Une adaptation bouleversante, ode à la marginalité
Natalia, citadine trentenaire, se retire dans un village de la campagne espagnole pour échapper à un quotidien anxiogène. Rapidement après son installation, la jeune femme se heurte à la méfiance des habitants, se lie d’amitié avec un chien, et accepte une troublante proposition de son voisin.
C’est en s’immergeant dans la lecture d’Un Amor, roman signé de la plume de Sara Mesa en 2022, que la cinéaste Isabel Coixet a été tentée de renouer avec ses origines. Après plusieurs années à développer des projets anglophones (Light on Broken Glass, The Bookshop, Nobody’s Heart), la réalisatrice s’est parfaitement identifié au personnage de Natalia et a été convaincue, comme une évidence, qu’il lui fallait adapter son histoire à l’écran. “Nat, c’est moi, déclare-t-elle simplement. Du moins, à de nombreux moments de ma vie, ça a été moi, j’ai été elle. Je le suis peut-être encore.”
Pour incarner ce personnage féminin en pleine errance, entre deux étapes clés de sa vie, le choix d’Isabel Coixet s’est porté sur la comédienne Laia Costa. Récompensée d’un Goya de la meilleure actrice pour sa performance dans Lullaby, révélée au public international pour son rôle dans Victoria – qui lui valut une nomination aux BAFTA –, Laia Costa parvient parfaitement à saisir toute la subtilité de son personnage.
Comme en apnée, volontairement arrachée à son environnement habituel et déplacée dans un cadre qui lui est étranger, celle-ci ne se trouve jamais vraiment à sa place et semble, autant sur le plan physique que psychologique, constamment en quête de sa propre identité.
Cette incertitude permanente que semble incarner Natalia est d’autant plus accentuée par l’incapacité de son personnage à se créer des repères dans son nouvel environnement : habitation, climat et surtout nouveaux voisins… Tout ce qui entoure la jeune femme lui semble désormais hostile, l’inscrivant toujours davantage en position de marginale.
Une réécriture moderne de La Belle et la Bête ?
Rapidement, Natalia va pourtant développer une forme de fascination pour l’un de ses voisins, Andreas. Lui-même rejeté par une partie du village, qui l’appelle “l’Allemand” en raison d’éventuelles origines, contraste en tous points avec la jeune femme : il est aussi grand et solide qu’elle est menue, aussi bourru qu’elle est sensible… Autant d’oppositions qui poussent la cinéaste à comparer leur relation, étrange, au célèbre conte de La Belle et la Bête.
“Les deux personnages principaux pourraient ressembler à la Belle et la Bête, explique Isabel Coixet, parce qu’ils viennent de deux planètes différentes (et contrastent par leur taille !), mais je dois dire que depuis j’avais décidé que les acteurs seraient Hovik et Laia, l’alchimie entre eux ne faisait aucun doute pour moi. Et elle était bien là. Comment cette alchimie se produit-elle ? Lorsque, après des heures de tournage, deux acteurs se donnent complètement à ce moment précis, librement, sans restriction, sans préjugés. Cela n’est possible que lorsque l’on instaure un climat de confiance absolue. Et c’est le devoir du réalisateur.”
Le visage de ce personnage mystérieux, presque inquiétant, sera sans doute reconnu d’une bonne partie du public : son interprète, Hovik Keuchkerian, est notamment célèbre pour avoir été l’un des braqueurs de la série événement La Casa de Papel.
Au fil de leur relation mouvementée, le personnage de Natalia va se chercher, se perdre et parfois se retrouver, va apprendre à affirmer ses désirs et à définir ses craintes. Mais parviendra-t-elle à sortir Andreas de sa torpeur et à créer avec lui la stabilité nouvelle dont elle a besoin ?
Mélancolique et subtile exploration de l’intimité, Un Amor est à découvrir au cinéma cette semaine.