Acteur (on a notamment pu le voir dans Malcolm X de Spike Lee), scénariste (on lui doit entre autres le script du génial Hurlements de Joe Dante) et réalisateur, John Sayles a toujours cultivé, tout au long de sa carrière, une vraie singularité dans ses choix, préservant farouchement une certaine indépendance artistique... Et les difficultés de financement qui vont souvent avec.
Réalisateur plutôt rare et assez méconnu en France, son dernier coup d'éclat remonte à 1996, avec son formidable film Lone Star, dans lequel un shérif tentait d'élucider un meurtre 37 ans après les faits. Voilà déjà une jolie recommandation.
Mais on se penchera avant tout sur une œuvre très rare sortie en 1987 et par bonheur disponible sur Amazon via le Pass Warner : Matewan. Colossal bide au Box Office, présenté à la Quinzaine des réalisateurs lors du Festival de Cannes en 1987, Matewan mérite plus que largement un visionnage, d'autant que le film est devenu invisible chez nous ; pas même disponible sur support physique... À moins de vous tourner vers l'import.
Une page tragique de l'Histoire américaine
Sorte de prolongement idéal au grand film Traître sur commande de Martin Ritt (dans lequel au passage Sean Connery trouve rien de moins qu'un de ses meilleurs rôles...), Matewan a en commun l'évocation des terribles conditions de vie des mineurs au début du siècle, aux Etats-Unis.
Histoire authentique, Matewan déroule son intrigue en mai 1920, dans le comté de Mingo, en Virginie Occidentale. Un contingent de l'agence Baldwin-Felts Detective arrive par le train du matin afin d'expulser des familles de mineurs qui vivaient à la périphérie de Stone Mountain Coal Camp, le site d'extraction minière.
Ces sinistres hommes de main, mandatés par la société exploitant les mineurs payés une misère, trouvent sur leur chemin Sid Hatefield, le shérif de la ville. Natif de la région et sympathisant des revendications des mineurs de la United Mine Workers of America (UMWA), implantée dans les mines de charbon du Sud de la Virginie-Occidentale, Hatefield s'interpose dans une escalade de violences qui culminent avec ce que l'on a appelé "la bataille de Matewan".
Un terrible prélude qui débouche plus tard sur un soulèvement général des mineurs de la région en 1921 ; année au cours de laquelle une armée de 10.000 d'entre eux s'opposa à 3000 hommes de loi, briseurs de grève et soldats. Connu sous le nom de "bataille de Blair Mountain", ce fut le plus grand soulèvement de travailleurs dans l'Histoire des États-Unis, et le plus grand soulèvement armé depuis la guerre de Sécession. C'est dire l'importance sociale et politique de l'événement.
C'est avec ce film que, sous les traits de Joe Kenehan, le syndicaliste envoyé par la UMWA pour fédérer les mineurs, le toujours solide Chris Cooper fit ses débuts devant la caméra. Il est largement épaulé par un sensationnel casting, au milieu duquel on trouve James Earl Jones, Mary McDonnell, Bob Gunton (souvenez-vous, le sadique directeur de la prison de Shawshank dans Les Evadés !), et un formidable David Strathairn, que vous avez notamment pu voir dans le multi oscarisé Nomadland. Dans Matewan, c'est lui qui incarne le shérif Hatefield.
Sublimé par une magnifique photo signée par le très grand chef op' Haskell Wexler - deux fois oscarisé, qui affiche sur son tableau de chasse des films comme Vol au-dessus d'un nid de coucou, Conversation secrète, Dans la chaleur de la nuit ou En route pour la gloire -, tourné pour moins de 4 millions $ en sept semaines, politiquement engagé, Matewan est un film très fort et émouvant, aussi rare que précieux. Un témoignage essentiel sur la sanglante Histoire de la lutte des travailleurs et ouvriers américains pour leurs droits.