Le 13 septembre 1989, les spectateurs français découvraient en salle, médusés, un super-héros appelé à une grande carrière en salle, même si elle fut parfois en dents de scie : Batman. Choix risqué par Tim Burton de confier le rôle-titre de l'homme chauve-souris à Michael Keaton, alors que de nombreux fans du super-héros le pensaient incapable d'endosser le costume, et ne s'étaient d'ailleurs pas privés de le faire savoir à Warner.
Mais, avant-même de voir la prestation du trio Michael Keaton, Jack Nicholson et Kim Basinger à l'écran, le public fut déjà subjugué dès les géniales et entraînantes premières notes du générique d'ouverture du film signé par Danny Elfman, qui estimera quand même plus tard que sa fabuleuse bande originale fut pourtant maltraitée.
Est-ce un oiseau ? Une batcave ? Non, c'est le Bat symbole !
Sa partition venait épauler un extraordinaire et inoubliable générique, qui donna des frissons à l'assistance. Plongés dans la pénombre, les spectateurs suivaient des yeux une caméra virevoltant dans des sillons qui ressemblaient à des tranchées. Ou plutôt ce qui semblait être une sorte de structure en pierre, toujours indistinct.
Etaient-ce des détails de la fameuse batcave ou un autre élément iconique de l'univers du super-héros ? Jusqu'à ce que la caméra ne finisse par prendre suffisamment de hauteur pour révéler la structure finale : rien de moins que le symbole même de Batman, qui fut redessiné par le designer Anton Furst.
Pour le (grand) plaisir, à revoir ci-dessous...
Un souvenir inoubliable, création d'un immense artiste totalement méconnu du grand public, une légende du design : Richard Harrison. Dans une carrière s'étalant déjà sur plus de quarante ans, il a travaillé avec Terry Gilliam, les Wachowski, Jean-Jacques Annaud, Kenneth Branagh, Neil Jordan, Ridley Scott, David Lean, Bernardo Bertolucci, Stephen Frears, Martin Campbell, et Tim Burton donc, pour ne citer qu'une minuscule poignée.
Il a créé plus de 200 génériques pour le cinéma et les séries. Aux côtés de Kyle Cooper, autre légende du milieu, et avec un père spirituel qui n'était nul autre que Saul Bass, Richard Harrison est une sommité dans son domaine.
"Personne n’avait fait quelque chose de pareil auparavant"
S'il a débuté sa carrière en créant le générique d'un obscure film en 1979, Quadrophenia, la mise sur orbite de sa carrière fut effective grâce à son travail sur le générique de Batman, comme il l'écrivait lui-même dans un billet en 2016.
"J'imagine que le tournant de ma carrière s'est effectué avec Batman, en 1989. Mon idée d'utiliser la marque, le fameux Bat Symbole, dans un sens non traditionnel du terme, m'a permis de remporter ce travail".
Le site Art of The Title avait aussi recueillis ses propos. "Je ne connaissais pas Tim auparavant, j'ai donc dû présenter le projet. Nous devions juste nous assurer de ce que nous faisions. Je me suis assis avec lui pendant quelques minutes, puis je me suis promené sur le plateau de Gotham City.
Et c’était vraiment tout. Je me souviens très bien que je me suis assis dans la voiture en rentrant, et tout d’un coup, j'ai su. Je savais que cela devait être quelque chose à propos du logo classique de la bande dessinée Batman.
Je me suis dit : "Et si nous réfléchissions à cela dans un mouvement à 360° ? Et si c'était sous la forme d'un paysage ? Et si j’en faisais quelque chose que vous pouvez déplacer, pour que vous ne sachiez pas vraiment ce que c’est ?"
C’était donc l’idée, puis j’ai simplement inventé le monde qui l’entourait. Personne n’avait fait quelque chose de pareil auparavant, c’est pourquoi il a probablement conservé son aspect intemporel".
Dans une passionnante interview qu'il a accordé en 2008 au site Den of Geek, Richard Harrison détaille un peu plus sa rencontre avec Tim Burton sur ce film; première collaboration d'une longue série à venir : le cinéaste avait en effet adoré le travail qu'il avait effectué pour Terry Gilliam sur son film Brazil.
"En tant que créatif, c’est l’idée qui est importante et quand l’idée fonctionne, c’est normalement assez simple. [...] Tim [...] l'a vu tout de suite et il a tout simplement adoré, parce que je pense qu'il a vu cette idée épurée, et il a réalisé que c'était finalement quelque chose de simple [dans le concept] et que cela convenait. J'ai appris par la suite que cela convenait également à sa psychologie. Cette idée d'obscurité, l'inexpliqué qui est soudain, puis expliqué".
Deux maquettes du symbole de Batman furent créées pour ce générique. Une première de 4,50m, celle qui fut utilisée pour les mouvements de caméra parcourant les sillons. La seconde maquette, longue de près de 2,50m, fut utilisée quant à elle pour filmer la révélation finale du symbole dans sa globalité. Le résultat est là, magistral. Et inoubliable.