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    "Chok Dee" : rencontre avec Dida et Xavier Durringer

    Ce 16 février sort sur nos écrans "Chok Dee" de Xavier Durringer, qui retrace le parcours de Dida. Deux tempéraments dont les univers, en fin de compte, ne pouvaient que s'accorder. Rencontre.

    A ma gauche Dida, onze titres de champion du monde de boxe thaï, une trajectoire placée sous le signe de la détermination, et un rôle taillé sur mesure dans Chok dee, dont il co-signe le scénario. A ma droite, Xavier Durringer, homme de théâtre et réalisateur qui signe ici son troisième long-métrage au cinéma. Ses personnages, Xavier Durringer les aime coriaces. Avec Dida, il ne pouvait pas mieux tomber.

    Allociné: Quelle est la part de fiction dans "Chok Dee", qui s'inspire avant tout de votre parcours?

    Dida : Le personnage de Bernard Giraudeau, l'histoire d'amour avec Kim, et plusieurs choses que Xavier a adaptées pour le cinéma. On va dire qu'il y a 10 % de fiction, et 90 % de réalité. Même s'il ne s'agit pas de mes camps d'entraînement, ce sont de vrais camps d'entraînement. Chok Dee, c'est l'histoire de Dida, à travers le parcours d'un personnage nommé Ryan, tournée dans les conditions voulues par Xavier Durringer. Chok Dee n'est pas un film basé sur la violence, mais sur des histoires d'amitié forte, d'amour...

    Qu'apportait le fait que Dida joue son propre rôle dans un film qui navigue entre biographie et fiction?

    Xavier Durringer : D'habitude, dans les films sur la boxe, un acteur essaie de jouer un boxeur. Là, j'avais l'avantage d'avoir un boxeur. Comme dans 8 Mile avec Eminem, celui qui a vécu les choses les joue, et apporte une authenticité, une crédibilité. C'était à moi de le ramener sur le terrain du jeu d'acteur. On a fait ensemble un gros travail en amont, à l'écriture, puis ensuite au moment du tournage, sur le jeu.

    Le personnage de Bernard Giraudeau est-il purement fictif?

    Xavier Durringer : Il s'inspire d'un drame. Un ami de Dida est venu le rejoindre en Thaïlande, ne s'est pas fait à la vie des camps, a commencé à sortir, et a été tué à Bangkok. Outre le fait que cet ami n'était pas un ancien champion, comme le personnage de Bernard Giraudeau, l'âge change, mais la finalité reste la même. On peut transformer, prendre un personnage de 50 ans, maghrébin, américain ou chinois, ça ne change pas le fait qu'il est le meilleur ami de Ryan, celui qui transmet. Le film est très proche de ce qu'a vécu Dida.

    Ce personnage de père spirituel est-il là pour inscrire Chok Dee dans un genre " initiatique"?

    Xavier Durringer : Il y avait deux genres auxquels je devais m'attacher, l'histoire véritablement "documentaire", et la série B qu'on a l'habitude de voir. Il ne s'agissait pas non plus de mettre en scène Karaté Kid et le petit scarabée... Ce qui est intéressant, c'est la progression mentale et physique d'un guerrier, c'est de savoir pourquoi et comment il devient un guerrier. Le personnage de Dida ne peut pas boxer au début comme un champion du monde. Il y a des thèmes archétypaux, Alfred Hitchcock disait qu'il n'existe que 39 histoires... Quelle que soit l'histoire qu'on raconte, elle aura déjà été racontée, de différentes manières. Ici notre particularité, c'est que nous n'avons pas tourné avec des filins, ou essayé de faire du spectaculaire à tout prix. Nous nous sommes efforcés de faire un film sur le sport, avec de l'émotion.

    Qu'avez vous ressenti en jouant ces moments que vous avez vécus ? En remontant sur le ring?

    Dida : J'étais préparé pour ça. J'ai accepté le travail qui consistait à sortir de la peau de Dida pour entrer dans celle de Ryan. J'étais déjà revenu en Thaïlande. Là, c'était une période plus sympathique, avec des retours sur de bons et de moins bons souvenirs. On m'a tellement donné d'amour là-bas. Sur le ring, ce n'était pas la même chose, les chorégraphies étaient préparées à l'avance, il y avait un marquage au sol à respecter, des endroits sur le ring où il ne fallait pas aller, sinon les caméras auraient été dans le champ. Mais ce n'étaient pas des sensations complètement différentes, plutôt des sensations qui se confondent.

    Qu'est-ce qui vous a intéressé lorsqu'on vous a proposé cette histoire?

