Nous sommes en 2010, et Peter Dinklage, le regard soucieux, attend patiemment que débute son prochain rendez-vous avec les producteurs D.B. Weiss et David Benioff. Ce dernier, que l'acteur a l'habitude de fréquenter, a pris l'initiative de le contacter pour lui proposer un rôle tout à fait spécial dans le pilote d'une nouvelle série pour HBO : Game of Thrones.
Mais si Dinklage affiche un air un peu méfiant en attendant son entretien, c'est que la série en question - adaptée d'une saga littéraire signée par celui qu'on surnomme le Tolkien américain - se déroule dans un univers médiéval fantastique.
Ce genre de monde, il le sait bien, relègue trop souvent les gens de sa condition à des personnages stéréotypés, qu'il a toujours pris soin de tenir à l'écart de son répertoire. Depuis sa naissance, Peter souffre en effet de la maladie d’achondroplasie, donnant lieu à un nanisme qu'il a toujours refusé de considérer comme un frein à sa carrière, bien au contraire.
Méticuleux dans le choix de ses rôles, refusant catégoriquement les personnages uniquement réduits à leur condition mais optant la plupart du temps pour des héros plus complexes, loin des sentiers battus, Peter Dinklage a pourtant accepté de revêtir - une fois n'est pas coutume - le costume du Nain Trompillon dans le second volet de la saga Narnia, deux ans plus tôt.
Walt Disney Motion Pictures
"C’était une expérience charmante, mais assez inconfortable," a-il raconté au New York Times en mars 2012 en évoquant ce petit personnage barbu, cliché, à des kilomètres de ses ambitions habituelles. Le front marbré par l'inquiétude de découvrir que Tyrion - le nouveau personnage qu'on s'apprête à lui proposer - sera du même acabit, il est déjà prêt à dégainer les armes, et toute une série de conditions non négociables : "J’étais sur mes gardes. (…) Et entouré d’une barrière métallique, d’une clôture électrique."
Tyrion est mon personnage préféré. Ça ne fait aucun doute. (…) Il est plein d’esprit, intelligent, il est un peu ce que j’aimerais être"
"J’ai hésité, à cause du fait que c’était dans la fantasy. Je leur ai dit que je ne voulais pas de longue barbe et de chaussures pointues," a-t-il confié sur Reddit quatre ans plus tard. "Ils m’ont assuré que ce personnage et ce monde n’avaient rien à voir avec ça. Ils m’ont parlé de sa complexité, du fait que ce n’était ni un héros ni un méchant, que c’était un coureur de jupons et un gros buveur. Ils m’ont dépeint un beau portrait de lui, avec ses failles, alors j’ai signé."
HBO
Rejoint par l'un de ses plus prestigieux interprètes, le casting de Game of Thrones - secondé par son exceptionnelle équipe technique - peut donc se mettre au travail. Dès les premiers épisodes, le personnage décrit par Weiss et Benioff tient toutes ses promesses. Tyrion est tranchant, vif, complexe, torturé, profond. En un mot, grandiose. Quant à Peter Dinklage, mettant son implacable élocution et son regard ténébreux au service de ce héros hors du commun, il signe tout simplement la prestation la plus importante de toute sa carrière.
D'acteur de second plan, il devient rapidement star internationale, récompensé par trois Emmy Awards et acclamé par la critique. A croire qu'en le conviant dans leur bureau, ce jour-là, David Benioff et D.B. Weiss avaient tapé dans le mille. De même que George R.R. Martin, qui selon la rumeur, souhaitait lui aussi confier à Peter Dinklage l'interprétation de son personnage favori.
