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    "Pour moi, c'est les Avengers" : après Un p'tit truc en plus, Fêlés pourrait être le nouveau succès surprise de la rentrée
    Thomas Desroches
    Thomas Desroches
    -Journaliste
    Les yeux rivés sur l’écran et la tête dans les magazines, Thomas Desroches se nourrit de films en tout genre dès son plus jeune âge. Il aime le cinéma engagé, extrême, horrifique, les documentaires et partage sa passion sur le podcast d'AlloCiné.

    Dans "Fêlés" de Christophe Duthuron, Pierre Richard donne la réplique à des acteurs non professionnels, les adhérents de l'Arc En Ciel, une maison associative pour les personnes abîmées par la vie. Rencontre avec le réalisateur.

    Créée en 2009, la maison Arc en Ciel accueille entre ses murs des personnes brisées par la vie. Cette association permet à ses adhérents de se responsabiliser et d'entrer au autonomie pour se reconstruire. C'est ici que Christophe Duthuron plante le décor de son nouveau film, Fêlés, une comédie sociale pleine d'humanité.

    Il retrouve son acteur fétiche Pierre Richard qu'il avait déjà dirigé dans les deux films Les Vieux fourneaux. L'histoire suit la vie au sein de cette structure qui est mise à mal suite à une menace d'expulsion. Pour sauver l'établissement, le personnel et les adhérents - joués par les vrais pensionnaires de la maison - vont devoir se démener.

    Alors que le long métrage est présenté au Festival du film francophone d'Angoulême, AlloCiné a rencontré le réalisateur.

    Fêlés
    Fêlés
    Sortie : 28 août 2024 | 1h 31min
    De Christophe Duthuron
    Avec Charlotte De Turckheim, Bernard Le Coq, Pierre Richard
    Presse
    3,1
    Spectateurs
    2,9
    Séances (836)

    AlloCiné : Qu’évoque pour vous l’association l'Arc en Ciel ? Pourquoi vous a-t-elle inspiré cette histoire de cinéma ?

    Christophe Duthuron : Un ami m'a parlé de cette association et à partir du moment où j'en ai passé la porte, je ne m'en suis pas remis. On est en 2020, juste avant le confinement. J’étais en quête de sens et ma rencontre avec les adhérents a répondu aux questions que je me posais à ce moment-là. Voir que ces gens pouvaient se faire une vie sur mesure, complètement libérés de toutes les toxines qui nous pourrissent la vie, que peuvent être la compétition, les comparaisons et le jugement. Il n'y a pas de faux-semblant.

    J'ai eu envie de partager ça, c'est-à-dire qu'on a affaire à des gens dont le monde s'est effondré et qui ont retrouvé le chemin de la joie. Notre monde n'allant pas très bien, je me dis qu’ils avaient un temps d'avance sur nous, qu’ils avaient peut-être des clés à partager, des choses à nous dire.

    L'idée de filmer dans les lieux, c'est-à-dire le cœur du sujet, et avec les adhérents eux-mêmes était évidente pour vous ?

    En ce qui concerne les adhérents, j'avais très envie de les faire participer parce qu'ils ont une expérience, ils ont un vécu avec lequel on ne peut pas tricher. Je ne voulais pas jeter leurs histoires sur la place publique. Je voulais passer par la fiction, par pudeur aussi. Je me suis donc inspiré de ces histoires vraies et j'ai recomposé des personnages de fiction. Sur la base du volontariat, ceux qui avaient envie de jouer, jouaient et ceux qui n'en avaient pas envie ne le faisaient pas. Je n'allais pas leur forcer la main.

    Je voulais également mettre le spectateur en situation, comme s’il faisait partie de la maison.

    Quant au lieu, je ne voulais pas tourner sur place parce que je ne voulais pas être intrusif, je ne voulais pas changer leur quotidien mais Alain Martin, le fondateur de la maison, un peu le Pierre Richard de cette histoire, m'a dit : “Mais si viens !” Déjà pour être juste mais aussi parce que cela fera une activité en plus pour les adhérents. Là, c’était un atelier de cinéma.

