De quoi ça parle ? Julien est professeur au collège. Jeune et volontaire, il essaie de créer du lien avec sa classe en prenant sous son aile quelques élèves, dont la timide Leslie. Ce traitement de faveur est mal perçu par certains camarades qui prêtent au professeur d'autres intentions. Julien est accusé de harcèlement. La rumeur se propage. Le professeur et son élève se retrouvent pris chacun dans un engrenage. Mais devant un collège qui risque de s'embraser, un seul mot d'ordre : pas de vagues...
Une histoire vraie
Pas de vagues s’inspire d’une épreuve que Teddy Lussi-Modeste a traversée il y a quelques années. Dans le collège où il était professeur, la Conseillère Principale d’Éducation lui a un jour tendu une lettre écrite par une de ses élèves, l'accusant de la regarder en touchant sa ceinture : "Elle a 13 ans. Les choses s’emballent. Un de ses grands frères me menace de mort."
"Un autre l’amène porter plainte contre moi. Je refuse de me mettre en arrêt car j’y vois bêtement un aveu de culpabilité. Je sors chaque jour du collège en me demandant si on va me casser les jambes. Je vis dans la peur et la honte – la culpabilité aussi : je ne veux pas que les collègues qui m’escortent jusqu’au métro soient agressés par ma faute", se rappelle le metteur en scène.
Pourquoi François Civil ?
Teddy Lussi-Modeste voulait que Julien soit interprété par un jeune homme au sourire candide dont on pourrait encore percevoir l’adolescence au détour d’un regard : "François est un acteur qui n’a cessé de m’impressionner sur le plateau. Il a été davantage qu’un acteur qui vient jouer son rôle : il était en effet si investi et si généreux que je considère qu’il a autant créé le personnage que moi."
"Avant le tournage, il s’est isolé pour apprendre son texte et quand il est revenu il était devenu Julien. Il y avait quelque chose de changé dans sa gestuelle, son élocution, son être même. Le paradoxe avec François est qu’il est une star très identifiée mais on peut projeter sur lui tous les univers possibles. Cela vient de son travail et de l’empathie immédiate qu’il provoque", raconte le cinéaste.
Fausses teintes
Concernant l’image du film, Teddy Lussi-Modeste voulait travailler autour des fausses teintes – ces changements de lumière à l’intérieur même du plan qui introduisent une étrangeté : "Parce qu’une salle de classe laisse entrer par ses fenêtres ces flots de lumière qui peuvent se tarir soudain au gré d’un nuage, j’avais envie de radicaliser ce procédé, comme si le temps devenait fou, et qu’il portait les émotions des personnages."
"Je voulais faire vivre le plan en y installant une lumière mouvante et de nombreux personnages. L’idée était de multiplier à l’intérieur même du cadre le nombre de regards qui ne s’accordent pas. En d’autres termes : ça devait toujours se bousculer dans le plan", précise-t-il.
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Trouver les collégiens
Dans un premier temps, la directrice de casting Judith Chalier interrogeait les adolescents qu’elle recevait et les amenait progressivement au sujet du film. Elle leur demandait alors d’improviser une petite scène. Teddy Lussi-Modeste se souvient : "Ceux qu’on a revus en call-back avaient une scène à préparer. Il a fallu ensuite constituer une classe et on a fait travailler les adolescents ensemble car j’avais conscience qu’il fallait à la fois croire en leur prestation individuelle mais aussi en leur prestation collective."
"Avec mon expérience de professeur, je me suis rendu compte que chaque classe a son énergie, ses espoirs et ses tabous. Ces séances de travail ont permis d’établir une relation de confiance entre nous tous."
Libération de la parole
Le directeur du collège est montré comme un personnage qui ne veut pas de vagues. En choisissant ce titre, Teddy Lussi-Modeste a cherché à inscrire son film dans le mouvement de libération de la parole des professeurs : "Il faut se rappeler le choc de ces images de 2018 où l’on voit un élève tenir en joug avec une arme factice une professeure installée devant son ordinateur. Le #PasDeVagues est alors réapparu sur les réseaux sociaux."
"La souffrance était trop grande depuis des années. Les professeurs avaient besoin de dénoncer la violence qu’ils subissaient au quotidien et le silence de leur hiérarchie face à cette douleur. En lisant la presse, on se rend bien compte que les professeurs sont peu ou mal protégés par leur institution qui a paradoxalement construit au fil des années sa propre fragilité… Aujourd’hui, les professeurs parlent et c’est important de les écouter", raconte-t-il.