Une œuvre sombre, chargée de référence au cinéma de genre
Bogota, Colombie. Alors qu’une éclipse lunaire se prépare, une vague d’enlèvements frappe la ville. La communauté religieuse est particulièrement inquiète : selon une prophétie, cet événement céleste coïnciderait avec l’apparition du Diable lui-même.
Mila (Stella Martinez), treize ans, sent que sa vie change petit à petit : regard des hommes plus insistants, premières règles, pulsions inexplicables… Cette métamorphose serait-elle liée à l’éclipse à venir ?
“Avec ce film, j’ai essayé de montrer que les femmes n’ont pas peur”
Présenté à la dernière édition du Festival de Cannes dans la catégorie ACID, Mi Bestia est le premier long-métrage de la cinéaste colombienne Camila Beltran. Un premier projet extrêmement personnel, puisqu’il est partiellement autobiographique, et donc bercé de souvenirs.
“Le film vient de mes souvenirs d’enfant, raconte-t-elle, alors que j’étais adolescente à Bogota, et de ce jour particulier où l’on a annoncé une prophétie : tout à coup, les gens ont réellement cru que le Diable allait venir ! Partout, on ne parlait que de cela. Le point de départ de Mi Bestia vient de ce croisement entre l’adolescence d’une jeune fille et l’attente de cette prophétie.”
C’est dans un cadre religieux, particulièrement superstitieux, que s’opère l’inévitable métamorphose de Mila. Aussi charnelle que psychologique, cette transformation a de quoi inquiéter la jeune femme puisque ni sa mère absente ni les enseignements des bonnes sœurs de son école ne l’y ont préparée. Seule figure féminine de référence, sa nourrice Dora, interprétée avec sensibilité par la comédienne Mallely Aleyda Murillo Rivas, qui représente aux yeux de cette société pieuse et conservatrice une forme d’intrusion peu appréciée.
“Je voulais lier la question du diable à la perception du féminin, explique Camila Beltran. La Colombie est un pays très catholique. On croit vraiment en Dieu et on a encore peur du Diable ! On a peur de l’inconnu aussi. Le personnage de Dora, c’est cet inconnu. Elle incarne cette forme d’association que certains créent entre la femme, le diable et le monstre. Avec ce film, j’ai essayé de montrer que les femmes n’ont pas peur.”
Au-delà des questionnements sociaux et moraux introduits par son intrigue, Mi Bestia est chargé de références au cinéma fantastique contemporain et rappellera aux amateurs des films de genres des pépites telles que Grave ou Le Règne animal, mais aussi de grands classiques comme Carrie au bal du diable, pour lequel la réalisatrice assume son affection. La séquence de la Lunada notamment, fête religieuse ayant pour but de repousser le Malin qui envisagerait d’apparaître à l’occasion de l’éclipse lunaire tant attendue, constitue le paroxysme de l’intrigue et une typologie de scène incontournable pour ces films de genre.
“Dans mon film, la Lunada est associée à l’éclipse et à la prophétie, c’est une manière d’exorciser l’événement attendu. Je ne voulais pas faire un film trop intimiste. La fête me permettait de faire entrer le film dans la catégorie de ces teen movies fantastiques que j’aime tant, type Carrie.”
Pépite sombre et personnelle à la croisée du cinéma d’auteur et du teen-movie, Mi Bestia est à découvrir dès maintenant dans les salles obscures.