    Puis je voulais également mettre le spectateur en situation, comme s’il faisait partie de la maison. “Ces gens-là”, comme on pourrait dire, c'est nous. Ce sont des gens qui avaient des vies normales et qui se sont pris une météorite dans la tronche comme on peut tous s'en prendre une et qui ont fait une sortie de route. Ils sont contraints de se poser des questions que, je crois, on a tendance à tort à oublier. Ils sont quotidiennement confrontés à l'essentiel.

    Vous vouliez éviter le voyeurisme…

    Je voulais que le spectateur se reconnaisse dans les adhérents de la maison et non pas qu’il les regardent de l'extérieur avec un regard qui aurait changé entre le début et la fin du film. J’aime passionnément ces personnages. Pour moi, c'est les Avengers. C'est-à-dire qu'ils se prennent tout dans la gueule et ils tiennent debout, ils repartent et la vie reprend son cours. Ils ont réussi un truc absolument formidable, qui est, je crois, notre défi à tous au quotidien, c’est de retrouver du sens. Je suis très reconnaissant de ça.

    Comment travaille-t-on avec des acteurs non professionnels ?

    L'idée était qu’ils se jouent eux-mêmes. Il fallait la bonne distance. L'essentiel de mon travail était de ne pas les empêcher. On n'a pas répété parce que ça leur aurait donné la tentation de fabriquer ou de reproduire quelque chose qu'on aurait répété avant. J'ai préféré leur décrire la situation, donner le cadre et à l'intérieur de ça, laisser les choses sortir comme elles étaient.

    Après Alain Delon, Pierre Richard c'est le dernier des Mohicans.

    Vous êtes très fidèle à Pierre Richard, avec qui vous êtes lié par une amitié de longue date. Comme l’exercice de ce film est assez différent de vos précédentes expériences, avez-vous découvert quelque chose de nouveau sur son jeu d'acteur, dans sa manière d'approcher le métier ?

    C'est vrai que le contact avec les adhérents était un rendez-vous que j’attendais avec impatience depuis que j'avais pensé le film. Pierre, que je n'ai pas forcément eu l'occasion de voir dans des contextes comme celui-là, s'est avéré d'une disponibilité, d'une gentillesse et d'une grande immédiateté avec les adhérents. En une demi-heure, il faisait partie de la maison. Tout s'est passé avec une grande simplicité. En tant qu’acteur, c'est vrai qu'il est allé à des endroits où il n’avait pas l’habitude d’aller.

    Le point commun avec les autres expériences qu'on a eues, c'est sa confiance et sa disponibilité. C'est-à-dire qu'il m'a vraiment laissé les clés. C'est un acteur qui ne se regarde pas jouer, il fait confiance à celui qui le regarde. Il est très généreux, il propose et il se laisse accompagner. Avec Delon, c'est le dernier des Mohicans maintenant. C'est vraiment le dernier de cette époque.

    Avec le succès phénoménal d’Un p’tit truc en plus d’Artus - plus de 10 millions d’entrées au box-office -, avez-vous le sentiment que le moment de mettre en lumière ceux qui ont longtemps été invisibilisés est enfin arrivé ?

    Tout à fait. Quand j'en appris l'existence d’Un p’tit truc en plus, j'ai eu un peu la trouille, parce que j'étais en train de travailler sur mon film. Et puis, chacun a creusé son sillon. Au final, le fait qu'il soit sorti avant nous, ce n'est pas une mauvaise chose parce que le sujet fait moins peur. Et je pense qu’il est enfin temps d’entendre des voix que l’on n'entendait pas.

    Propos recueillis par Thomas Desroches, à Paris, le 22 août 2024.

    Fêlés est à découvrir au cinéma.

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