Ce jeudi 8 février, Bruno Solo est à l’affiche de Tout cela je te le donnerai, une saga familiale moderne dans laquelle il prête ses traits à Richard, un ancien gendarme tout juste à la retraite qui va mener l’enquête sur la mort suspecte d’Aymeric, fils d’une famille puissante. Pour découvrir la vérité, il va travailler avec Manuel Ortigosa (David Kammenos), le mari du défunt. Ensemble, ils vont percer à jour les secrets de cette famille.
A l’occasion du Festival de la Fiction française de La Rochelle, AlloCiné a rencontré Bruno Solo pour qu’il nous parle de la série, mais aussi de ce rôle à contre-emploi.
AlloCiné : Vous êtes ce jeudi au casting de la mini-série Tout cela je te le donnerai. Est-ce que vous pouvez nous parler de la fiction ainsi que de votre rôle ?
Bruno Solo : La série est adaptée d’un romain espagnol, Tout cela je te le donnerai de Dolores Redondo qui est un immense best seller en Espagne et dans le monde. C’est une saga familiale lourde de secrets.
C’est également l’histoire de deux hommes, qui n’avaient aucune raison de se rencontrer, et qui vont devoir travailler ensemble pour découvrir la vérité. Ils sont très différents, ne serait-ce que physiquement.
D'un côté, on a une sorte de Don Quichotte, un homme très grand et très mince, et de l’autre on a moi, un homme trapu. Manuel est homosexuel, érudit, brillant, sombre… Et il va rencontrer ce type réac, conservateur, visiblement résigné qui cache de lourds secrets.
Ils vont apprendre à se connaître, et découvrir des vérités l’un sur l’autre, surtout mon personnage qui va faire un long chemin pour sortir de son fatalisme dans lequel il s’enferme. C’est un homme lucide qui a conscience qu’il n’est pas un séducteur et qu’il est rejeté par la plupart des gens, dont sa propre famille.
Au fur et à mesure, il va se révéler à lui-même. Et c’est en ça que je trouve la série très belle. Outre les cliffhangers et le rebondissements, c’est la rencontre entre deux hommes comme on le voit peu à la télévision. Je suis fier d’avoir à défendre ce rôle à la télévision.
Est-ce que Dolorès Redondo a eu son mot à dire sur l’écriture de la série ? Est-elle venue sur le tournage ?
Je pense qu’elle a eu son mot à dire. Elle a un caractère très fort donc j’imagine mal qu’elle n’ait pas eu un avis sur l’adaptation. Elle est venue une fois sur le tournage mais je n’étais pas là, donc je n’ai pas pu la croiser.
Je l’ai rencontré à Biarritz lorsque nous sommes descendus pour faire les ventes internationales de la série. Il y a cependant eu des changements sur l’adaptation. Le livre se déroule en Galice, qui est une région très rude au nord-ouest de l’Espagne, au-dessus du Portugal.
Dans la version française, nous avons changé radicalement de décors puisque nous sommes dans le sud de la France qui est une région très solaire et lumineuse. Je pense que Dolores a sans doute validé ce changement. Mais même si l’ambiance change, la psychologie des personnages reste la même.
Elle a sûrement dû voir des épisodes. Est-ce qu’elle ne vous a pas félicité pour votre travail ?
Si, elle a aimé ce que j’avais fait avec le personnage de Richard. Elle m’a dit que c’était comme ça qu’elle le voyait. Donc ça m’a fait plaisir. Elle l’a dit avec beaucoup d’austérité parce que ce n’est pas quelqu’un qui s’épanche. Elle m’a dit que physiquement et aussi dans l’interprétation, c’était exactement ce qu’elle attendait du personnage.
En parlant du personnage, Richard est l’archétype d'une forme d'homophobie ordinaire. Par exemple, il a du mal à dire “votre mari” au personnage de Manuel, et ne cesse de dire “votre ami”...
Je ne crois pas qu’il soit homophobe. Il est idéologue. Je crois qu’il est tout simplement paresseux intellectuellement, comme le sont beaucoup de gens. Il tombe dans les schémas et les caricatures. Il a une sorte de paresse intellectuelle qui le rend hermétique à toute analyse un petit peu plus fine.
Mais ce que j’aime chez lui, c’est que très vite, il se rend compte qu’il est un con. Il sait qu’il a l’esprit étroit, il sait qu’il est noyé dans des certitudes imbéciles et qu’il ne fait aucun effort pour sortir de l’image qu’il laisse transparaître.
Quand on le voit, on se dit que ça va être un gros con. Et il se dit : “puisque vous me voyez comme un gros con, je vais être un gros con”. Mais en réalité, il est beaucoup plus complexe. Au fil des épisodes, nous allons découvrir que c’est un homme blessé et meurtri de l’intérieur.
C’est d’ailleurs ces blessures qui expliquent son acharnement dans cette enquête. Il est en réalité dans une sorte de déterminisme dans lequel les autres l’ont enfermé. Mais je ne pense pas qu’il soit foncièrement homophobe. Ce sont plus des remarques de bistrot.
Il est rustre et il cultive cette image parce qu’il pense qu’il faut garder de la distance avec les victimes et les suspects. Mais il y a une raison derrière son enquête. Il se sert de Manuel comme d’un cheval de Troie pour entrer dans cette famille et en découvrir les secrets.
C’est une enquête qui lui est très personnelle, car il est à la recherche de la vérité. La vérité sur l’accident mais aussi une vérité qui le concerne plus directement et que nous allons découvrir au fur et à mesure.
C’est assez rare de retrouver sur une chaîne de grande écoute, et en prime time, un personnage ouvertement homosexuel en tant que personnage principal. Est-ce que vous pensez que c’est une volonté de la part de France Télévisions pour faire évoluer les mentalités ?
Je ne regarde pas toutes les fictions mais j’ai le sentiment que ça a déjà été fait. A moins que je confonde avec un film. Mais j’ai quand même l’impression qu’aujourd’hui, ces sujets sont abordés de manière plus frontale, sans fausse pudeur. Dès le début, on part de l’idée que les deux hommes sont mariés.
Et mon personnage est dans une France un peu conservatrice qui a encore dû mal à s’imaginer que deux personnes du même sexe puisse être mariées. Je représente effectivement une certaine frange de la population qui va devoir progresser parce que c’est la marche immuable de l’histoire, et qu’il va falloir arrêter de se battre contre des choses qui sont là.
Se battre contre ça, c’est un combat imbécile et perdu d’avance. Et je pense que le service public aborde effectivement de plus en plus ce genre de sujet.
Est-ce qu’il y a une scène dans Tout cela je te le donnerai qui vous a particulièrement marqué ?
C’est surtout l’épisode 6 qui m’a marqué. On comprend en effet qui est Richard, par quoi il est animé et quelle est la noirceur qui a assombri toute son existence et a fait qu’il soit devenu cet homme désagréable, bougon, rustre, agressif et maladroit.
On va comprendre par quoi il est passé pour devenir cet homme de 60 ans qui a baissé les bras à l’idée de plaire. Il n’attire aucune empathie que ce soit de ses patrons, de ses collègues ou de sa famille. En définitive Richard est presque devenu une caricature de lui-même. Mais au fur et à mesure de la série, on comprend et c’est ça qui va le rendre touchant.