Sorti en salle ce mercredi 28 août, La Prisonnière de Bordeaux hisse en haut de l’affiche les brillantes Isabelle Huppert et Hafsia Herzi, un duo d’actrices que les spectateurs ont déjà pu apprécier cet été au cinéma dans Les Gens d’à côté d’André Téchiné.
De nouveau réunies à l’écran dans ce mélodrame qui tend par moment vers la comédie sociale, elles incarnent deux femmes que tout oppose, mais qui se rencontrent et se lient autour d’une même expérience de vie : la détention en prison de leur mari respectif.
Alma, seule dans sa grande maison en ville, et Mina, jeune mère dans une lointaine banlieue, ont organisé leur vie autour de l’absence de ces deux hommes détenus au même endroit. Au détour du parloir, elles font connaissance et s’engagent dans une amitié aussi improbable que tumultueuse…
La genèse du projet
Réalisé par Patricia Mazuy, à qui l’on doit notamment Saint-Cyr, Travolta et Moi et Peaux de vaches, La Prisonnière de Bordeaux aurait pu être bien différent puisque le film devait initialement être mis en scène par Pierre Courrège (Un Homme d'État) en 2012. “Son intention était de réaliser un film social sur les femmes de maisons d’accueil, de parloirs : celles qui, épouses, sœurs, mères ou filles de détenus, passent une partie de leur vie à la prison, et donc aussi beaucoup de leur temps à côté, dans un train, nulle part… C’étaient des circonstances de départ fortes,” explique la réalisatrice.
Après l’écriture d’un scénario en collaboration avec François Bégaudeau (Entre les murs), Pierre Courrège tente de monter le projet, en vain. Sept ans plus tard, Ivan Taieb, ami du producteur Xavier Plèche, le propose à Patricia Mazuy qui accepte et retravaille le texte avec François Bégaudeau.
“Dans leur scénario, les deux personnages féminins, la riche et la pauvre, la blanche et l’arabe, existaient déjà. Elles avaient déjà des échanges de dialogues, forts et même drôles, irrigués par les rapports de classe. [...]
Très tôt, j’ai tenu à trouver une métaphore de la libération de deux femmes enfermées, chacune dans une vie particulière. Alma et Mina deviennent comme poreuses l’une à l’autre. L’arrivée de la seconde dans la grande maison et dans la vie solitaire de la première catalyse chez Alma la conscience de sa vie misérable dans les dorures et les fleurs. Métaphore renversée de l’amour, les dames dehors, les maris en prison,” raconte-t-elle.
Mettre en scène l’inconnu
Avant de réaliser ce film, Patricia Mazuy n’était pas familière du milieu pénitentiaire et a dû se documenter spécifiquement sur le sujet. “J’ai découvert les maisons d’accueil, ces zones situées à côté des prisons. Les lieux, l’attente, les femmes entre elles…” Mais ce n’est pas l’unique part d’inconnu que lui réservait ce long-métrage qui l’a poussé à sortir de sa zone de confort.
“Je ne connaissais pas vraiment ni la grande bourgeoisie de province ni la banlieue, dans leur « intime », dans leur chair. C’était compliqué pour un film qui ne devait pas avoir peur du naturalisme. Ce que je connais moi, ce sont les paysans, et les commerçants. Alors, même si c’est toujours bien d’affronter l’inconnu, filmer Alma et Mina, cette ville, Bordeaux… cela m’était aussi étranger que d’aller tourner au Pôle Nord,” précise-t-elle.
Et pourtant, le résultat à l’écran n’en est pas moins d’une grande justesse, à travers la naissance de cette belle amitié inattendue et complexe entre les deux femmes campées par Isabelle Huppert et Hafsia Herzi, qui va marquer leur vie à jamais. Sélectionné à la Quinzaine des Cinéastes à la dernière édition du Festival de Cannes, ce superbe film d’actrices est à découvrir actuellement en salle.