    Xavier Durringer : Tout d'abord la rencontre avec Dida, et puis mon dernier film (J'irai au paradis car l'enfer est ici) exploitait un thème comparable, que j'ai souvent abordé : "est-ce qu'un homme peut changer sa vie ?". C'est avant tout le cheminement, ce que Dida a traversé qui importait, puisqu'on sait quand on va voir le film qu'il a été champion du monde. Il y avait également le fait que le personnage est seul, même s'il est entouré, comme dans mes films précédents, et se retrouve un peu comme un poisson hors de l'eau, en Asie, où il n'a plus aucun référent.

    Quel lien établissez-vous alors entre Chok Dee et vos films précédents?

    Xavier Durringer : Sur le plan thématique, par rapport à J'irai au paradis car l'enfer est ici, on retrouve la prise de conscience, le fait d'être seul face à soi-même. Même si sur le papier, grand banditisme et boxe thaï n'ont pas grand chose à voir, ce sont des mondes durs, extrêmes. Il y aussi ce lien initiatique, l'image du père, de celui qui peut transmettre, le rapport au sacrifice... Les thèmes sont peut-être un peu plus cachés, mais on les retrouve facilement. Je n'avais pas envie de parler de la boxe thaï pour sa violence mais pour tout ce qu'elle véhicule de vertus éducatives, pour ce rapport à l'initiation, à l'abnégation, à la rigueur. Parler de la volonté de ce jeune garçon qui va dormir devant le camp, pour pouvoir y entrer, devenir la boniche, le grouillot du grouillot, pour être accepté par une nouvelle famille. Ce sont des thèmes universels.

    Vous avez tourné avec deux côtes cassées?

    Dida : Malheureusement j'ai été blessé pendant des scènes de combat. Il fallait pourtant continuer le film. Pour le dernier combat, j'avais deux côtes cassées, et le pied gauche arraché. Les combats étaient réalistes, il y avait quand même des contacts. Je suis allé plusieurs fois aux urgences. Mais j'ai accepté ça, parce que je voulais faire un film authentique. Je le dis sans prétention, je voulais que les jeunes, que tout le monde se dise qu'on n'avait pas encore vu au cinéma des scènes avec cette authenticité.

    Avez-vous pensé à certains classiques, comme Raging Bull, par exemple, lorsque vous tourniez les scènes de combat?

    Xavier Durringer : Bien sûr Raging Bull est une référence, comme les deux premiers Rocky. Mais les personnages y étaient joués par des acteurs, ce qui imposait des changements de plan très courts, des montages très "cut". Si on revoit Raging Bull, on a le ring, les trois premiers rangs, puis du noir avec des petites lumières au loin, ce qui donne l'impression qu'on a encore cent mètres avec du public, mais il n'y a personne. Chaque situation doit être envisagée d'une façon différente, on ne peut pas tourner un combat devant 9000 personnes au Radjadamnoen comme un combat clandestin.

    Avez-vous d'autres projets en vue?

    Dida : On m'a proposé un scénario qui me plaît vraiment, un drame romantique. C'est marrant, on m'a bien plus démarché pour de vrais rôles d'acteur que pour des rôles dans des films d'action. Pour moi, c'est la bonne surprise, parce qu'à l'époque où j'étais aux Etats-Unis, j'avais reçu beaucoup de scénarios de séries B d'action, où il faut combattre 200 mecs pour une mallette.

    Quel regard portez vous sur les films qui ne se soucient que d'action pure, Ong-Bak en particulier, dont le héros est un spécialiste de Muay Thaï?

    Dida : Je ne critique pas les goûts des uns ou des autres, chacun trouve le bonheur à sa porte. Ong-Bak est un bon film, mais je ne pourrais pas faire un film de ce genre-là. Je n'ai jamais vu de combats où on monte à 4-5 mètres de hauteur.

    Il y a quelques années, vous avez donné la réplique à Jean-Claude Vandamme, dans Legionnaire. Quel souvenirs gardez-vous de lui ?

    Dida :J'ai fait plusieurs tournages de Jean-Claude, avec des gens comme John Woo, Tsui Hark, Ringo Lam... Jean-Claude, c'est un pionnier du film d'action. Les gens s'intéressent plus à sa façon de s'exprimer, mais moi j'ai beaucoup de respect. Partir de Belgique pour devenir une star des arts martiaux aux Etats-Unis, ce n'est pas donné à tout le monde. Ce n'est pas pour autant qu'on peut comparer son parcours au mien. Chacun son destin. Jean-Claude, c'est un frère, je l'apprécie vraiment, en tant qu'homme. Si nous n'avons pas de projets ensemble, c'est parce qu'on a pas la même envie de film.

    Propos recueillis par Alexis Geng

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