Au début des années 90, la Batmania bat son plein. Sur petit et grand écran. Grâce au succès des deux longs métrages réalisés par Tim Burton. Et à la série animée lancée en 1992. Initialement prévu comme un prolongement des films avec Michael Keaton, dont il reprend le thème musical, le show devient vite un phénomène à lui tout seul.
À tel point que Warner Bros. et la chaîne FOX, son diffuseur, voient plus grand. Et c'est ainsi qu'un long métrage est commandé au scénariste Alan Burnett, auquel viennent ensuite se joindre Martin Pasko, Paul Dini et Michael Reaves pour composer cette histoire originale et que l'on peut suivre indépendamment des événements de la série, malgré la présence du Joker.
Intitulé Batman contre le Fantôme Masqué, le long métrage sort dans les salles américaines le 25 décembre 1993. Et c'est un très beau cadeau de Noël pour les fans qui le considèrent, aujourd'hui encore, comme l'un des meilleurs films consacrés à l'Homme Chauve-Souris. Le public français devra, quant à lui, patienter jusqu'au 1er août 1994 et une sortie en VHS pour en avoir le coeur net.
Alors qu'il venait d'interrompre la réunion de mafieux de Gotham City, Batman se retrouve accusé du meurtre de leur chef. Un assassinat commis, en réalité, par un mystérieux nouveau-venu : le Fantôme Masqué, ange de la mort venu faire expier leurs crimes à quelques personnalités de la ville. Pas toutes évidemment, sans quoi il lui faudrait bien plus que les 76 minutes que dure le long métrage pour y parvenir.
Pour ne rien arranger, Bruce Wayne retrouve un ancien amour : Andréa Beaumont. La femme qui aurait pu changer sa vie. Un personnage créé pour l'occasion et grâce auquel le film lie le passé, le présent et le futur du super-héros. Entrecoupée de flashbacks, son enquête sur le Fantôme Masqué revient sur ses premières années de justicier et cette relation qui aurait pu l'écarter de cette voie.
AU BAT MASQUÉ (OHÉ OHÉ)
Comme le récent The Batman, qui revenait sur les jeunes années de l'Homme Chauve-Souris sans être une origin story, Le Fantôme Masqué s'inspire en partie du comic book "Année deux", publié en 1987, dans lequel le héros se rendait notamment en costume sur la tombe de ses parents, et affrontait un méchant qui se faisait appeler Le Faucheur.
Mais ça n'est qu'une influence parmi tant d'autres de ce récit qui reste avant tout fidèle à la série animée. Aussi bien dans son style visuel que son ambiance de film noir aux accents gothiques. Et rappelle l'un de ses épisodes les plus méconnus et surprenants, centré non pas sur un méchant cartoonesque mais sur une violente guerre des gangs.
Malgré la présence du Joker, dont nous découvrons un peu de la vie antérieure, ou le look et les apparitions de l'antagoniste principal, Batman contre le Fantôme Masqué reste pronfondément humain et brille par son côté introspectif. Car le héros voit en son nouvel ennemi un miroir déformant de lui-même. Ce qu'il aurait pu devenir si la vengeance le guidait et s'il ne refusait pas de tuer.
Et ce alors que Bruce Wayne, grâce au retour d'Andrea, revit son passé et entrevoit la possibilité d'une vie future sans masque ni cape. Où la solitude ne serait pas son principal compagnon. Plus que jamais, le milliardaire et son alter ego sont montrés comme les deux facettes d'une figure tragique, vouée à rester sur le chemin tortueux qu'elle a choisi d'emprunter.
Un aspect qui, tout en s'inscrivant dans la lignée des films de Tim Burton, préfigure les Dark Knight de Christopher Nolan et The Batman de Matt Reeves. Moins les opus de Joel Schumacher, sortis quelques années plus tard (en 1995 et 1997), et qui abandonnent la noirceur au profit de couleurs fluos et d'une ambiance plus proche de celle de la Techno Parade.
Les résultats sont aussi décriés que Batman contre le Fantôme Masqué est aimé, avec la même note que celle de The Dark Knight Rises sur AlloCiné, avec une moyenne de 4,3 sur 5. Même si la notoriété de ce dernier n'est pas aussi élevée qu'elle ne devrait l'être. Est-ce lié à son statut de direct-to-video ? Son lien avec une série animée culte mais qui, peut-être, n'a pas traversé les générations comme certains longs métrages live ? Peu importe la raison, sa réédition en vidéo peut aider à y remédier.
À l'occasion de son trentième anniversaire, le film ressort en Blu-Ray 4K dans une édition Steelbook. Les couleurs sont éclatantes et les ombres enveloppantes, et le récit n'a rien perdu de sa force ni de sa dimension tragique. Et il s'accompagne d'un bonus consacré à Kevin Conroy, doubleur de l'Homme Chauve-Souris décédé le 10 novembre 2022.
Une occasion en or de (re)découvrir ce qui n'est pas qu'un excellent long métrage animé, mais bien l'un des meilleurs films consacrés à Batman. Et la preuve que l'animation n'est pas réservée qu'aux seuls enfants, comme la série l'avait déjà bien montré. Cette dernière est d'ailleurs disponible sur le Pass Warner de Prime Video, si jamais le Fantôme Masqué vous donne envie de vous y replonger (spoiler : ça sera le cas).