De quoi ça parle ? Quand elle arrive à l’Elysée, Bernadette Chirac s’attend à obtenir enfin la place qu’elle mérite, elle qui a toujours œuvré dans l’ombre de son mari pour qu’il devienne président. Mise de côté car jugée trop ringarde, Bernadette décide alors de prendre sa revanche en devenant une figure médiatique incontournable.
L'avis de la famille Chirac
La production n'a pas eu besoin de l'autorisation de la famille Chirac pour ce film qui reste une fiction, même s'il puise dans des faits réels et publics. De plus, la réalisatrice Léa Domenach voulait être entièrement libre durant l'écriture : "J’espère que la famille Chirac ira voir le film et que cet hommage à Bernadette Chirac lui plaira."
Dans les pages du magazine de Paris Match, Claude Chirac avait fait part en juin 2022 de son agacement vis-à-vis de ce projet. Elle estimait en effet que sa mère ou elle auraient dû être consultées.
Genèse
Léa Domenach connaît bien Jacques Chirac puisque son père, le journaliste politique Nicolas Domenach, est un spécialiste de l'ancien Président. Mais sa femme lui était beaucoup moins familière et elle avait d'elle une image assez négative, jusqu'à ce qu'elle découvre le documentaire Bernadette Chirac, mémoire d’une femme libre, d'Anne Barrère, qui avait été sa conseillère en communication.
La réalisatrice se souvient : "J’ai été surprise par sa liberté de parole, elle qui avait alors 80 ans... Je l’ai découverte drôle et affranchie, très loin de l’idée que je pouvais m’en faire et surtout avec un parcours qui méritait d’être raconté."
Catherine Deneuve
Léa Domenach avait d'emblée Catherine Deneuve en tête pour incarner Bernadette Chirac, mais elle s'est détachée de cette idée durant l'écriture pour se concentrer sur les personnages. Quelques années plus tard, une fois le scénario terminé, elle a eu l’opportunité de le faire lire à l'actrice, qui a d'abord été étonnée de cette proposition : "Ma première réaction a été « Quoi ? Bernadette Chirac ? ... » Les biopics ne m’intéressent pas." Mais elle a été séduite par le scénario qui l'a faite rire.
La réalisatrice se souvient : "Nous nous sommes rencontrées et nous avons beaucoup parlé du scénario, de ma vision du film... et pour mon plus grand bonheur, elle a décidé de me faire confiance. Puis, nous avons fait beaucoup de lectures avant le tournage, et j’ai découvert que Catherine Deneuve a une conception « entière » du cinéma. Par exemple, elle regardait tous les rushs, et elle m’en parlait, pas seulement pour voir son travail à elle mais pour avoir une idée de l’ensemble du film !"
Écoutez notre entretien avec Léa Domenach, la réalisatrice de Bernadette* :
Une histoire de femmes
Bien qu'elle ne soit pas issue de la même génération ni du même milieu et qu'elle ne partage pas le même bord politique que Bernadette Chirac, la réalisatrice a vu dans son histoire une certaine universalité. Selon elle, sa vie "ressemble à celle de beaucoup de femmes, qui sont tout aussi éduquées que leurs maris et qui finissent par se mettre en retrait pour leur laisser la place."
C'est pourquoi elle a décidé d'adopter l'angle de la revanche pour relater son parcours : "Je me suis dit alors que son histoire pouvait vraiment parler à tout le monde et si j’ai choisi d’en faire une fiction, qui plus est une comédie, c’est pour pouvoir toucher un large public. J’étais également heureuse d’écrire un premier rôle destiné à une femme de plus de 50 ans car elles ne représentent toujours que 7% des visages que l’on voit au cinéma."
Elle ajoute : "Bernadette Chirac a fini par affirmer un certain féminisme, qui n’est pas le même que le mien, mais je voulais que mon film parle à plusieurs générations et qu’il soit le plus grand public possible. Bernadette, c’est le point de vue d’une femme sur une histoire que tout le monde connaît, c’est une façon de regarder la grande histoire par la petite."
Une satire bienveillante
La réalisatrice a choisi de raconter le parcours de Bernadette Chirac à travers une comédie car l'ancienne Première dame "est quelqu’un de drôle et qu’on ne pouvait pas passer à côté de ça."
L'humour permettait de prendre de la distance tout en faisant passer des messages : "Bernadette est une sorte de satire bienveillante, dont le but n’est pas de se moquer de ses personnages. Le ton est celui de la fable, renforcé par cette idée du choeur qui accompagne Bernadette Chirac et rend hommage à son côté religieux. Je crois que le pari est aussi réussi grâce au choix des comédiens, qui sont tous à l’aise avec la comédie, sans être forcément associés à ce genre. Ils incarnent tous leur personnage avec humour tout en faisant preuve d’une certaine tendresse à leur égard."
*Propos recueillis par Vincent Formica, enregistrement et montage par Chanelle Morvan