à l'exposition des photos de Marilyn Monroe et à celle de la photographe Cindy Sherman.
Propos recueillis par Aurélie Garreau à Paris le 06 décembre 2006