Difficile de passer à côté d’un tel phénomène. Grand vainqueur de la 49e cérémonie des César, organisée le vendredi 23 février dernier, Anatomie d’une chute a remporté six prix - dont celui du Meilleur film et de la Meilleure réalisatrice pour Justine Triet. Six mois après sa sortie nationale, la Palme d’or est toujours projetée dans les salles et cumule, à ce jour, 1,7 million d’entrées.
La vérité du spectateur
Alors que la montagne de prix continue de grimper, le destin du film n’a pas fini d’épater le monde entier. Le 11 mars prochain, toute l’équipe est attendue à Los Angeles, sur le tapis rouge des Oscars, où le drame est nommé dans cinq catégories aux côtés d’Oppenheimer de Christopher Nolan et Killers of the Flower Moon de Martin Scorsese.
Anatomie d’une chute suit le procès houleux d’une autrice à succès, Sandra (Sandra Hüller), mêlée à la mort suspecte de son compagnon (Samuel Theis) après une violente dispute. “Coupable ou innocente ?”, “Meurtre ou suicide ?” Ce sont les questions que bon nombre de spectateurs se posent. Si certains y vont de leurs théories, d’autres préfèrent le débat. Ces nombreuses conversations alimentent, quoi qu’il en soit, une expérience collective qui va au-delà du film.
Si le long métrage n’apporte pas de réponse définitive, c’est normal. L’intrigue, telle qu’elle a été écrite par Justine Triet et Arthur Harari, n’a pas vocation à créer une scission entre le bon et le mal. Anatomie d’une chute trouve son point d’ancrage dans une quête de vérité qui appartient à chacun. Le film repose sur une question de choix, celui de décider de l’implication - ou non - de l’héroïne dans la mort de son conjoint.
Pour le récit, Justine Triet s’est inspirée de célèbres affaires, comme celles d’Amanda Knox et du procès d’O.J. Simpson, des cas entourés, eux aussi, de nombreux mystères. “Joue-la comme si elle était innocente.” Voici la règle donnée par la réalisatrice à son actrice, Sandra Hüller.
Des réactions différentes selon les pays
Pourtant, selon les pays, les interprétations varient. “Aux États-Unis, la majorité pense qu’elle est coupable, en France c’est l’inverse", révèle la cinéaste dans l’émission Beau Geste. "En Espagne, on me fait remarquer qu’elle n’est pas très sympathique.”
Cette zone grise dans la personnalité du personnage incarné par Sandra Hüller fait aussi toute la force de ce film. “Je voulais créer une femme qui soit capable de commettre cet acte", explique l’actrice à Variety. "Je voulais que les gens aient un peu peur d’elle. Pourquoi les victimes doivent-elles toujours être douces ? Je voulais m’amuser en semant le doute.”
Le doute, justement, est le thème principal d’Anatomie d’une chute. Même la réalisatrice n’en est pas sûre. “Parfois je me réveille la nuit et je me dis : ‘Oh j’ai loupé quelque chose, peut-être qu’elle l’a fait”, confie-t-elle à TheWrap.
Sur les réseaux sociaux, les échanges sont nombreux. La campagne de promotion américaine a même tout misé sur cette question pour attirer le public. “A-t-elle tué son mari ?”, peut-on lire en grosses lettres sur une immense affiche dans les rues de Los Angeles.
Au cours du processus de création, plusieurs versions du scénario ont été écrites. “Au départ, nous voulions un gros retournement de situation à la fin, nous avions des idées pour un twist, mais ce n’était pas bon du tout”, détaille Justine Triet toujours pour TheWrap.
Si les deux scénaristes se sont mis d’accord sur une explication pendant l’écriture, la cinéaste explique qu’il était important de ne pas trop s’attarder sur ce sujet pendant le tournage. Tout est dans l’ambiguïté. Le personnage de Sandra, qui ment à deux reprises dans le film, ouvre toutes les portes. Une chose est sûre : Justine Triet n’est pas prête de vendre la mèche.
Anatomie d'une chute est disponible sur myCANAL, DVD, Blu-ray et VOD.