Trois ans après sa puissante mini-série Small Axe, qui aurait dû être présentée à l'édition annulée en 2020 du Festival de Cannes, Steve McQueen est revenu sur la Croisette en Séances Spéciales dans la Section Cannes Première avec un documentaire coup de poing, qui sort enfin au cinéma.
Le réalisateur britannique, couronné de succès avec 12 Years a Slave, Shame ou encore Hunger, propose une expérience singulière : Occupied City, un documentaire qui dresse les portraits croisés de deux générations d'Amstellodamois, l'une sous l'occupation allemande durant la Seconde Guerre mondiale et l'autre contemporaine touchée par l'épidémie de coronavirus.
Entre passé et présent, une œuvre miroir immense pour public averti
Plus long film présenté lors de la 76ème édition du Festival de Cannes avec une durée de 4h06, Occupied City est une immersion particulière et hypnotisante. Le réalisateur britannique choisit de confronter deux époques de sa ville de cœur et d'adoption. Son regard aiguisé mais sobre met en lumière toute la vitalité d'une ville en constante mutation et mouvement perpétuel.
Il filme tout ce qui anime une capitale, de l'expérience la plus "banale" à la plus spectaculaire : entre des moments d'intimité, des balades en famille, des amoureux qui s'embrassent ou une vieille génération qui s'entretient et se répare et des manifestations et mouvements sociaux, des annonces politiques officielles et les conséquences de la pandémie sur le cours de la vie.
S'inspirant du livre Atlas of an Occupied City (Amsterdam 1940-1945) de son épouse Bianca Stigter, Steve McQueen fait voyager sa caméra façon carte postale et lettre d'amour dans les rues d'Amsterdam, grande ville touristique et culturelle empreinte d'un passé historique riche.
Rares sont les documentaires à capter avec autant de sincérité, de frontalité et de magnétisme les croisements d'existence solitaire qui s'entrechoquent fatalement au rythme du temps qui passe. Et c'est un autre temps qui vient se confronter à ces belles images : une époque d'horreur, celle de l'occupation nazie durant la Seconde Guerre mondiale.
En suivant les informations et séquençages du livre, le documentaire nous amène d'adresses en adresses dans les rues d'Amsterdam grâce à la voix off de Melanie Hyams, qui nous raconte l'atrocité reliée aux habitants juifs ayant vécu aux adresses évoquées montrées à notre époque et pleines de vie.
Entre la dénonciation, la déportation, l'humiliation, l'intimidation jusqu'à l'issue fatale, chaque bout de fin de vie raconté narre une autre tranche de vie contemporaine avec une scission brutale et paradoxalement une liaison cohérente, grâce à un montage réfléchi qui nous provoque des sensations plus qu'étranges entre le malaise, la tristesse mais aussi l'exaltation de savoir qu'une époque est révolue.
Mais si on parle d'un temps qui n'existe plus, il n'en reste pas moins une ombre qui plane sur Amsterdam et qui hante ses moindres recoins. Occupied City se ressent comme un témoignage du passé, un devoir de mémoire et une réflexion sur le temps et l'avenir. Même si on digère beaucoup d'informations en quatre heures, on ne peut que saluer l'exercice de style et d'observation de Steve McQueen.
Le documentaire Occupied City est au cinéma.