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    Une petite leçon de terreur avec Wes Craven

    Papa de Freddy Krueger et du tueur masqué de Scream, Wes Craven et l'un des plus grands artisans du cinéma d'horreur. A l'occasion de la sortie de "Red eye / sous haute pression", nous avons rencontré le maître...

    Vous avez terrorisé les vacanciers avec "La Colline a des yeux", les rêveurs avec la saga "Freddy", les adeptes du téléphone avec "Scream", et vous vous attaquez maintenant aux passagers aériens avec "Red eye - sous haute pression". Qu'est-ce qui ne va pas chez vous ?

    (Rires) Disons simplement que j'aime bien faire peur aux gens. C'est très marrant ! J'espère arriver à leur faire peur avec tout ce qui reste dans le monde, jusqu'à ce qu'on les enferme dans un asile... (Rires)

    En parlant de peur, vous déclariez dans une interview que le cinéma avait pour vous une fonction cathartique. C'est votre vision du septième art ?

    Toute histoire que l'on raconte, particulièrement à travers les films avec tous ces spectateurs rassemblés autour d'un écran lumineux qui leur conte quelque chose, est assez semblable finalement à nos ancêtres qui se réunissaient autour du feu pour écouter un sorcier raconter des histoires et autres mythes. Et ces histoires sont toujours profondément liées à la vie humaine, qu'elles traitent de choses dérangeantes, émouvantes ou terrifiantes... Quelles qu'elles soient, elles laissent toujours des traces dans notre esprit et notre subconscient. On peut donc évoquer ces thèmes à travers un récit attirant et distrayant, afin de les faire revivre une nouvelle fois aux spectateurs et de leur donner une nouvelle dimension. C'est un processus très ancien, vous savez. Et vous pouvez faire ça avec une comédie, un drame historique ou, comme moi, des films d'épouvante et des thrillers.

    Vous avez étudié la psychologie et les sciences humaines. Cela vous a t-il justement aidé à comprendre les mécanismes de la peur ?

    Pas vraiment en fait. Bien entendu, étudier ces domaines m'a sans doute permis de mieux appréhender la façon dont toutes ces choses sont ancrées dans nos esprits. Mais la meilleure école a été de vivre durant le XXe siècle, qui a quand même été très sanglant ! (Rires) Je me suis surtout inspiré de choses que j'ai pu vivre ou voir, que ce soit des films ou des reportages. Parfois, aussi, certains éléments que vous avez vécu étant enfant vous semblent terrifiants, non pas parce qu'ils le sont, mais parce qu'ils vous touchent plus profondément parce que vous n'avez pas encore de "barrière mentale" pour faire face à ça.

    Vous êtes considéré depuis trente ans comme un maître de la terreur. Vos méthodes pour provoquer la peur chez le spectateur ont-elles évoluées ?

    Déjà, je ne sais pas d'où sort ce "Maître de la terreur"... ça m'intimide un peu ! (Rires) Mon premier film, La Dernière maison sur la gauche, était très violent et très viscéral. J'ai ensuite évolué vers quelque chose de plus abstrait et de plus intellectuel, peut-être parce que mon public s'élargissait. Après, j'essaye toujours d'être imprévisible, de surprendre les spectateurs. Pour y parvenir, il faut essayer de comprendre dans quel état psychologique -et même spirituel- se trouve votre public au moment présent, et vous inscrire dans cette époque. Je ne sais pas vraiment comment j'y parviens, mais je fais en sorte d'être à l'écoute de toutes les générations, de l'air du temps, de la culture du moment, et surtout de ne pas rester ancré sur des choses vieilles de dix ou cinquante ans. C'est important, surtout à mon âge, ne pas se contenter de rester dans l'univers dans lequel on était à l'aise, mais de constamment se mettre dans une position inconfortable pour apprendre de nouvelles choses. Après, la peur reste quelque chose d'ancien et de primal : il faut simplement la retranscrire par de nouveaux moyens.

    Vous parliez de "La Dernière maison sur la gauche". Quels souvenirs gardez-vous de vos débuts, quand le cinéma d'horreur était encore indépendant des studios ?

    C'est un bon souvenir, car j'apprenais mon métier sur le tournage en quelque sorte. J'ai principalement fait mes deux premiers films en collaboration avec la seule autre personne importante : le producteur. Pour La Dernière maison sur la gauche, il s'agissait de Sean S. Cunningham, qui a ensuite réalisé Vendredi 13. Pour La Colline a des yeux, c'etait Peter Locke. Et ils ont tous deux contribué à ce que les films se fassent. Sur La Colline a des yeux par exemple, qui était notre "gros budget", nous avions une équipe de douze personnes et quelque chose comme 300 000 dollars. Tout reposait donc sur Peter et Moi.

    J'ai écrit le film, je l'ai réalisé et monté, et il me secondait et m'apportait le café en quelque sorte... sourire) C'était une manière assez sympa de faire des films, car il n'y avait pas de studios, de mémos, d'exécutifs pour vérifier votre travail. Vous pouviez réaliser le film que vous aviez au fond de vous. Le producteur était simplement là pour vous remettre en question, contre-balancer votre point de vue mais toujours dans le cadre d'une relation dynamique et très positive pour le film.

