Depuis le mois de septembre 2022, la cinéaste Mélanie Auffret traverse les villages de France pour présenter son film, Les Petites victoires. Cette tournée est l’occasion pour elle de défendre la culture de proximité dans des communes où les salles n’existent pas. Les projections sont rendues possibles grâce à un camion transformé en cinéma.
L’initiative s’inscrit dans la logique de son long métrage, primé à deux reprises au festival de l’Alpe d’Huez en janvier dernier - prix du public et prix spécial du jury. Il suit les péripéties d’Alice (Julia Piaton), maire d’un petit village, mais également institutrice. Celle qui se bat pour faire vivre sa commune va voir sa vie changer par l’arrivée d’Émile (Michel Blanc), un sexagénaire analphabète, sur les bancs de l’école.
“Je cherchais un sujet, une histoire qui me parle, fait savoir la scénariste et réalisatrice au micro d’AlloCiné. J’avais envie de parler de la désertification et je lisais un article dans la presse locale qui expliquait que le maire d’un petit village en Charentes allait perdre son école par faute d’effectif car il manquait cinq élèves.” Le jour de la rentrée, surprise : les élèves manquants sont remplacés par des moutons.
Cette anecdote décalée marque le début de ce projet, lancé deux ans après la sortie de Roxane, le premier film de Mélanie Auffret. Après un travail de documentation, la réalisatrice met le doigt sur deux sujets étroitement liés : le rôle des maires dans les petites communes et l'illettrisme.
Telle une journaliste, elle poursuit son enquête et rencontre une vingtaine de maires : “Je suis allée sur les routes, j’ai pris des notes, j’en avais cinq carnets. Être maire dans des petits villages, c’est un sacerdoce et je voulais creuser cette idée-là.”
“Ce qui m’a plu, c'est la vérité dans l’écriture de Mélanie, affirme Julia Piaton, l’actrice principale. Je sentais qu’elle était proche de ce qu’elle racontait. C’est un rôle sincère et complexe, qui prend à bras-le-corps des sujets politiques.”
Derrière ce dévouement, Alice tente également d’échapper à des problématiques de vie. Se démener pour les autres et ne pas prendre du temps pour elle lui permet de remettre à demain des questionnements personnels. C’est aussi le cas d’Émile, isolé depuis la mort de son frère.
“Les personnes en situation d’illétrisme ont souvent un partenaire de vie et c’est comme ça qu’on a construit le personnage de Michel Blanc”, précise Mélanie Auffret. “C’est la rencontre entre deux solitudes qui vont s’entraider à un moment où ils ne s’y attendaient pas", enchérit Julia Piaton.
L’actrice avait déjà croisé la star du Splendid sur le tournage de Nos 18 ans, film pour lequel ils ne partagent aucune scène. “Sa carrière le précède, donc j’étais intimidée, mais ce qui m’a beaucoup aidé c’est qu’il est très sensible et il a une vraie timidité, poursuit-elle. Je me suis laissé porter par ce qu’il me donnait.”
Avec ce long métrage, Mélanie Auffret espère parler aux habitants des petits villages. Elle conclut : “Ce sont eux les héros des Petites victoires, ça me semblait évident de les mettre à l’honneur.”
Propos recueillis par Thomas Desroches, à l’Alpe d’Huez, en janvier 2023.
Les Petites victoires, le 1er mars au cinéma.