"J'estime qu'il y a un grand art, qui est l'art majeur, c'est l'art dramatique, qui appelle à son secours tous les autres arts", déclarait Marcel Pagnol en 1965, au micro de Marseille Provence.
Oeuvrant tour à tour entre les pages de ses romans, sur la scène du théâtre ou sur les écrans de cinéma (puis de télévision), le célèbre auteur marseillais (dont nous commémorons aujourd'hui les 50 ans de la disparition) s'est appliqué toute sa carrière durant à faire vivre cet "art dramatique majeur" par de multiples moyens, et en se servant de divers outils.
A la fois dramaturge, cinéaste et écrivain, Pagnol a su faire résonner la voix tonitruante de César, rayonner la beauté de Manon et chanter le musical accent de l'Oncle Jules bien au-delà de leurs écrins respectifs.
Le Château de ma mère
C'est ainsi qu'en 1990, seize ans après la mort de Pagnol et sous la direction d'Yves Robert, Le Château de ma mère devenait un long métrage de cinéma. Deuxième opus des Souvenirs d'enfance de l'auteur, ce roman autobiographique se terminait par certaines des plus belles lignes jamais écrites par Pagnol (parfaitement restituées par la voix off de Jean-Pierre Darras sur grand écran) et par une extraordinaire histoire.
Ayant préalablement raconté les mésaventures de sa famille - ils avaient clandestinement emprunté le parc du magnifique Château de la Buzine pour rejoindre leur maison de vacances mais s'étaient fait arrêter par un garde acrimonieux qui terrorisait la mère du petit Marcel - Pagnol concluait son ouvrage en expliquant que l'incident s'était fort bien terminé.
Après la description d'un joyeux dîner entre amis, l'auteur assenait néanmoins à son lecteur un coup terrible en lui annonçant qu'au cours des années suivantes, il avait successivement perdu sa mère, son frère et son meilleur ami. Cet épilogue déchirant détonnait pour le moins avec l'atmosphère chaude et joyeuse qui régnait dans le reste de l'oeuvre.
Mais l'histoire ne s'arrête pas ici
Dans les dernières lignes de son ouvrage, Pagnol fait un bond de plusieurs années dans le temps. Il tient à nous raconter une ultime anecdote.
En 1941, désormais auteur reconnu et réalisateur de films, il cherche à acquérir une structure près de Marseille pour y héberger son Hollywood provençal, la Cité du Cinéma. C'est en visitant pour la première fois la propriété qu'il vient d'acheter qu'il comprend tout à coup : ce château, qui est aujourd'hui le sien, est exactement celui qu'il traversait durant son enfance, qui avait failli causer bien des ennuis à sa famille et dont le garde avait tant impressionné sa mère.
Comme pour laisser à la vie le tout dernier mot de son livre, l'auteur conclut alors avec cette phrase magistrale, en parlant d'Augustine Pagnol : "Elle entendait les cris du garde, et le souffle rauque du chien. Blême, tremblante, et pour jamais inconsolable, elle ne savait pas qu'elle était chez son fils."
Le Château de la Buzine, aujourd'hui
Situé dans le 11ème arrondissement de Marseille, le Château de la Buzine accueille encore des visiteurs aujourd'hui. Incontournable lieu de la culture provençale et des amoureux de Marcel Pagnol, il héberge notamment une salle de cinéma, un musée dédié au septième art et des expositions temporaires (celle qui se tient actuellement et jusqu'au 31 mai est dédiée à Steven Spielberg).
Depuis le mois de juin 2023, pourtant, une polémique entoure les lieux, le maire de Marseille Benoît Payan ayant décidé de retirer à Nicolas Pagnol (le petit-fils de l'auteur) la gestion du château, dont il s'occupait depuis 6 ans. Un conflit qui, selon un récent article de 20 minutes, permet sans doute d'expliquer la discrétion de la mairie aux récentes commémorations organisées pour les 50 ans de la mort de Marcel Pagnol.
(Re)découvrez la bande-annonce de "Marius", autre oeuvre majeure de Pagnol...