De quoi ça parle ?
Marqué par des années de prison, Djo, livreur de colis en banlieue parisienne, vit modestement chez sa mère avec sa fille. Un jour, une tante qui vient de fuir le conflit ivoirien débarque chez eux avec ses trois enfants. Dans l’urgence, Djo réussit à leur trouver un local. Mais face à la demande croissante et dans la perspective d’offrir une vie décente à sa fille, Djo bascule et devient marchand de sommeil.
Voici un premier long métrage français à découvrir ! Le Marchand de sable est un film social, au sujet fort, et dont la maitrise impressionne. Il emprunte aux codes du polar et une pointe de film de mafia. "Je me suis affairé à atténuer tout ce qui rappellerait les codes mafieux, même si dans la réalité, les marchands de sommeil forment une sorte de mafia plus ou moins organisée. Mais j’avais le sentiment que le genre mafia me faisait perdre de vue l’humain. Alors que plus j’allais vers le social, plus j’allais vers l’Humanité. C’était tout ce qui m’intéressait."
Et d'ajouter : "J’avais très envie d’une esthétique urbaine mais légèrement datée car le film n’est pas totalement contemporain. J’aimais donc l’idée de m’inspirer du cinéma new-yorkais des années 1970, sauvage, libre et multiculturel", explique Steve Achiepo*.
J’aimais donc l’idée de m’inspirer du cinéma new-yorkais des années 1970, sauvage, libre et multiculturel
Steve Achiepo réalise et a écrit le film avec Romy Coccia Di Ferro). Steve Achiepo avait jusqu'ici une carrière d'acteur, notamment dans le film Tout tout de suite de Richard Berry, adaptant la terrible affaire du gang des barbares. Steve Achiepo y interprétait le rôle glaçant de Youssouf Fofana.
Steve Achiepo a effectué un important travail de documentation pour ce sujet rarement abordé au cinéma, tout en évitant une forme de voyeurisme. "Étant donné le sujet, il était compliqué pour moi de me documenter auprès des marchands de sommeil, j’ai du coup été chercher la parole des autres : sur le terrain associatif, dans les mairies, chez les politiques, chez les victimes." Il ajoute avoir également été beaucoup inspiré par une amie assistante sociale, "confrontée à de terribles situations dans le cadre de son travail et notamment celle d’une jeune réfugiée enrôlée dans un réseau de prostitution à Grenoble".
L'autre force du film respose sur son casting. Le film réunit notamment Moussa Mansaly, Ophélie Bau, Aïssa Maïga, Mariama Gueye, et Benoît Magimel dans un petit rôle marquant. Moussa Mansaly, remarqué dans la série Validé ou encore le film La Vie scolaire, porte le film. Il apporte de l'empathie à un personnage complexe, dans une forme de "zone grise" comme l'appelle Steve Achiepo.
"Au fur et à mesure du film, on pourrait découvrir son côté obscur. Pour moi, ce n’est pas un naïf, mais quelqu’un qui est dans le déni. Ça l’arrange et quelque part, c’est trop dur pour lui d’accepter la réalité de ses actes. Finalement c’est le propos du film : Djo répond à une situation d’urgence, réponse qu’Aurore, le personnage d’Ophélie Bau, qui travaille avec les moyens de l’État, ne peut pas apporter. C’est dans cette zone grise que le film navigue."
A propos de la portée politique de ce film, Steve Achiepo précise qu'il "ne travaille pas dans le milieu associatif", ni politique. "Je ne suis pas sociologue, je ne suis pas un technicien de ce sujet, je témoigne. Mais mon film n’apporte aucune réponse concrète."
Il conclut : "La seule chose qu’il dit, c’est que des gens souffrent, et que les femmes et hommes qui tentent d’aider n’ont pas les moyens humains et financiers suffisants, ce qui laisse place à une zone grise propice à l’exploitation de la misère humaine. Et les récents événements ukrainiens nous prouvent bien que demain, nous pouvons tous devenir le migrant d’un autre."
Le Marchand de sable est au cinéma ce mercredi.
* Toutes les citations sont extraites du dossier de presse