Vingt-trois ans après lui avoir confié le rôle du tyran et empereur Commode dans son Gladiator, Ridley Scott a donc de nouveau sollicité Joaquin Phoenix pour incarner un autre empereur; Napoléon en l'occurrence, dont le film déboule sur les écrans la semaine prochaine.
En pleine période de marathon promotionnel, le cinéaste a accordé une (longue) interview au site Deadline Hollywood. Le journaliste en profite pour balayer un spectre large sur la filmographie de Scott, qui ne dédaigne jamais regarder dans le rétroviseur et évoquer ses anciens films.
Gladiator : pour remplacer cet acteur décédé, le réalisateur a dû dépenser 3 millions de dollars pour 2 minutes de film"Joaquin a joué votre méchant dans Gladiator, puis il a remporté un Oscar en jouant le Joker. Qu’est-ce qui vous a motivé pour le considérer comme votre Napoléon ?" lui demande-t-il.
Scott fait une reprise de volée dans sa réponse, expliquant que l'on a visiblement rien compris au personnage incarné par l'acteur dans Gladiator. "je vais vous corriger. Je le voyais en réalité comme le personnage le plus sympathique de tous. Il était le produit de la négligence, la négligence totale d'un père qu'il adorait. Puis finalement dans le film, son père lui disait qu'il allait le négliger encore plus, en ne lui confiant pas les clés de Rome.
Puis il se rend compte que, dans son grand âge, il a besoin d'une forme d'absolution. Il s'agenouille devant le garçon pour lui demander pardon. Cela lui a été fatal car le garçon n'a jamais vu son père demander ce genre de discussion approfondie. Alors il l'étouffe. Donc à partir de ce moment-là, j’ai pensé que Joaquín était la personne la plus sympathique du film. Ce qu'il a fait et ce qui a suivi, ce qui en a résulté, la nature de cela, avait été créé par son père".
"Il va falloir que je revois le film..." répond le journaliste, qui semble être pensif. "Vous feriez bien de le revoir !" lui lance Scott, qui embraye à propos de Marc Aurèle, l'empereur incarné par le regretté Richard Harris. "Marc Aurèle n'aurait pas pu conquérir l'Europe par la bienveillance. C'est le produit de la guerre et de l’acier, et beaucoup de morts et de dévastations.
Vous ne pouvez pas avoir d'emprise sur les commandants qui se trouvent à l'autre bout de l'empire et leur dire de ne pas massacrer ces femmes et ces enfants. Rien de ce qui s’est passé n’a été fait avec bienveillance, n’est-ce pas ?
Mais je pense qu'avec l'âge, Marc Aurèle a ressenti sa propre fragilité. Commode était le fils négligé, le produit d’une négligence totale. Et puis s'entendre dire, "tu ne peux pas me succéder, voici qui prendra ma place", c’est plus qu’une claque dans la tête. C'est terrible. Surtout à cette époque, quand la succession était si attendue…"
Pour aller dans le sens du cinéaste, il est vrai que l'Histoire de Rome compte de nombreux parricides, matricides et autres exécutions intra familiales pour s'accaparer le pouvoir (Néron faisant assassiner sa mère Agrippine; Caracalla faisant exécuter son frère régnant Geta...). Mais de là à trouver Commode comme le plus sympathique de son film, on n'est pas tout à fait obligé de souscrire à cette analyse.