La polémique autour de The Passion of Christ aura finalement servi le film. Sorti ce 25 février -Mercredi des Cendres- sur plus de 4 600 écrans aux Etats-Unis, le long métrage de Mel Gibson, qui suit les douze dernières heures de la vie du Christ, aurait ainsi cumulé entre 15 et 20 millions de dollars de recettes pour sa première journée dans les salles, se plaçant ainsi dans les mêmes eaux que les démarrages des blockbusters Le Seigneur des anneaux : la communauté de l'anneau ou Independence Day.
La passion... et la revanche de Gibson
Un résultat impressionnant pour une production à caractère religieux (genre habituellement peu lucratif, La Dernière tentation du Christ n'ayant par exemple cumulé que 8,3 millions de dollars aux box-office américain) sans vedettes, et une belle revanche pour Mel Gibson qui peinait il y a encore moins d'un an à trouver un distributeur pour son film, entièrement tourné en latin, hébreu et araméen. Financé à hauteur de 25 millions de dollars par le cinéaste, The Passion of Christ pourrait dépasser les 60 millions de dollars de recettes dès dimanche soir, et pourrait dans un proche avenir convaincre son auteur de renouveler l'expérience, lui qui avouait récemment à la télévision américaine que la Bible recelait de "merveilleuses histoires à raconter".
Un marketing efficace
Outre la polémique qui sévit outre-Atlantique depuis plusieurs semaines, la campagne de promotion mise en place autour de The Passion of Christ, relayée via le web ou de nombreuses communautés chrétiennes, s'avère donc des plus efficaces. Résultat, les cinémas avaient annoncé que les premiers jours du film dans leurs salles se joueraient à guichets fermés, les places ayant déjà été réservées par des groupes de chrétiens. Un phénomène qui avait convaincu le distributeur Newmarket et Icon Pictures, la société de Mel Gibson, d'élargir la distribution du film et de le lancer dans plus de 3 000 cinémas et 4 600 écrans, traitement habituellement réservé aux superproductions hollywoodiennes.
Polémique...
La polémique autour du film avait émergé quelques semaines avant sa sortie, menée par diverses organisations juives qui accusent le film de véhiculer un message antisémite et l'image du peuple juif déicide. "Je croyais que Mel Gibson, qui disait partout être à l'écoute, aurait procédé à des changements. Hélas!, cela n'a pas eu lieu", déclarait ce 25 février à New York Abraham Foxman, directeur de la Ligue anti-diffamation (ADL), après vision du film. "La mauvaise nouvelle est que le film continue à être projeté avec sa manière très claire d'accuser les juifs, les juifs assoiffés de sang, pleins de colère, revanchards, et les Romains compréhensifs... (...) Pendant près de 2000 ans, cinq mots 'Les juifs ont tué Jésus' ont légitimé l'antisémitisme. Alors voir un film, fait par quelqu'un qui a une réputation aussi fantastique dans le cinéma, répéter ces mots nous inquiète. J'espérais lui faire comprendre ce qui nous blesse parce qu'à ce jour, je ne crois pas qu'il ait compris. C'est un vrai croyant, et je le respecte... Mais si nous avions eu l'occasion de parler, il aurait compris", a t-il ajouté en déclarant être prêt à le rencontrer.
...et réactions
Crédité de critiques très positives (le pape de la critique américaine Roger Ebert lui ayant décerné sa note maximum) ou très négatives ("Le film de Gibson est un voyage de mort écoeurant, une succession de traîtrises, de coups, de sang et de douleur," - New Yorker; "Le film le plus violemment antisémite réalisé depuis les films de propagande allemande de la Seconde Guerre mondiale" - New York Daily News), le film de Mel Gibson n'a en tout cas pas manqué de provoquer de vives réactions de la part des premiers spectateurs, retournés par la violence du film.
"C'était difficile de ne pas pleurer par moments", explique ainsi une Américaine. "Mais c'est bien ainsi, cela devait être aussi horrible que possible parce que c'est comme ça que ça s'est passé". Concernant le message anti-sémite, un autre spectateur explique : "Je n'ai pas vu cela du tout. Il ne dit pas qu'il faut blâmer les juifs. Jésus était un juif. Les coups portés par les Romains n'en font pas un film anti-romain". Pour un autre, le long métrage n'est "pas crédible. Il est supposé être réaliste mais personne n'aurait pu survivre à cette flagellation, sans même penser au fait qu'ensuite il ait porté une croix". "C'est plus violent que ce que je pensais", confesse une spectatrice : "il y avait des moment où l'on se dit que c'est un peu trop. Mais je défie quiconque de ne pas croire après ce film..." Enfin, au Kansas, une spectatrice d'une cinquantaine d'années serait décédée durant la projection, terrassée par un malaise survenu lors de la scène de crucifiction.
Yoann Sardet avec AFP