Pour tout acteur, le rôle du Joker est une chance. Certains font des merveilles - Jack Nicholson d'abord, Heath Ledger ensuite -, d'autres se prennent les pieds dans le tapis - Jared Leto, pour ne pas le citer. Quand Todd Phillips, connu, entre autres, pour les films Very Bad Trip, est annoncé à la réalisation d'un film sur le personnage, beaucoup craignaient le pire. Mais entre ses mains et celles de Joaquin Phoenix, ce thriller noir et désespéré s'octroie instantanément l'amour de la critique et du public.
Sous ses airs de film d'auteur, Joker reste tout de même un blockbuster - plus sobre qu'à l'accoutumée certes - proposé par les studios Warner s'inscrivant, sans trop l'assumer, dans l'univers de Batman. Le film coûte 55 millions de dollars et en rapportera plus d'un milliard. C'est la première fois qu'un long métrage classé R - interdit aux moins de 17 ans en Amérique - réalise de tels chiffres.
L'interprétation de Joaquin Phoenix est saluée par l'Oscar du meilleur acteur et l'engouement est tel qu'une suite est attendue en octobre 2024 avec Lady Gaga dans le rôle - supposé à ce stade - d'Harley Quinn. La seule ombre au tableau de Joker est son inspiration, peu subtile, du cinéma de Martin Scorsese. C'est à la fois assumé et en même temps si appuyé que l'on pourrait pointer du doigt un certain manque d'originalité.
De Taxi Driver à Raging Bull, Joker baigne complètement dans ces références. Il emprunte surtout à La Valse des pantins qui, à sa sortie, en 1982, s'était payé un four au box-office et n'avait pas ravi les critiques. Longtemps considéré comme un film mineur de son réalisateur, il s'inscrit désormais comme l'un de ses classiques.
Quand on y regarde plus près, Joker est un remake de La Valse des pantins. Le personnage d'Arthur, futur Joker, joué par Joaquin Phoenix, cumule de nombreuses ressemblances avec Rupert, incarné par Robert De Niro : tous les deux sont des comédiens incompris à la personnalité complexe - c'est le moins qu'on puisse dire -, ils vivent chez leur mère et participent à une émission télé avec un présentateur qu'ils admirent - avant que les choses ne dérapent.
Rober De Niro lui-même admet que les deux films sont très similaires. Il va même jusqu'à dire, dans une interview pour IndieWire, que son personnage de Murray dans Joker pourrait être la version plus âgée de son Rupert dans La Valse des pantins.
La liste des points communs entre les deux thrillers est longue. Dans sa critique du film, le magazine Esquire écrit : "Le Joker de Todd Phillips s'accapare tous les artifices des films de Martin Scorsese sans une once d'âme." Néanmoins, il y a une raison pour laquelle le Joker pille autant dans le style du cinéaste : ce dernier devait réaliser le film.
Les studios Warner avait proposé l'offre à Martin Scorsese qui a pris quatre ans pour se pencher sur la question, avant de finalement décliner. Toujours chez IndieWire, il explique qu'il n'était pas "certain de pouvoir développer l'histoire d'un personnage issu de comics". Il admet, néanmoins, trouver le résultat "remarquable" et, on l'imagine, très flatteur.
Joker quitte Netflix le 22 décembre.