De quoi ça parle ?
Hanté par un meurtre non résolu, John Luther, brillant policier londonien en disgrâce, s'évade de prison pour traquer un sinistre tueur en série.
Luther : Soleil déchu, un film écrit par Neil Cross et réalisé par Jamie Payne avec Idris Elba, Cynthia Erivo, Andy Serkis, Dermot Crowley...
Un final mi-luthérien...
Dès son arrivée sur nos petits écrans en 2010, Luther a happé les spectateurs pour son personnage principal à la présence magnétique et à la psychologie tourmentée, et pour sa tonalité sombre qui en fait un thriller sous adrénaline.
Le duo antagoniste formé par John Luther – avec un Idris Elba dans son meilleur rôle depuis The Wire – et Alice Morgan – interprétée par la géniale Ruth Wilson – a aussi beaucoup contribué à tenir en haleine les fans dans les premières saisons.
Puis la série s'est délitée petit à petit. En l'absence d'Alice Morgan, le créateur Neil Cross a choisi de faire passer son héros par les neufs cercles de l'enfer et de le réduire à une sorte de surhomme au destin sacrificiel. La magie n'opérait plus vraiment.
Même le retour d'Alice Morgan dans la dernière saison n'a pas réussi à relancer la série sur les rails des montagnes russes d'émotion qu'on a connues au tout début.
On est donc en droit de s'interroger avant de se lancer à nouveau dans la vie chaotique de ce colosse qui nous est apparu sur la fin avec des pieds d'argile. Le film Luther : Soleil déchu peut-il racheter les fautes du passé ?
La réponse est (presque) oui ! Dès les premières minutes, le long métrage vous embarque dans un thriller psychologique qui vous saisit et ne vous lâche pas jusqu'à la fin.
Le film s'ouvre à la manière d'un épisode de Black Mirror. Un jeune homme, Caleb, travaille de nuit à nettoyer des bureaux vides. Puis il reçoit un appel énigmatique et menaçant : "Retrouvez-moi ici dans 15 minutes... ou tout le monde aura les captures d'écran".
Terrorisé à l'idée que sa mère et sa petite amie puissent voir quelque chose dont il a honte, il quitte l'immeuble en courant, paniqué. Il pleut des cordes alors qu'il roule vers sa destination. Une voiture est arrêtée au milieu de la route. Une personne est allongée sur le sol, immobile.
Malgré l'urgence qui le menace, il s'arrête et appelle les secours. Il se penche sur le corps inerte, se tourne vers le passager de la voiture... Mais la personne étendue sur le trottoir se lève et l'attrape par derrière. Caleb disparaît.
Le lendemain, les forces de l'ordre encerclent le véhicule et démarrent l'enquête. C'est là que l'inspecteur en chef John Luther entre en scène, choqué d'apprendre que le passager de la voiture est un cadavre datant d'il y a des années qui a été décongelé...
On retrouve bien là la noirceur caractéristique et le côté extraordinaire de la série. Neil Cross a ce talent particulier pour raconter des histoires malades et démentielles.
On fait alors connaissance avec le cyberterroriste et tueur en série David Robey (Andy Serkis qu'on aime voir à visage découvert). On ne vous en dit pas plus sur les horreurs qui sortent de son imagination et qu'il inflige à d'innocentes victimes. Sauf qu'à travers Internet et les médias, il lance une vague de terreur.
Alors que Luther s'apprête à se mettre à ses trousses, Robey trouve le moyen de l'isoler en le faisant emprisonner pour tous les "écarts" que Luther a commis ces dernières années. Et pourtant, il ne fait aucun doute que Luther traquera cet homme jusqu'au bout du monde s'il le faut. Quatre murs, des barreaux et une prison pleine d'affreux jojos prêts à le manger tout cru ne risquent pas d'infléchir sa détermination d'un iota.
Luther : Soleil déchu, c'est donc plus de deux heures d'un jeu du chat et de la souris. Mais qui est le chat ? Et qui est la souris ? Rien ne sera simple ou facile pour Luther, d'autant plus qu'il s'est fait une autre nouvelle ennemie en la personne d'Odette Raine (Cynthia Erivo) qui a récupéré son poste après son renvoi de la police.
... mi-jamesbondien
Idris Elba retrouve enfin avec ce rôle, un personnage à la mesure de son talent dans une carrière qui ne lui rend pas justice. Le voir ainsi, monumental dans son éternel manteau en laine qu'il porte comme une cape, magnétique avec sa manière de bouffer l'écran, diablement intelligent avec son regard perçant et aussi avec ses failles qui le rendent terriblement humain, force l'admiration.
Neil Cross lui signe ce scénario comme une déclaration d'amour. Et la réalisation de Jamie Payne lui donne tout l'espace dont il a besoin pour s'exprimer. Les scènes de foule sont bien coordonnées et les scènes d'action bien chorégraphiées.
Puis le film prend un virage à la James Bond lorsque l'histoire part dans un lieu cerné par un froid hivernal et qu'un étang glacé révèle des images obsédantes.
Il ne s'agit en aucun cas d'une audition à peine déguisée faite à la mesure d'Idris Elba pour qu'il se glisse dans le smoking de l'agent 007. L'acteur a déjà été suffisamment clair à ce sujet.
Mais c'est aussi là que le film trouve ses limites. Si on adore voir Andy Serkis jouer les méchants (avec un brushing très années 80 sur une perruque très voyante), il peine à convaincre ici.
Le film tombe dans les travers de la série avec un méchant un peu trop méchant pour qu'on y croie vraiment. Comme celui de la cinquième saison qui portait un masque de clown et tirait sur les gens avec un pistolet à clous.
Soleil déchu prend alors une dimension presque super-héroïque dans le traitement du personnage de Luther qu'on voit dans un plan sur le toit d'un immeuble en train de contempler Londres. Son territoire, sa ville. Vous pensez à Batman ? Il y a un peu de ça.
Ça ne fonctionne pas complètement dans le cadre de ce super-épisode, sorte d'extension de la série-mère. Mais tant pis, on ne boude pas notre plaisir devant ce film qui, s'il n'est pas vraiment abouti, ouvre d'autres frontières pour Idris Elba. Il a les épaules assez larges pour incarner un personnage de cette dimension.