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    "La Doublure" : rencontre avec Francis Veber

    A l'occasion de la sortie de "La Doublure" avec Gad Elmaleh et Alice Taglioni, Allociné s'est entretenu avec Francis Veber, l'homme derrière "La Chèvre" et "Le Dîner de cons".

    Pierre Richard a récemment confié qu'il connaissait un regain d'appétit pour le cinéma. Seriez vous prêt à travailler de nouveau avec lui ?

    Vous savez il y a eu un problème avec Pierre suite à mon départ à Los Angeles. Moi j'ai toujours eu envie de travailler avec lui... Je suis parti là bas, j'ai tourné deux films et quand je suis revenu j'avais une pièce de théâtre qui a démarré qui était Le dîner de cons et pour laquelle j'avais choisi Jacques Villeret. Donc on s'est séparé sans le vouloir petit à petit. Villeret a ensuite fait le film, puis Pignon a réapparu dans Le Placard, mais il me fallait un petit homme gris dans une entreprise et c'était le contraire de Pierre qui est un vrai comique. Puis il est arrivé un moment où il n'avait plus l'âge de jouer les rôles qu'il jouait quand on travaillait ensemble. Maintenant il lui faut des rôles plus mûrs...

    Et un duo Depardieu / Richard ?

    Ca aurait un coté ancien combattant qui me ferait un peu peur... Il me semble que tous les deux ont évolué dans des directions différentes. Frank Price, un ancien patron d'Universal m'a dit "Il ne faut pas vieillir avec ses acteurs". C'est un peu impitoyable mais c'est vrai. Il faut se renouveler. Par exemple Billy Wilder, quand il a fait le remake de L'Emmerdeur, a repris des acteurs qui étaient Jack Lemmon et Walter Matthau avec qui il avait déjà travaillé. Et ils étaient trop âgés pour les rôles...

    C'est pourtant ce qu'a fait Patrice Leconte avec ses "Bronzés"...

    Ce n'est pas pareil ! Les Bronzés ont fait des carrières éblouissantes chacun de leur côté... Fechner a fait un grand coup de production en réunissant des gens qui étaient encore en haut de l'affiche vingt-sept ans après. Le film –c'est absurde de dire ça– n'avait pas grande importance... On avait envie de revoir ces gens là parce qu'ils étaient restés présents dans l'inconscient collectif à travers une quantité énorme de succès... Que ce soit Gazon maudit pour Josiane Balasko, Un Indien dans la ville ou Le Dîner de cons pour Thierry Lhermitte. Que ce soit Je vous trouve très beau récemment pour Michel Blanc, Les Visiteurs pour Christian Clavier... Ils avaient tous fait des carrières étonantes. Donc quand on les a réunit de nouveau, les gens se sont précipités.

    Vous avez popularisé le "buddy movie à la française". Certains films récents reprenant ce concept n'ont pas eu le succès escompté malgré le casting. Pensez-vous que le genre s'essouffle ?

    C'est une question complexe... Je ne pense pas que le genre s'essouffle. Les histoires d'amitié datent d'il y a longtemps... Un de mes films préférés est La Traversée de Paris, j'aime bien La Grande Vadrouille, Le Corniaud, Butch Cassidy et le Kid... et plus récemment Le Secret de Brokeback Mountain, où l'histoire d'amitié va un peu loin peut-être (rires). Ce sont tous de beaux films.

    Vous avez écrit beaucoup de scénarios mis en images par d'autres réalisateurs...

    Oui, dix-huit !

    Ce n'est plus le cas maintenant...

    Non, à partir du moment où vous avez gouté à la mise en scène et vous vous rendez compte que vous appliquez mieux votre musique que les autres, il ne faut pas hésiter à continuer.

    Malgré vos succès populaires systématiques, êtes vous encore sensible à la critique ?

    Oui, parce que c'est un des rares métiers où quand vous avez un bébé, il y a des gens qui arrivent et qui disent "Il est moche !". Essayez d'imaginer ça dans une maternité, vous avez un fils dont vous êtes tout fier, et il y a cinq types et trois filles avec des lunettes qui disent "Mais dites donc, il est affreux votre bébé", c'est terrifiant ! C'est pour ça que je suis sensible à la critique. Et tous les gens qui disent "Moi je ne les lis pas, ça m'est égal", je pense que ce sont des menteurs, parce qu'il y a toujours un copain qui vous appelle pour vous parler des critiques dans tel ou tel titre de presse. Il y a par contre des critiques drôles. Par exemple, ma femme m'a parlé d'un internaute qui disait sur un forum "Moi j'irai voir La Doublure parce que Veber ne peut pas faire deux merdes de suite", en parlant de Tais-toi ! qu'il n'avait pas aimé. Et ça m'a bien plu, c'est une critique qui est amusante au moins. Ce qui est terrible ce sont les critiques injustes. Par exemple, un critique avais écrit "J'ai dormi à La Chèvre...". Dire "Je n'ai pas aimé La Chèvre", il a le droit... Mais,"j'ai dormi à La Chèvre", ça, c'est insultant.

    Que pensez vous des comédies américaines qui sont parfois plus appréciées que les comédies françaises ?

    C'est comme la messe en latin. Tant que la messe était en latin on la trouvait formidable. Mais quand on a compris ce qu'ils disaient, on a trouvé ça un peu plus prosaïque... Si c'est joué en anglais, ils ne se rendent pas compte souvent, ni de la vulgarité, ni de la banalité du propos. Je ne parle pas des bons films, des grandes comédies américaines... Mais récemment, comme ils visent surtout les adolescents, ce n'est pas ce qu'il y a de mieux... Je trouve que nos films français comme Je vous trouve très beau, qui est un gros succès mérité ou Fauteuils d'orchestre sont des films plus raffinés et sophistiqués que 40 ans, toujours puceau par exemple ! Les comédies américaines visent bas... Quand le gars essaye le préservatif sur son avant bras, je ne suis pas sûr qu'on a envie de ça.... Nous on le met sur le sexe je crois...

    Où en sont vos projets américains ?

    Il y a trois remakes en court : celui du Dîner de cons (ils n'arrivent pas à l'adapter), le remake du Placard et celui de Tais-toi !. Vous savez, là bas, ils se servent des adapteurs comme de Kleenex, ils prennent une équipe et ils la jettent. En plus, ils veulent faire une comédie musicale avec Le Placard à Broadway et c'est ce qui est en train de s'écrire en ce moment.

    Un nouveau projet français après "La Doublure" ?

    Tant que le bébé n'est pas né, c'est difficile d'avoir de vrais projets. Le jour où le film sera sorti je vous dirai que j'aimerai peut être refaire un film avec Gad, par exemple, qui n'est pas cher...

    Propos recueillis par Eric Kervern à Paris le 9 mars 2006

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