AlloCiné : Un Si Grand Soleil est récemment entré dans sa saison 5 et le 1000e épisode a été diffusé cette semaine. Quel regard portez-vous sur ces quatre premières années et sur le succès de la série, qui a réussi à s’installer alors que d’autres feuilletons quotidiens existaient déjà ?
Olivier Szulzynger (créateur du feuilleton) : Tout ce que je peux dire c'est que c'est passé très vite. J'ai l'impression que le premier épisode a été diffusé hier. C'est un programme tout jeune. Quatre ans ont passé et j'en suis tout surpris (rires).
Vous n’avez pas été tenté de faire du 1000e épisode un épisode un peu à part, centré sur un événement fort, comme ça avait le cas dans Demain nous appartient l'an dernier ?
Non, je ne vois pas pourquoi on devrait proposer quelque chose de fort au 1000e épisode, et non au 888e. C'est du fétichisme (rires) ? Honnêtement, non, ça ne nous a pas traversé l'esprit. En plus, les téléspectateurs ne savent pas que c'est le 1000e épisode, personne ne les compte.
C'est un non-événement pour le public, ça n'existe pas. C'est quelque chose qui n'intéresse que les médias ou en interne. On n'a même pas fait de pot ou de fête pour célébrer ce 1000e épisode. Le plus important c'est que les gens retrouvent leur feuilleton tous les soirs. Et il ne faut pas les décevoir. Donc il faut que chaque épisode soit fort et important.
Cet été, la série a été marquée par plusieurs départs : Alicia Dadoun (Lucille), Elisabeth Margoni (Maryline), Pauline Paolini (Myriam), et Léonie Dahan-Lamort (Camille). Comment gère-t-on tout ça en tant que créateur et scénariste ? Ca a été une période un peu compliquée ?
Ce sont des histoires un peu différentes. Mais chaque année, les comédiens, qui sont très nombreux, nous disent s'ils veulent continuer ou s'ils souhaitent faire une pause. Et en fonction de leurs envies on imagine des intrigues. C'est assez habituel pour nous.
Après, peut-être que maintenant que les téléspectateurs connaissent mieux les personnages, ces départ les affectent plus, c'est possible. Mais c'est la vie des feuilletons. On aura d'autres départs, des arrivées aussi. C'est comme ça, c'est un flux.
Les comédiens sont très impliqués, donc je comprends qu'ils puissent avoir envie de faire autre chose au bout de deux, trois ou quatre ans. Et puis certains ne vivent pas à Montpellier, et ça peut être dur d'être loin de sa famille et de ses amis. Ce n'est pas plus compliqué que ça à gérer. C'est sûr que c'est souvent dommage, car on aimerait pouvoir garder nos "amis" sur la série. Mais on s'adapte.
Vous avez quand même fait un choix radical en tuant le personnage de Myriam, alors qu'elle aurait simplement pu partir. Vous aviez cette volonté de susciter un vrai choc auprès du public pour redynamiser l'intrigue ?
Non, pas du tout. C'est juste que Pauline Paolini ne pouvait plus tourner avec nous. Du jour au lendemain, elle avait un vrai problème. Donc on a dû décider ça en un week-end. Et faire partir le personnage de Myriam en deux jours, c'était impossible. Donc on a fait au plus rapide et au mieux.
Quand quelqu'un vous dit "J'ai besoin de partir au plus vite", le plus rapide c'est malheureusement de tuer le personnage. Car un départ il faut quand même le justifier, ça prend un mois ou deux. D'autant plus que Myriam était patronne de L Cosmétiques et qu'elle vivait une histoire amoureuse assez forte.
Donc, non, on ne l'a pas fait pour surprendre le public. C'est nous qui avons été surpris (rires). Des mois de travail étaient déjà prévus derrière, on a vraiment dû s'adapter. Mais c'est la vie.
Malgré le départ de Lucille, va-t-on tout de même continuer à suivre des intrigues journalistiques à travers le personnage de Marc Mourre ?
Bien sûr. Comme vous le savez, on a la chance d'avoir un partenariat avec l'un des plus grand journaux de France, Midi Libre. On tourne dans les locaux du journal, ça nous donne une vraie crédibilité, j'étais très fier qu'ils acceptent.
Et donc, oui, on a tout à fait l'intention de continuer à raconter des intrigues avec Marc (César Méric). Et il y a d'autres personnages dans les locaux du Midi Libre. Tant qu'ils ne nous jettent pas dehors en tout cas (rires). Car une équipe de tournage dans une salle de rédaction, ce n'est pas simple pour eux. Ils gagnent leur place au paradis (rires).
Les dernières semaines ont été rythmées par l’intrigue sur Christophe, qui a commis plusieurs meurtres. Vous aviez cette volonté depuis longtemps de raconter la construction d’une vrai méchant avec Christophe ?
Oui, on a débuté la saison par l'histoire de Christophe qui va se poursuivre au fil des mois. Ça fait longtemps qu'on réfléchit à l'évolution de ce personnage. Est-ce qu'un serial killer est un méchant, je n'en sais rien (rires). Mais, oui, on a déjà prévu la suite et il y a la volonté de continuer à travailler avec Hubert Benhamdine et de suivre la complexité du personnage de Christophe.
Il y a une vrai ambiguïté, Christophe va basculer progressivement dans l'horreur. Il y a une noirceur qui va progressivement l'envahir. On va prendre notre temps. Il va y avoir plusieurs chapitres. Cela dit, même si on veut garder cette ambiguïté, on ne veut pas tomber dans la caricature. Est-ce qu'on va y arriver ? C'est le public qui nous le dira. Mais j'espère que ce sera réussi, et ce sera l'un des axes de cette année, tout à fait.