    Ensuite, j'ai commencé à tourner pour les studios et là, vous devez constamment vous battre contre leurs mauvaises influences. Les studios pensent plus en terme d'argent, ils sont plus frileux sur certains points, et les luttes d'égos se mêlent parfois à tout ça. C'est donc plus compliqué, voire beaucoup plus compliqué.

    Et puis parfois, tout se passe bien et ils vous laissent tranquille. Sur Red eye / sous haute pression, les gens de chez DreamWorks m'ont laissé faire mon film : ils me faisaient passer des mémos, mais ne m'ont jamais obligé à suivre lers instructions. Il étaient fans de mon travail en fait ! Quand on s'est rencontré pour la première fois, c'était assez gênant parce qu'ils étaient en train de me dire qu'ils étaient au lycée ou à l'université quand ils avaient découvert Les Griffes de la nuit, et que c'est le genre de films qui les avait encouragé à se lancer dans le cinéma ! (Rires) Mon public m'embauche maintenant, c'est assez amusant... Ils m'ont beaucoup soutenu sur Red eye / sous haute pression, c'était donc une collaboration idéale. Mais en même temps, tout était déjà sur le papier : le scénario était excellent, quasiment prêt à tourner.

    Avec Freddy Krueger et Scream, vous avez créé deux des plus célèbres tueurs du genre. Comment est né Freddy ?

    Après mes quatre premiers films, et notamment La Ferme de la terreur et La Créature du marais que j'avais tournés l'un à la suite de l'autre pour ensuite pouvoir prendre un peu de repos et de recul, je me suis mis à écrire un scénario à partir d'une idée que j'avais eu, celle de quelqu'un capable de sortir de vos rêves et de vous toucher. Parallèlement à ça, j'avais lu une série d'articles autour d'adolescents mourrant à cause de leurs cauchemars : c'était un phénomène venu d'Asie du Sud-Est, et il y eu une série d'articles durant un an et demi autour de ces jeunes de vingt ans qui vivaient des cauchemars de plus en plus intenses. Il y avait notamment le cas de ce jeune homme qui avait dit à sa famille qu'il finirait par mourir s'il s'endormait encore...

    Ses proches pensaient simplement que c'étaient les conséquences de la guerre à laquelle il avait participé au Cambodge. Il a essayé de rester éveillé aussi longtemps qu'il pouvait, mais il s'est finalement endormi et il est mort. Ses parents ont par la suite découvert qu'il avait gardé, caché dans une tasse dans son placard, les somnifères que lui avait donnés le docteur. C'était un détail incroyablement touchant et dramatique, et j'ai trouvé cette histoire finalement très cinématographique. Je me suis donc mis à écrire, et au bout de six mois, Freddy Krueger était né.

    Et le ghost-face-killer de "Scream" ? Il vous a été inspiré par "Le Cri" de Munch ?

    L'idée vient surtout du scénariste Kevin Williamson. Son scénario disait simplement "un tueur portant un masque de fantôme". Rien de plus. Dès lors, en tant que réalisateur, vous vous dites que si le tueur ne porte qu'un masque, ça ne va pas être très compliqué de le reconnaître par son sexe, sa taille et sa carrure ! Vous pouviez donc rapidement découvrir l'identité du tueur parmi vos amis... Nous avons donc décidé de mettre en scène un tueur entièrement costumé, et nous avons fait en sorte de choisir des comédiens de la même taille, portant tous des chaussures noires. Puis nous avons dû réfléchir au masque en lui-même... Et là, le hasard s'en est mêlé.

    Nous étions en train de faire des repérages dans une vieille maison où vivait une dame d'environ 70 ans, qui venait de perdre son mari. Nous nous baladions dans la maison, et là, en haut des escaliers, je vois le masque! C'était tellement incongru de trouver ça là ! Et j'ai demandé à la dame ce qu'il en était, et elle m'a alors expliqué que son mari collectionnait les masques d'Halloween, et qu'elle cherchait à s'en débarrasser. Je lui ai alors demandé si nous pouvions garder celui-là, et elle a accepté. Nous avons ensuite essayé de dessiner un masque s'inspirant de celui-ci, car nous n'avions pas les droits pour l'utiliser. Mais on ne parvenait jamais à un résultat satisfaisant. Sans avoir les droits, nous avons décidé de l'utiliser durant les deux premiers jours de tournage. Au bout de deux jours, j'ai eu un appel m'annonçant que nous avions les droits. Heureusement, car jusque-là je n'avais pas dit au studio que nous utilisions le vrai masque ! (Rires) Je crois d'ailleurs qu'il y a un plan dans le film où lon voit un masque que nous avions essayé de faire nous-mêmes, et ce n'est pas très joli... Mais j'adore ce masque, et il me rappelle bien évidemment Le Cri d'Edvard Munch. Je crois que c'était le masque parfait pour un film d'horreur du 20e siècle.

    Propos recueillis par Yoann Sardet le 10 octobre 2005

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