Présenté en mai dernier à Cannes à l’occasion de la Semaine de la Critique, où il a reçu 2 distinctions (le prix Fondation Gan à la diffusion et le prix SACD), le film Julie se tait est à découvrir dès aujourd’hui en salle. Tout premier long-métrage du réalisateur belge Leonardo van Dijl, déjà remarqué en 2020 grâce à son court-métrage Stephanie sélectionné dans plus de 150 festivals à travers le monde, ce drame aborde avec sobriété et justesse le sujet des violences faites aux femmes.
Le film raconte l’histoire de Julie, une star montante du tennis évoluant dans un club prestigieux, qui consacre toute sa vie à son sport. Lorsque l'entraîneur qui pourrait la propulser vers les sommets est suspendu soudainement et qu'une enquête est ouverte, tous les joueurs du club sont encouragés à partager leur histoire. Mais Julie décide de garder le silence…
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Le courage de celles qui se taisent
Depuis plusieurs années, la parole des victimes de violences sexistes et sexuelles se libère, notamment dans le milieu du sport. À travers le personnage de Julie, Leonardo van Dijl et sa co-scénariste Ruth Becquart s’intéressent justement au cheminement qui précède cette prise de parole, ce fameux silence malheureusement encore trop souvent pointé du doigt, dans lequel réside en réalité un immense courage mis ici en évidence.
Car choisir de parler ou de se taire est loin d’être sans conséquences. "Le silence peut être une violence qui vous ronge et anéantit votre identité. En même temps, prendre la parole peut aussi vous exploser à la figure. Que faire face à ce dilemme ? Confronté à la force destructrice des non-dits ou au danger de la parole publique, on risque de perdre quelque chose dans les deux cas," souligne le réalisateur.
"[La] décision [de Julie] de se taire introduit une énergie singulière, à la fois libératrice et rebelle, qui oblige le film à suivre son rythme, sans qu’elle cède aux pressions de la société. Au fil du récit, on découvre en Julie une héroïne contemporaine, qui met en lumière les injonctions et les injustices invisibles de notre époque. Telle Antigone, Julie ose dire « non ». Dans un monde qui la pousse à parler, elle reste muette, ce qui amène son entourage à réellement l’écouter."
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Si Julie choisit le silence, celui-ci n’est pas synonyme d’une absence de soutien de la part de ceux qui l’entourent, ni d’un mutisme d’ailleurs. Tout au long du film, la présence de son entourage est en effet cruciale dans son développement. Alors que l’emprise de son entraîneur l’avait éloigné des autres joueurs du club, elle va peu à peu apprendre à se reconstruire et à se retrouver au contact de ses proches.
Le personnage de Julie est brillamment incarné par la jeune actrice belge Tessa Van den Broeck, qui tient ici son premier rôle au cinéma.
"Nous sommes tous Julie"
Pour Leonardo van Dijl, il existe également une forme d’universalité dans la décision de son héroïne, qui permettra au plus grand nombre de se reconnaître en elle : "En écrivant cette histoire, je me suis rendu compte qu’à bien des égards, nous sommes tous Julie. Chacun a des silences en soi, des choses qu’on n’a jamais confiées à personne ou qu’on n’a jamais sues dire. Julie nous permet d’explorer nos silences, qu’il s’agisse d’un mécanisme de défense, d’une forme de résistance, d’une source d’affirmation ou d’une violence."
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Avec ce premier long-métrage, il donne à réfléchir sur le chemin qu’il reste encore à faire, aussi bien dans le domaine du sport, ici dans un club de tennis, que de manière plus générale. "En épousant [le] point de vue [de Julie], j’espère donner lieu à un questionnement constructif sur nos lois et nos mesures de prévention et de sensibilisation. Un monde plus sûr pour Julie sera un monde plus sûr pour nous tous, et c’est notre responsabilité à tous d’en faire une réalité."
Lors du tournage, le réalisateur a justement apporté une attention toute particulière à l’accompagnement des jeunes acteurs, pour beaucoup non professionnels, en s’assurant de créer pour eux un environnement sûr. Il explique notamment leur avoir proposé d’inviter leur famille et leurs amis, et s’être assuré qu’une troisième personne (un acteur professionnel, un membre de la production…) soit présente dans la pièce pendant les répétitions afin de permettre aux adolescents de se tourner vers quelqu’un d’autre au besoin.
Très beau message de soutien aux victimes qui restent silencieuses, par choix ou non, Julie se tait est à découvrir dès aujourd’hui au cinéma.