Kurt Gerstein est un officier de la Waffen SS, spécialisé dans la chimie et ses applications sanitaires. En Pologne, il découvre avec horreur que le gaz avec lequel il approvisionne les camps, le Zyklon B, sert en réalité à exterminer les Juifs en masse. Il décide d'alerter le Vatican pour que le pape condamne ouvertement ces crimes. Il trouve à Berlin une oreille attentive en la personne d'un jésuite, dont le père est haut placé dans la hiérarchie laïque de l'Église. Ils se rendent tous deux à Rome...
César du meilleur scénario en 2003, Amen de Costa-Gavras fut un choc à sa sortie, plébiscité par plus de 1,3 millions de spectateurs. Adapté de la pièce de Rolf Hochhuth Le vicaire, le film dénonce la passivité de l'Église catholique et du pape Pie XII face au génocide des Juifs. Mais le cinéaste ne charge pas uniquement le Vatican; il critique également l'attitude des puissances alliées, informées elles aussi des crimes nazis.
L'Eglise dénonce un amalgame entre nazisme et catholicisme
Un vrai abcès de fixation a entouré la sortie du film, en particulier son affiche, une composition mêlant croix chrétienne et croix gammée, le tout sur fond rouge et noir, les couleurs du nazisme. Elle est signée par le grand photographe Oliviero Toscani, auteur des campagnes publicitaires de la marque Benetton et habitué des créations sulfureuses.
Cette affiche suscita de vives réactions dès la présentation de l'oeuvre à la Berlinale en février 2002. Cette création fut jugée "inacceptable" par monseigneur Jean-Pierre Ricard, qui était alors le président de la conférence des évêques de France et archevêque de Bordeaux.
Ajoutant dans un communiqué de presse qu'elle représentait "une identification intolérable du symbole de la foi chrétienne avec celui de la barbarie nazie". Une "provocation" qui devait être "dénoncée par tous ceux qui sont attachés à la dignité humaine, à la liberté humaine et au respect des croyances".
Plainte déposée
Costa-Gavras s'était défendu de quelque "délit de diffamation envers quelque groupe religieux que ce soit" et déclara qu'il ne voyait en elle "aucun caractère délibérément provocant". Si la conférence des évêques de France n'a cependant pas porté plainte pour faire retirer l'affiche, l'AGRIF, une association ultra catholique, s'en est chargé, en assignant en référé le producteur et le réalisateur du film afin de la faire interdire.
Le dénouement de cette bataille judiciaire se fera en mai 2003, plus d'un an après la sortie du film. Dans sa décision, le Tribunal correctionnel de Paris jugea que "les catholiques, ou plus généralement les chrétiens d'aujourd'hui (..) ne sont pas visés par l'éventuelle imputation diffamatoire" qui toucherait tout au plus le clergé.
L'AGRIF (acronyme de "Alliance Générale contre le Racisme et pour le respect de l'Identité Française et chrétienne") n'en était pas à son coup d'essai. En 1985, elle avait aussi tenté de faire interdire les projection du film Je vous salue Marie de Jean-Luc Godard.