Ana, 9 ans, ne dort plus la nuit dans la grande maison madrilène familiale. Ses parents sont morts récemment. Sa mère s'est éteinte de chagrin et de dépit amoureux, son père a succombé à une maîtresse vengeresse.
Témoin de ces deux morts malgré elle, Ana refuse le monde des adultes et s'invente son univers. Elle s'accroche à ses rêves et ses souvenirs pour faire revivre sa mère et retrouver son amour. Elle remplit son quotidien de jeux qu'elle partage avec ses sœurs. C'est le point de départ de ce film, Cria Cuervos, ressorti au cinéma mercredi dernier, 47 ans après sa sortie initiale.
La musique qui accompagne ce film est un air très connu : Porque Te Vas, entonné par Jeanette. Une chanson qui reste depuis associée à ce film, et qui reste longuement en tête après l'avoir entendue. Ce film, si vous ne l'avez encore jamais vu, pourrait vous faire ce même effet. Cria Cuervos est un film rare, souvent qualifié de chef d’œuvre, et l'une des œuvres les plus importantes du cinéma espagnol.
Ce film, sorti il y a 47 ans, et réalisé par Carlos Saura, qui nous a quitté récemment, a marqué l'Histoire du cinéma, pour sa façon de dépeindre l'enfance, avec un ton et une justesse jamais égalés. Dans Cria Cuervos, il y a ces sentiments mêlés qui appartiennent à cette période de la vie, et qu'il est difficile de décrire par des mots. Cria Cuervos est une capture à la fois réaliste et empreinte de poésie, qui touche à la grâce, avec le talent de ses interprètes et de belles idées de mise en scène.
Tamasa Distribution
Pour éclairer ce film, son scénariste et réalisateur tenait les propos suivants : "Je n’ai jamais cru au prétendu paradis de l’enfance ; je crois au contraire, que l’enfance constitue une étape durant laquelle la terreur nocturne, la peur de l’inconnu, le sentiment d’incommunicabilité, la solitude sont présents au même titre que cette joie de vivre et cette curiosité dont parlent tant les pédagogues."
Je n’ai jamais cru au prétendu paradis de l’enfance
Et d'ajouter : "Ana, l’héroïne de mon film, est évidemment sensible et particulièrement réceptive; face à l’agression du monde des adultes, elle s’est fabriqué un univers personnel à part où seuls trouvent place les êtres conformes à ce qu’elle attend d’eux. Dans cet univers, la réalité englobe des souvenirs qui ont la présence de l’actualité, des désirs et des hallucinations qui se confondent avec le quotidien..."
Cria Cuervos est un film passionnant dans sa complexité : il y a ce mélange de tons, entre les jeux de l'enfance, et l'omniprésence de la mort, la place qu'occupent les fantômes... Il y a aussi ce travail sur les temporalités, avec une Geraldine Chaplin qui joue un double rôle, celui de la mère disparue, et celui d'Ana adulte. Enfin, Cria Cuervos recèle un autre niveau de lecture, ancré dans l'époque dans laquelle il a été réalisé, à savoir le Franquisme. Le film de Carlos Saura offre une réflexion et une critique acerbe, en étant une métaphore de cette période de l'histoire espagnole.
Notons enfin que le titre du film provient d'un proverbe espagnol "Cria cuervos que te sacaran los ojos". Il signifie "Nourris les corbeaux, ils te crèveront les yeux".
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Cria Cuervos ressort en salles ce mercredi, et il sera suivi par une rétrospective plus large consacrée à son réalisateur, Carlos Saura. Au total, 11 longs métrages du cinéaste décédé le 10 février dernier seront visibles au cinéma.