L'Académie des arts et des sciences cinématographiques d'Espagne a annoncé le décès à 91 ans de Carlos Saura, réalisateur de Cría Cuervos, Grand prix du Jury ex-aequo au Festival de Cannes 1976. Son influence a rayonné bien au-delà de son pays natal, le plaçant comme un cinéaste international majeur.
Il avait remporté l'Ours d'or à Berlin pour Deprisa, deprisa (1981) et à deux reprises l'Ours d'argent du Meilleur réalisateur pour Peppermint frappé (1967) et La Chasse (1966).
Carlos Saura est né dans une famille d'artistes : sa mère pianiste et son frère peintre lui font découvrir très tôt des œuvres qui vont déterminer sa carrière. Adolescent, il se lance dans la photographie dont il fait son métier puis commence à réaliser des reportages.
Il s'inscrit en 1952 à l'Instituto de Investigaciones y Estudios Cinematograficos et y enseigne à la fin de ses études jusqu'en 1963. Il réalise son premier long métrage et provoque les foudres du régime franquiste en 1959 avec Los Golfos, dans lequel il aborde un thème qui lui sera cher: celui des marginaux.
En but à la censure, le cinéaste recourt à des métaphores et au symbolisme, ce qui lui permet de critiquer la société franquiste et de s'attaquer aux piliers du régime que sont l'église, l'armée et la famille, dans des films comme Le Jardin des délices (1970), Anna et les loups (1972) et La Cousine Angélique (1973).
Pendant toute cette période, Carlos Saura est inspiré par une muse avec qui il tourne neuf films et qu'il finit par épouser : Geraldine Chaplin. Il réalise son plus gros succès avec Cria Cuervos qui remporte le Grand Prix du Jury à Cannes en 1976 et dont la musique originale est un véritable tube.
A partir des années 80, Carlos Saura s'intéresse plus particulièrement à la musique et la danse. C'est l'occasion de laisser libre cours à une esthétique picturale avec des effets de transparences, des projections et des lumières particulièrement soignées. Il réalise ainsi une trilogie de flamenco composée de Carmen (1983), Noces de sang (1981) et de L'Amour sorcier (1985).
Plus tard, le réalisateur espagnol célèbre également le tango dans son film du même titre (Tango, 1998), toujours en collaboration avec le danseur et chorégraphe Antonio Gades. L'année suivante, il livre un portrait personnel d'un de ses peintres préférés avec Goya, condensé de l'esthétisme pictural et du réalisme fantastique qui le caractérisent. En 2002, il revient enfin au flamenco en filmant la danseuse Aida Gomez à travers le ballet de Salomé.
De retour aux sources espagnoles, l’année 2005 voit la renaissance de Carlos Saura sur grand écran avec Le 7ème jour, aux côtés de Victoria Abril et de José Garcia. Prolifique, le metteur en scène réalise Fados deux ans plus tard apportant sa touche personnelle à ce genre musical portugais.
Toujours très inspiré par la musique sous toutes ses formes, il livre en 2010 une adaptation historique avec Don Giovanni, naissance d'un opéra, l'histoire de Lorenzo da Ponte, jeune prêtre ami de Casanova banni de Venise, puis Flamenco, Flamenco, un voyage au coeur de cette fameuse danse née en Andalousie.
En 2015, le cinéaste met en scène le documentaire Argentina, un voyage musical en Argentine, puis sept ans plus tard Le Roi du monde, un film musical original à mi-chemin entre documentaire et fiction. L'année suivante, il signe Las paredes hablan (2022), avec lequel il remonte aux origines de l'art.
Il décède à 91 ans alors qu'il travaillait sur un film historique consacré à Jean-Sébastien Bach.