Pour l’authenticité de son intrigue, inspirée de tant de faits divers…
Adi, 17 ans, passe l’été dans son village natal niché dans le delta du Danube, en Roumanie. Un soir, il est violemment agressé dans la rue. Le lendemain, son monde est entièrement bouleversé. Ses parents ne le regardent plus comme avant et l’apparente quiétude du village commence à se fissurer.
Malheureusement inspirée de nombreux faits divers, l’intrigue de Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde semble s’arracher à la fiction pour capter, dans toute sa crudité, la violence contemporaine. Homophobie et intolérance forment donc le terreau de ce drame intimiste, dont l’action se situe dans la campagne roumaine, sans jamais que le réalisateur Emanuel Parvu ne décide d’en montrer le point de départ : le lynchage public d’un adolescent homosexuel.
Si les “causes” (deux garçons un peu trop proches au goût des jeunes locaux) et surtout les résultats du lynchage servent à créer le point de départ de cette intrigue déchirante, le crime en lui-même n’est jamais représenté. Un parti pris défendu par le cinéaste : “Je voulais laisser le spectateur imaginer plutôt que montrer, explique-t-il. Si je filme l’agression, j’impose mon point de vue, mon opinion. Alors qu’en jouant l’ellipse, le spectateur va pouvoir compléter les images manquantes par son imagination, il va pouvoir complètement ressentir des émotions très personnelles.“
Pour sa mise en scène sublime mais épurée
Pour accompagner l’aspect quasi-documentaire de son intrigue, inspiré de nombreux faits bien réels, le cinéaste Emanuel Parvu a fait le choix d’une mise en scène épurée, comme dépouillée de tout artifice pour capter au mieux l’inévitable déchirure familiale, puis sociale, qui divise ses personnages.
D’abord, le choix d’une caméra statique, qui refuse d’accompagner les protagonistes dans leurs mouvements et s'évertue plutôt à les filmer avec une certaine distance. “C’est mon premier film avec une caméra posée. Précédemment, ma réalisation était caméra à l’épaule.
Opter pour ce parti pris me faisait très peur. Mon père était un photographe très renommé en Roumanie. J’ai grandi, entouré de photographies qui par essence sont statiques et donnent la sensation de voir absolument tout ce que vous faites y compris ce que vous voudriez cacher. [...] Vous avez l’obligation de regarder ça. C’était un défi pour moi de faire ce choix de réalisation.”
Le choix d’un objectif sur pied permet également d’observer davantage la nature qui entoure les personnages, intrinsèquement liée à leur évolution : uniquement accessible par bâteau, le Delta du Danube fait d’eux des prisonniers, une sorte de microcosme social renfermé sur lui-même et dont la beauté environnante ne laisse pas présager les tensions intestines.
Pour découvrir le film qui a bouleversé le Festival de Cannes
Aussi cru dans son traitement des violences contemporaines que sublime dans la simplicité de sa mise en scène, Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde est parvenu à toucher les cinéphiles en plein cœur lors de la dernière édition du Festival de Cannes. Projeté sur la croisette parmi les films en compétition, le long-métrage d’Emanuel Parvu a été récompensé de la Queer Palm, succédant ainsi à L’Innocence de Hirokazu Kore-eda.
Décerné depuis 2010 à des chefs-d’œuvre tels que Laurence Anyways, 120 battements par minute ou encore Portrait de la jeune fille en feu, ce prix spécial récompense chaque année un long-métrage pour son traitement des thématiques LGBT+. Cette année, c’est le cinéaste Lukas Dhont (Girl, Close) qui présidait le Jury.
Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde, chronique implacable de l’homophobie ordinaire récompensée au Festival de Cannes, est à découvrir le 23 octobre au cinéma.