Le cinéaste Saeed Roustaee, 34 ans, a été condamné à six mois de prison en Iran pour la projection de son film Leïla et ses frères au Festival de Cannes 2022. Selon les médias de son pays, le réalisateur a été reconnu coupable de "contribuer à la propagande de l'opposition contre le système islamique".
"Le tribunal révolutionnaire de Téhéran a condamné Saeed Roustaee et Javad Norouzbeigui, le réalisateur et le producteur du film à six mois de prison pour avoir contribué à la propagande de l’opposition contre le pouvoir islamique."
Saeed Roustaee a été révélé aux yeux du grand public par le film choc La Loi de Téhéran en 2021. L'oeuvre est une plongée saisissante et réaliste au sein du trafic de crack en Iran. Les distinctions ont largement abondé pour ce film : sélection à Venise, Grand Prix et Prix de la Critique au Festival International du Film Policier de Reims et sélection pour concourir au César du Meilleur Film Etranger.
L'an dernier, le metteur en scène confirme l'essai avec Leïla et ses frères, acclamé par le public et la critique. Le récit suit Leila, qui a dédié toute sa vie à ses parents et ses quatre frères. Très touchée par une crise économique sans précédent, la famille croule sous les dettes et se déchire au fur et à mesure de leurs désillusions personnelles. Afin de les sortir de cette situation, Leila élabore un plan : acheter une boutique pour lancer une affaire avec ses frères.
Chacun y met toutes ses économies, mais il leur manque un dernier soutien financier. Au même moment et à la surprise de tous, leur père Esmail promet une importante somme d’argent à sa communauté afin d’en devenir le nouveau parrain, la plus haute distinction de la tradition persane. Peu à peu, les actions de chacun de ses membres entraînent la famille au bord de l’implosion, alors que la santé du patriarche se détériore.
Sorti en salles en août 2022 en France, Leïla et ses frères a été interdit en Iran pour avoir "enfreint les règles en participant sans autorisation à Cannes et ensuite à Munich". Saeed Roustaee et Javad Norouzbeigui, son producteur, ont donc été reconnus coupables de "contribuer à la propagande de l'opposition contre le système islamique" en Iran.
D'après le journal Etemad, le tribunal a cependant jugé que les deux hommes ne purgeraient qu'un 20ème de cette peine, soit environ neuf jours. Le reste de la condamnation "sera suspendu pendant cinq ans".
"Pendant la période de suspension, les accusés sont tenus de s'abstenir d'activités liées au crime commis et de ne pas communiquer avec des personnes actives dans le domaine du cinéma", a précisé Etemad. Les accusés ont 20 jours pour faire appel de cette décision.
Le pouvoir iranien avait déjà arrêté et emprisonné les réalisateurs Mohammad Rasoulof et Jafar Panahi en 2022 pour propagande contre le régime. Les deux hommes ont finalement été libérés après avoir purgé plusieurs mois de prison dans des conditions terribles, contraignant Jafar Panahi à faire une grève de la faim.
À noter que Saeed Roustaee a reçu le soutien de très nombreux artistes à travers le monde. Le Festival de Biarritz, qui avait accueilli le réalisateur en juin dernier, a tenu également à lui apporter son appui, en appelant à l'annulation de sa condamnation dans un communiqué.
"Le Festival International du Film de Biarritz - Nouvelles Vagues apprend avec stupeur la condamnation de Saeed Roustaee à six mois de prison pour propagande anti-régime, peine assortie d'une interdiction de tourner pendant cinq ans. Son seul crime : être un cinéaste libre !
Avec La Loi de Téhéran et Leila et ses frères, Saeed a fait une entrée fracassante sur la scène cinématographique mondiale. À moins de 35 ans, l'acuité de son regard sur la société fait déjà de lui l'un des grands cinéastes internationaux.
Dédié aux récits de jeunesse, le festival NOUVELLES VAGUES a eu la chance de voir le jury de sa toute première édition présidé par ce cinéaste exigeant, talentueux et qui a porté haut les valeurs de la création et du débat à cette occasion.
Le Festival International du Film de Biarritz - NOUVELLES VAGUES s'engage indéfectiblement auprès de la jeunesse, pour la liberté d'expression, la liberté artistique, et auprès des artistes et peuples menacés parce qu'ils s'en saisissent, et appelle donc à l'annulation de la condamnation de Saeed Roustaee dans les plus brefs délais."
De son côté, la SRF, Société des Réalisateurs et Réalisatrices de films, a également publié un communiqué de soutien :
"Nous, cinéastes de la SRF, tenons à exprimer notre profonde préoccupation et notre solidarité envers Saeed Roustaee, qui vient d'être condamné par le régime iranien à 6 mois de prison assortis de 5 ans d'interdiction de tournage pour avoir réalisé le film Leïla et ses frères et l'avoir présenté lors de l'édition 2022 du festival de Cannes.
Nous considérons cette décision comme une atteinte à la liberté d'expression artistique et une violation des droits fondamentaux de l'individu. En ces temps où les artistes luttent partout pour préserver leur indépendance et leur créativité, il est primordial que nous défendions les droits de celles et ceux qui apportent des perspectives nouvelles et stimulantes à travers leurs œuvres."
