De sa première à sa dernière seconde, Le Règne animal cultive le mystère. Jamais le film n’explique comment et pourquoi les êtres humains se transforment soudainement en animaux.
Plutôt que de s’enliser dans des monologues scientifiques, Thomas Cailley se concentre sur l’aventure, le drame familial, l’horreur ou encore la comédie. Son film, c’est tout ça à la fois, comme si aucune case ne pouvait lui convenir.
Le projet, hors du commun dans le paysage du cinéma français - pourtant en pleine mutation, lui aussi -, est né d’une idée originale de Pauline Munier. Le scénario de cette jeune autrice, ancienne élève à l’école de la Fémis, est repéré par le réalisateur qui décide de le coécrire. Le récit suit le périple d’un père (Romain Duris) qui, accompagné de son fils (Paul Kircher), recherche sa femme contaminée.
“Cette histoire, je l'ai trouvée évidente, hyper touchante, explique Thomas Cailley. J'avais envie de parler du corps, de la différence, de la transmission, de comment on transmet un monde à ses enfants et comment on essaie de réinventer ce qui est détruit.”
Le Règne animal est à la fois une œuvre écologique, qui explore les relations de l’Homme avec le reste du vivant et au-delà des êtres humains, mais également une fable politique.
Le long métrage tisse de nombreux parallèles avec des sujets bien ancrés dans notre réalité, comme le rejet des indésirables et les maladies qui viennent bouleverser notre quotidien.
La réalité, le film parvient pourtant vite à s’en extraire lorsqu’il dévoile le bestiaire impressionnant de ses créatures. Ironiquement, Thomas Cailley n’est pas un fan du genre fantastique.
“En tout cas, je ne viens pas de là, précise-t-il. Je n'ai pas une vidéothèque avec des centaines de films de mutants et je n'y connais pas grand chose. J'ai abordé cette question avec naïveté.”
Il y a un savoir-faire français brillant.
Malgré tout, Le Règne animal est une vraie œuvre fantastique et s’inscrit pleinement dans l’héritage de La Mouche de David Cronenberg et de L’Île du docteur Moreau, le roman de H. G. Wells.
Les effets spéciaux ont été réalisés par l’Atelier 69 pour les maquillages - également appelés MFX - et par MPC pour le numérique - appelés VFX -, deux sociétés françaises. Au total, près de 150 artistes ont travaillé sur le film et une quinzaine de créatures ont été créées. Quant aux acteurs, notamment Tom Mercier et Paul Kircher, l'étape du maquillage pouvait s'étendre jusqu'à quatre heures.
“Il y a un savoir-faire français brillant, lance Thomas Cailley. Des ateliers de MFX, de maquillages et de prothèses qui font partie des meilleurs au monde et qui travaillent sur des productions internationales. Evidemment, on en a bénéficié.”
Pour que les spectateurs y croient, l’équipe est toujours partie du réel. De vrais acteurs ont été équipés dans un décor naturel. “Il n'y a jamais 100% de VFX et 100% de nos décors sont réels. Il n'y a pas de fond vert et pas de studio.”
Parmi les créations les plus complexes, il y a Fix, l’homme-oiseau incarné par Tom Mercier dont chaque aile pesait 3 ou 4 kilos, mais aussi Lana, la maman-ours, dont une partie était en animatronique - télécommandée par l’équipe - et l’autre en numérique.
Le résultat est à la hauteur des espérances et confirme que le film de Thomas Cailley fera date dans l'histoire du cinéma français. Peut-être le début d'un nouveau règne ?
Propos recueillis par Thomas Desroches, à Cannes, en mai 2023.
Le Règne animal de Thomas Cailley, au cinéma.