De quoi ça parle ? 1956, dans le nord de la France. Une bande de mineurs de fond se voit obligée de conduire un professeur faire des prélèvements à mille mètres sous terre. Après un éboulement qui les empêche de remonter, ils découvrent une crypte d’un autre temps, et réveillent sans le savoir quelque chose qui aurait dû rester endormi…
Un film d'horreur dans une mine : c'est Gueules noires, réalisé par un pro du genre !
La claustrophobie sous un angle différent
Après Hostile (2018) et Méandre (2021), Gueules noires est le troisième volet d’une trilogie centrée autour de la thématique du survival. Le metteur en scène Mathieu Turi confie : "C’est à la fois la fin d’un cycle et le début d’un autre. J’avais envie d’explorer la claustrophobie mais sous un angle différent – et contrairement à Méandre où tout le récit s’appuie sur la claustration d’un seul personnage, on a ici affaire à une bande."
"Je voulais aussi m’attacher à un personnage qui intègre un groupe soi-disant soudé et montrer comment celui-ci va se disloquer, tout en inscrivant ce récit dans le contexte de la mine. Enfin, je souhaitais explorer le film de monstre, en lui donnant un traitement proche du cinéma américain des années 80 – qui privilégie les effets physiques – et en faisant appel à des comédiens français identifiés qu’on découvre dans un registre inédit pour eux."
Pourquoi les années 1950 ?
Mathieu Turi a choisi de situer l'intrigue de Gueules noires dans le nord de la France des années 1950, pour mêler l’univers de l'écrivain américain Lovecraft (célèbre pour ses récits horrifiques et fantastiques) à celui de la mine : un contexte postérieur à Germinal, à une époque où les ouvriers commençaient à utiliser des marteaux-piqueurs et où les mines faisaient appel aux vagues migratoires nord-africaines.
"Je me suis rendu compte que c’était un milieu à la fois presque militaire et très cinématographique, avec un langage spécifique, la Salle des Pendus, les passerelles, etc.", précise le cinéaste.
Une aide précieuse
La créature de Gueules noires évoque celle d’Alien et ses nombreux bras rappellent la figure d’une divinité. Son design de base puise toutefois son origine dans une sculpture créée par Yoneyama Keisuke, un sculpteur japonais dont Mathieu Turi adore le style : "Il s’était lui-même inspiré du Space Jokey du premier Alien pour le côté osseux et très sec du visage et d’une divinité à plusieurs bras comme Shiva."
"Il a accepté de collaborer au film et je lui ai fait valider les modifications qui s’imposaient. On a également une scène qui évoque la Gorgone et les représentations de statues grecques. Je voulais mélanger les influences et les civilisations – je trouvais intéressant de reprendre un design japonais pour un film français dont les références sont principalement américaines, avec une touche de statuaire grecque !"
Lieux de tournage
Avant même la pré-production du film, Mathieu Turi est parti en repérages et a découvert Arenberg Creative Mine, un ancien site minier où Germinal de Claude Berri a été tourné. Il se rappelle : "C’est un espace animé par une équipe jeune, qui entretient le lieu et le fait visiter, et qui l’a aménagé en studio de cinéma !"
"Il y a même deux studios, des loges, une salle de projection, une école de dronistes, de la logistique, un système électrique pour brancher le matériel, une cantine. En découvrant ce lieu, on a compris qu’on avait tous les décors extérieurs dont on avait besoin, sauf celui de la salle des machines qu’on a tourné dans une autre mine."
"Ensuite, il nous manquait les sous-sols car ils ont tous été bétonnés depuis la fin de l’exploitation minière. Du coup, on a trouvé une solution grâce à la « mine-image », autrement dit un site recouvert, en surface, où s’entraînaient les mineurs avant de descendre dans la mine. On a pu y tourner le quotidien des mineurs."
"Pour le prologue, qui se déroule en 1856, on a tourné à Creative Mine dans un espace qui avait servi au film de Claude Berri. On a pu tourner avec d’authentiques lampes à huile du XIXe siècle, une équipe réduite, en très peu de temps, avec des pompiers présents. Tout était authentique : les lampes, la salle des machines, le site."
"A la limite du cliché"
Très vite, Mathieu Turi a eu envie d’articuler le récit autour d’une bande, comme dans certains westerns et films de guerre, en jouant avec la limite du cliché : "Il y a le gros rigolo, celui qui fait tout péter avec ses explosifs, le plus jeune aux tendances racistes, le nouveau venu à travers lequel on découvre cet univers, le chef qui ne pense qu’à sauver ses hommes, etc. C’est ce qui nous permet d’identifier les personnages et d’avoir un groupe cohérent où chacun a sa fonction, même s’ils ne sont pas que fonctionnels !"
"Il fallait que chacun trouve sa place et les comédiens nous y ont aidé dès la première lecture. Par exemple, les vannes ont rapidement fusé entre Thomas Solivéres et Marc Riso et je m’en suis servi pour nourrir la dynamique entre leurs personnages", confie-t-il.