Dans Le Ravissement, au cinéma ce mercredi, les spectateurs suivent Lydia, une sage-femme très investie dans son travail, qui va faire basculer sa vie... Est-ce sa rupture amoureuse, la grossesse de sa meilleure amie Salomé, ou la rencontre de Milos, un possible nouvel amour qui vont la faire dérailler ? Lydia va s’enfermer dans une spirale de mensonges... Jusqu'à un rebondissement saisissant... Un "ravissement" comme le titre l'indique.
Nous avons pu nous entretenir avec la réalisatrice et coscénariste de ce film, remarqué lors du Festival de Cannes, Iris Kaltenbäck. A-t-elle inventé toute cette intrigue ou est-elle partie d’un fait divers ?
"Je suis partie d’un fait divers que j’avais lu. C’était une phrase qui disait « Une jeune femme emprunte l’enfant de sa meilleure amie et fait croire à un homme que c’est le sien ». Je l’avais lu au moment où je faisais mon court métrage (Le Vol des cigognes, Ndlr.)."
Qu’est ce qui tout d’un coup, parmi les milliers de faits divers, fait écho en nous ?
"Qu’est ce qui tout d’un coup, parmi les milliers de faits divers, fait écho en nous ? Ce qui m’a tout de suite interpelée, c’est qu’au sein de cette intrigue, il y a une histoire d’amitié. Je me suis dit que ce n’était pas l’histoire classique d’une jeune femme qui enlèverait n’importe quel enfant."
Et d'ajouter : "Ça a fait un peu écho à des sentiments personnels, par exemple quand ma meilleure amie est devenue mère à un moment où je n’étais pas du tout concernée par ces questions. Je n’étais pas du tout sensibilisée à ce que c’est de devenir mère. Ça avait provoqué un bouleversement dans notre relation. On avait vécu toutes nos étapes de vie ensemble, et c’était la première fois, que tout d’un coup, il y avait une étape de vie qu’on ne pouvait pas vivre ensemble, et qui en même temps était un chamboulement énorme. Il y a un déplacement de la famille."
Je me suis sentie très libre d’aller vers le romanesque et d'oublier le fait divers
"Quand on est ado, quand on est enfant, sa meilleure amie, c’est aussi un peu sa famille. Donc j’ai eu envie de m’emparer de ça. Et à partir de là, je me suis sentie très libre d’aller vers le romanesque, d’inventer des personnages, et de presque oublier le fait divers, qui tenait en une ligne."
La force du Ravissement est sa façon de s'emparer avec nuance de la question de la maternité, tout en y apportant des ruptures de ton, entre touches de comédie et ambiance à suspense. "C’était une intention très forte et quelque chose que j’ai beaucoup défendu pendant le financement du film", nous explique Iris Kaltenbäck.
"Souvent, on veut ranger un film dans une catégorie : c’est un drame ? c’est une fiction ? c’est un documentaire ? c’est une comédie ? Je tenais vraiment à essayer de tisser des ponts entre tous les genres et faire le portrait d’une femme."
Elle poursuit : "En même temps, alors que c’est une tragédie, de m’autoriser à avoir des moments de légèreté, et même tirer le portrait de cette femme vers le thriller." Le film est ainsi sous tension jusqu'à la dernière minute, et nous tient en haleine.
L'approche documentaire des scènes d’accouchement est un autre point fort du film. Les scènes d'accouchement sont filmées comme rarement. "Il y avait vraiment cette grande question qui nous taraudait avec Marine Atlan, la cheffe opératrice : comment va-t-on filmer le travail de sage femme ? comment on va filmer la maternité, les accouchements ?"
De filmer des visages et des gestes sans commentaires, sans pathos, pour ce qu’ils sont.
"C’est un endroit où je n’ai pas trop envie de faire de fiction. On parle souvent du premier regard que va jeter une mère sur son enfant... Je n’avais pas du tout envie de diriger une actrice en lui disant « ton regard doit être très ému ». C’est un endroit où j’avais envie d’être dans la justesse. De filmer des visages et des gestes sans commentaires, sans pathos, pour ce qu’ils sont."
"Nous avons été très gentiment accueillie par la Maternité des Lilas. Comme il fallait tisser un lien entre la matière documentaire et la fiction, j’ai demandé à Hafsia Herzi de venir avec nous pendant ce tournage documentaire, et pendant un certain temps, on a suivi toutes les gardes d’une sage femme et Hafsia était un peu son ombre."
Elle poursuit : "Le métier de sage femme est aussi un métier de soin, mais il y a aussi beaucoup de gestes d’attention. Hafsia a vraiment appris aux côtés de cette femme. Dès que les mères étaient d’accord et que la sage femme pensait qu’il n’y avait pas de risque, elle faisait faire à Hafsia ce qu’elle ferait normalement. On a passé un certain temps plongé au cœur de cette maternité à filmer les accouchements de cette sage femme."
Évoquons, enfin le titre du film, qui créé un pont avec l’œuvre de Marguerite Duras, en hommage au Ravissement de Lol V. Stein. "J’ai lu Le ravissement de Lol V. Stein quand j’étais adolescente, et c’est vraiment un livre qui m’avait bouleversée. Ça m’avait parlé de façon très intime, et éclairée sur le rapport qu’on peut avoir aux évènements difficiles dans la vie."
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Le Ravissement, écrit et réalisé par Iris Kaltenbäck, sort au cinéma ce mercredi 11 octobre 2023.
Propos recueillis au Festival de Cannes, le 20 mai 2023, par Brigitte Baronnet