Le hasard est parfois capricieux et imprévisible. Alors que Patrice Leconte annonçait que son projet d'adaptation des Bijoux de la Castafiore était tombé à l'eau, un autre film tiré d'une bande-dessinée belge refait surface : La Marque jaune, plus célèbre aventure de Blake et Mortimer, publiée sous forme d'album en 1956 et déjà adaptée à la fin des années 90, dans un épisode de série animée.
Au début des années 2000, James Huth avait en effet tenté de faire vivre le duo créé par Edgar P. Jacobs sur grand écran. D'autres réalisateurs (dont Alain Corneau) s'y étaient cassés les dents avant, mais celui-ci n'est pas passé loin de réussir son coup, avec Hugh Bonneville et Rufus Sewell dans les rôles principaux aux côtés de Gong Li.
Le storyboard est prêt et un budget de 35 millions de dollars bouclé, mais la production prend du retard, faute de trouver un studio assez grand. Et le film tombe à l'eau lorsque le producteur Charles Gassot se tourne vers une autre adaptation de bande-dessinée (Immortel d'Enki Bilal, d'après lui-même) quand James Huth part surfer avec Brice de Nice, en 2004.
"Le contrôle des cerveaux par les écrans met plus que jamais en danger nos démocraties"
Et c'est sans lui que le projet refait parler de lui, vingt ans plus tard. Un twist digne de celui de la bande-dessinée située dans le Londres des années 50 que l'on doit à la société Belga Films Group et au Français Cédric Nicolas-Troyan, superviseur des effets spéciaux de Blanche-Neige et le chasseur devenu réalisateur sur sa suite, puis le film d'action Kate et la récente série Furies.
Le casting et la date de sortie n'ont pas encore été révélés, mais c'est lui qui dirigera cette adaptation en langue anglaise co-écrite par Jan Kounen (99 Francs). Dans laquelle le capitaine du MI5 Francis Blake et le physicien Philip Mortimer font face à un mystérieux criminel appelé "M" doté d'une technologie lui permettant de contrôler les esprits.
"La force de la bande dessinée réside dans ses thèmes, qui résonnent encore aujourd'hui", précise le producteur Jean-Jacques Neira. "Le contrôle des cerveaux par les écrans met plus que jamais en danger nos démocraties. Alors que nous sommes confrontés à l'importance de la responsabilité morale, M nous rappelle opportunément qu'il faut faire preuve d'esprit critique et d'impact positif dans notre ère dominée par les écrans."
Qui pour jouer Blake et Mortimer ?
L'action devrait pourtant rester dans les années 50, non sans un peu de fidélité et de modernité : "[Blake et Mortimer] existent depuis longtemps et sont aimés par beaucoup", déclare Cédric Nicolas-Troyan.
"Il est donc évident que je m'engage à honorer les bandes dessinées et à donner vie à cet univers riche et coloré tout en lui apportant une touche contemporaine avec beaucoup de cœur et d'action. Je suis également très enthousiaste à l'idée de la liberté créative qu'offre une telle production européenne indépendante."
Vendue à plus de vingt millions d'exemplaires et traduite dans une quinzaine de langues, La Marque jaune fait, aujourd'hui encore, figure de référence. Une bande-dessinée très cinématographique dans ses influences (M le maudit, Nosferatu ou Le Cabinet du Docteur Caligari en tête), toujours considérée comme emblématique du style ligne claire, dont Tintin est l'un des fers de lance à défaut de son initiateur.
Le défi qui s'offre à Cédric Nicolas-Troyan est donc de taille. Et le casting va être aussi attendu au tournant que le long métrage lui-même. Vu que le tournage est censé débuter à l'automne, les visages des interprètes de Blake et Mortimer pourraient être révélés sous peu. Au Marché du Film du Festival de Cannes, au mois de mai, par exemple ?