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    Du Palmashow à "un Fargo en Bretagne" : l'étonnant Bonne conduite vu par son réalisateur Jonathan Barré
    Maximilien Pierrette
    Dans sa tête, la comédie parfaite rassemble l’écriture de Billy Wilder, le sens du détail de Bruno Podalydès, les répliques du Splendid, l’énergie colérique de Louis de Funès, le discours social de Chaplin, les références du Palmashow, le grand n’importe quoi des ZAZ et le chaos des Marx Brothers.

    Quand une formatrice dans un centre de récupération de points de permis devient tueuse de chauffards la nuit, ça donne "Bonne conduite", étonnante comédie noire dont nous parle son réalisateur Jonathan Barré.

    Il y avait eu La Folle Histoire de Max et Léon. Puis Les Vedettes. Et voici maintenant Bonne conduite. Soit le troisième long métrage réalisé par Jonathan Barré, mais le premier qui ne soit pas un film du Palmashow. Si l'on retrouve leur patte, dans l'humour et la manière de jouer avec les codes d'un genre, le cinéaste n'a pas écrit le scénario avec ses compères David Marsais et Grégoire Ludig.

    Mais on les retrouve quand même devant la caméra, et aux côtés de Laure Calamy, dans cette étonnante histoire de formatrice dans un centre de récupération de points de permis qui se mue en serial killeuse de chauffards la nuit. Un mélange des genres surprenant et rare en France, aussi stylé que sans bande-originale électro et aussi drôle que son duo de flics, dont son réalisateur nous parle.

    Bonne conduite
    Bonne conduite
    De Jonathan Barré
    Avec Laure Calamy, Tchéky Karyo, David Marsais
    Sortie le 29 mars 2023
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    AlloCiné : L’an dernier, Grégoire et David nous parlaient des "Vedettes" comme de votre "deuxième premier film". Est-ce que "Bonne conduite" est votre "troisième premier film" dans ce cas, vu qu’il n'est pas estampillé "Palmashow" ?

    Jonathan Barré : (rires) Tout fait, c’est mon troisième premier film !

    Qu’est-ce qui est à l’origine de "Bonne conduite" ? Une envie de comédie policière ou de slasher ? Ou même un fait divers qui aurait inspiré l’histoire ?

    C’est mon producteur Patrick Godeau qui avait vu le documentaire de Coline Serreau, Tout est permis, et m’a proposé de réfléchir a une idée sur les stages de récupération de points… et j’ai un peu dévié (rires)

    On sent aussi l'envie faire un film américain de serial killer… mais en Bretagne. Est-ce que c’était l’idée directrice ?

    J’avais envie de faire un Fargo en Bretagne. Je voulais, comme j’avais pu le faire avec Les Vedettes, prendre mes références de cinéphile qui sont majoritairement américaines et le transposer, les ancrer en France.

    Il y a beaucoup d’easter eggs à des classiques du cinéma américain, mais est-ce qu’il y a des films qui ont servi de références visuelles et/ou narratives ? Je pense notamment à la scène d’ouverture, qui rappelle aussi bien "Boulevard de la mort" que des films tels que "Maniac", avec l’usage de la vue subjective.

    J’ai beaucoup pensé au cinéma de Brian De Palma pour les scènes de meurtre, en utilisant notamment une demi bonnette, procédé qui lui est très cher. Il s'agit de rajouter un filtre sur l’objectif afin d’avoir le point à différentes profondeurs dans la cadre. Dans Blow Out, il y a quinze plans de ce type.

    Et pour ce qui est de la musique ? Quelles étaient les influences, aussi bien pour la partie électro, qui rappelle John Carpenter, que la chanson "L'Autoroute de l'amour", avec son côté "Nuit de folie" par instants ?

    John Carpenter, c'est complètement la référence pour la bande-originale. Et pour "L'Autoroute de l'amour", c'était plus Herbert Léonard.

    Quand on voit la séquence d’ouverture, on s’attend à un film plus violent et sanglant, mais finalement non. Était-ce un choix fait dès le départ, ou est-ce venu en post-production ?

    C’est un choix fait pendant la préparation du film, quand je réfléchissais à comment j’allais filmer ces scènes. Je regardais plein de film pour m’inspirer et trouver ce que je pouvais apporter de nouveau, et ce qui avait déjà été énormément fait. J’ai réalisé que le côté déluge d’hémoglobine n’était vraiment pas ce qui me faisait le plus marrer, et que ça été fait un nombre incalculable de fois, et très bien - dans Boulevard de la mort par exemple.

    J’ai donc décidé de jouer davantage la carte de la comédie que celle de l’horreur pour ces scènes. Je me suis beaucoup inspiré de l’accident de voiture qu’il y a dans The Barber des frères Coen.

    L'humour, justement, se joue majoritairement sur la durée (l’arrivée de Kervella et Giordano sur les rochers notamment) au lieu de chercher l’efficacité immédiate du gag. Est-ce que le rythme du film s’est beaucoup construit au montage sur ce plan ? Et sur le passage d’un registre à l’autre ?

    Oui, il a fallu trouver le bon dosage. Je voulais garder ce rythme un peu "lent" de ces deux enquêteurs, mais il ne fallait pas que cela desserve le rythme global du film.

    J’ai réalisé que le côté déluge d’hémoglobine n’était vraiment pas ce qui me faisait le plus marrer

    Pourquoi Laure Calamy était-elle parfaite pour le rôle principal ? Est-ce que vous cherchiez à avoir quelqu’un d’extérieur à votre univers jusqu’ici, pour marquer la différence avec les films du Palmashow ?

    Non, je ne crois pas avoir fait ce choix pour marquer une différence. Si j’avais voulu faire ça, je n’aurais pas du tout pris Greg et David. C’est vraiment venu naturellement. J’ai sans doute écrit ce personnage féminin pour diriger une femme et changer après avoir dirigé pendant deux garçons pendant quinze ans, ça c’est vrai !

    Et oui, Laure est absolument parfaite. Je cherchais quelqu’un qui puisse passer d’un registre à l’autre en un claquement de doigts, et elle est pour moi la meilleure actrice pour ça. Elle est incroyable.

    Les rôles de Kervella et Giordano semblent clairement avoir été écrits pour David Marsais et Grégoire Ludig, mais qui a eu l’idée de l’accent pour Giordano ?

    C’est moi ! J’adore quand Greg fait les accents. En particulier un personnage que l’on avait créé pour "Cannes Off" : Serge Bertoli le Matthew McConaughey français (rires) Je trouve qu’en France, on joue rarement les accents régionaux alors qu’au États Unis ça serait impensable qu’un texan n’ait pas l’accent texan. Donc, toujours avec mes références américaines, j’avais envie de le faire ici.

    David Marsais et Grégoire Ludig Pan Européenne
    David Marsais et Grégoire Ludig

    Est-ce qu’on peut imaginer les revoir dans un spin-off ? Sur une autre enquête dans un autre lieu, un peu comme Benoît Blanc dans les films de Rian Johnson qui, comme vous, sait jouer avec les codes des genres pour les tordre ?

    Oui, j’y ai réfléchi, mais pour l’instant j’ai d’autres projet et d’autres genres a explorer.

    Avez-vous déjà une idée de ce que sera votre prochain long métrage ?

    J’ecris actuellement une comédie familiale avec des zombies [Club Dead] avec Romain Levy [réalisateur de Radiostars, ndlr]. On rigole beaucoup, j’ai hâte de pouvoir en dire plus !

    Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Paris le 24 mars 2023

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