Si le personnage de Dracula créé par Bram Stoker est depuis longtemps dans le domaine public, il n'en fut pas toujours ainsi. Au début du XXe siècle, la cultissime œuvre de l'écrivain était protégée par copyrights, sur lesquels la Fondation Stoker, gérée par la veuve de l'écrivain, Florence Stoker, veillait jalousement.
L'équipe du chef-d'œuvre de F.W. Murnau, Nosferatu, en fit amèrement les frais.
Une idée de film née pendant la Première Guerre mondiale
Tout part d'une idée du producteur Albin Grau, qui souhaitait faire un film de vampire en 1916. Mobilisé durant la Première Guerre mondiale et servant en Serbie, l'idée lui vient après avoir eu une petite discussion avec des paysans locaux, à propos des légendes locales.
Epaulé par Enrico Dieckmann, il fonde la société Prana Film et embauche le scénariste Henrik Galeen et le réalisateur F.W. Murnau pour le futur film.
Albin Grau souhaite produire une adaptation expressionniste de l'œuvre de Bram Stoker, mais la Fondation refuse de lui céder les droits. Si le roman de Bram Stoker était libre de droits sur le territoire américain, en raison d'un oubli de renouvellement des copyrights, il était en revanche protégé en Allemagne jusqu'en 1962, soit 50 ans après la mort de l'écrivain.
Les bobines du film saisies et détruites
Commençant la production du film en 1921, quelques changements sont faits : le titre du film devient Nosferatu, le personnage principal est baptisé "Comte Orlok" et l'intrigue principale subit plusieurs modifications.
Insuffisantes toutefois pour se prémunir de tout procès, peu de temps après la sortie du film en 1922. Non seulement la maison de production du film, Prana Film, fut condamnée à la banqueroute, faisant de Nosferatu l'unique production de la société, mais la justice ordonna de surcroît la saisie de toutes les copies du film pour les détruire.
Par miracle, une seule copie a réussi à survivre : elle se trouvait aux Etats-Unis. Comme l'œuvre de Bram Stoker était libre de droits, aucune raison pour en ordonner sa saisie et sa destruction, contrairement à l'Allemagne.
C'est grâce à cette dernière copie existante que le film a pu arriver par bonheur jusqu'à nous. C'est dire si la survie de ce chef-d'œuvre n'a tenu qu'à un fil.