En français, le terme “papicha” désigne les jeunes filles d’Alger. Ce mot, la réalisatrice Mounia Meddour l'a choisi comme titre pour son premier long métrage. Elle dépeint la quête de liberté de plusieurs héroïnes, dont Nedjma - incarnée par Lyna Khoudri -, dans un contexte politique très précis : la décennie noire.
De 1991 à 2002, la guerre civile algérienne - qui opposait des groupes islamistes au gouvernement militaire - aurait causé la mort de plus de 150 000 victimes. Avec ce projet, la cinéaste ravive des blessures qui n’ont pas encore cicatrisé, non pas pour réveiller la douleur d’un pays mais pour réaliser un devoir de mémoire à destination d’une nouvelle génération.
Mounia Meddour ne connaît que trop bien cette époque. Elle l’a vécue. "J'ai étudié dans une université de journalisme, et j'ai vécu dans une cité universitaire similaire à celle décrite dans le film, explique-t-elle à AlloCiné. Nous partagions une chambre avec quatre ou cinq filles, et surtout nous partagions au quotidien des espoirs, du bonheur, de l'humour, de l'entraide, de la collaboration, une douceur de vivre mais aussi des soucis car l'oppression existait.”
Cette oppression, c’est ce qui empêche Nedjma de vivre sa vie comme elle l’entend. En exerçant sa passion - la mode - elle met sa sécurité en danger. Nedjma va le découvrir à ses dépens : agir, se battre et résister ont un prix. Papicha est une fable politique, cela ne fait aucun doute. En France, le film trouve un écho exceptionnel. Tout d’abord au Festival de Cannes, où il est présenté dans la section Un Certain regard.
En salle, il rassemble plus de 250 000 entrées et surtout, le film est auréolé de deux César, celui du Meilleur premier film et celui du Meilleur espoir féminin pour Lyna Khoudri - qui, grâce à ce rôle, est révélée au grand public. Seul problème : en Algérie, Papicha est interdit.
Tous les films existent en Algérie grâce à ce côté judicieux de la jeunesse qui trouve des subterfuges.
Quelques jours avant sa sortie nationale, l’équipe du film apprend son annulation “sans explication”. Pourtant, Papicha avait été retenu par le Comité algérien pour représenter le pays dans la course aux Oscars en 2020. Sans sortie, cette participation à la cérémonie hollywoodienne devenait impossible.
Il devient clair que cette annulation est une forme de censure. Par le passé, d’autres films documentant la décennie noire avaient également été privés de sortie. Malgré tout, Papicha est parvenu à entrer dans le foyer des Algériens et ce de façon illégale, comme l’explique Mounia Meddour durant son passage dans l’émission C à vous le 14 mars 2023 :
“Tous les films existent en Algérie grâce à ce côté judicieux de la jeunesse qui trouve des subterfuges. C’est la frustration qui crée des solutions et c’est un film qui leur appartient, un film qu’ils doivent se réapproprier.”
Le second film de Mounia Meddour, Houria, s’intéresse quant à lui à l’Algérie contemporaine et à ce sujet épineux des terroristes de la décennie noire graciés. Une nouvelle fois, le long métrage a été interdit de sortie dans le pays.
Papicha est disponible sur Netflix jusqu’au 8 octobre.