C’est compliqué, on l’imagine, d’avoir un personnage récurrent qui tue des gens et qui est en couple avec une juge. C’est tout l’enjeu ? Arriver à le garder en récurrent dans la série le plus longtemps possible ?
Absolument, ce n'est pas simple mais c'est le défi qui est intéressant et rigolo. Évidemment, tôt ou tard, il y aura un paiement, il y aura des conséquences. Mais quand, ça je ne peux pas vous le dire. On veut décliner cette histoire. Ce destin on l'avait prévu depuis longtemps, ça fait un an qu'on y travaille. C'est pour ça qu'on a mis Christophe avec Cécile. On avait une idée derrière la tête.
La nouvelle arche principale de la série est une sorte de Roméo et Juliette moderne entre Thaïs et Damien, qui se termine en tragédie puisque Damien est retrouvé mort chez lui, d'un apparent suicide. Vous vouliez aborder le pouvoir parfois dévastateur des réseaux sociaux à travers cette intrigue ?
Pour commencer, j'ai envie de dire que je découvre en ce moment le travail des comédiens à l'antenne, ils font vraiment un travail super. C'est là qu'on se dit "Damien il est super, pourquoi on l'a tué ?", mais bon c'est trop tard (rires).
L'intrigue va raconter comment Thaïs va faire son deuil. Va-t-elle y arriver ? Et on va aussi suivre cette enquête, pour savoir si Damien s'est suicidé ou si on l'a en vérité tué. Et si oui, pourquoi ? Et c'est sûr que la puissance d'internet, que ce soit les réseaux sociaux ou les vidéos virales, c'est quelque chose qu'on traite là et qui reviendra plus tard.
C'est difficile à rendre à l'écran en fiction, parce qu'un fil Twitter ça ne donne pas des images très intéressantes, mais c'est quelque chose qui me fascine totalement. La haine qui se déverse par moments sur Twitter par exemple, c'est très étonnant. Avec l'impunité qui va avec bien sûr. On a déjà un peu traité de cet aspect-là sur l'arche du Senso, et là on y revient. Et je pense qu'on s'intéressera de nouveau à ce genre de thématiques à l'avenir.
Thaïs est-elle vouée à rester dans la série au-delà de cette arche ?
Oui, bien sûr. Lila Guiraud est incroyable donc, tant qu'elle veut bien, on va continuer à suivre ce personnage. Cet après-midi on lançait justement en écriture une nouvelle aventure de Thaïs et Kira. C'est un super duo.
Finalement, avec le départ de Camille, qu'on adorait, on a eu l'opportunité de donner une nouvelle meilleure amie à Kira. Elles sont plus adultes, ça ouvre beaucoup de perspectives. On va suivre cette bande de jeunes, avec aussi Louis, Lili, et Robin. Robin, on le voit un tout petit peu pour le moment, mais c'est un personnage important de la cinquième saison, qu'on va voir grandir. Tout comme Lili.
Va-t-on enfin avoir droit à une histoire d'amour entre Kira et Louis ? Ça va être un fil rouge de la saison 5, comme Christophe ?
Je ne répondrai pas à cette question (rires). Mais bien sûr que c'est l'un des grands questionnements de la saison. Est-ce que Louis finira par craquer pour Kira ? C'est une intrigue très sympa. Coline Ramos-Pinto et Sylvain Boccara sont d'excellents comédiens, donc on est ravi d'avoir ce fil rouge sur ces personnages.
Les prochains épisodes vont également voir Johanna faire une belle rencontre et Guilhem vivre quelque chose d'assez dramatique. Que pouvez-vous dire aux sujets de ces nouvelles intrigues ?
Aurore Delplace a été un peu absente l'an dernier car elle a eu un bébé. Mais elle est revenue, elle a très envie de continuer avec nous, et on a donc pas mal de choses qui arrivent pour Johanna. Elle va faire la rencontre de Paul, qui n'est peut-être pas aussi sympathique et charmant qu'il n'y paraît. Et ensuite elle va avoir un gros conflit avec Yann (Constantin Balsan), l'un des flics du commissariat. Ils vont se détester très fort, ça va être un élément important des arches à venir.
Quant à Guilhem (Manuel Blanc), il va se marier avec Sylvie, mais ça ne va pas très bien se terminer. Voilà ce que je peux dire sans trop spoiler.
Il y a aussi une arche qui arrive un peu plus tard sur Eve, c'est bien ça ?
Oui, il va y avoir plusieurs intrigues sur Eve (Emma Colberti). Des intrigues un peu sulfureuses. Il y aura de la séduction, du sexe, de la transgression. Ça va nous occuper une bonne partie de l'année.
Un peu comme tout ce qui tourne autour d'Alix (Nadia Fossier) et de sa galerie d'art. C'est un gros investissement et c'est un décor qu'on a envie de valoriser cette année, donc on fait le choix de mettre de l'énergie dans ce décor et on va suivre Alix dans ses péripéties (rires). Elle va d'ailleurs engager Hélène (Sophie Le Tellier), il va y avoir plein d'aventures autour de cet univers. Je trouve ça assez rigolo. J'aime beaucoup l'art contemporain et ça nous permet de raconter des histoires légères et marrantes. Ce que le personnage d'Alix permet totalement.
En parlant d'Hélène, l'intrigue qui l'oppose à Claire (Mélanie Maudran) est-elle vraiment terminée ?
J'espère que non (rires). Pour moi ce n'est pas terminé, mais il faut que la suite soit très différente. Ce qui est sûr c'est que le conflit de voisinage est terminé. Mais il reste quand même cette tension électrique entre ces deux femmes. Et ça va perdurer.
On parlait tout à l'heure de Christophe, qui est en train de devenir un personnage très trouble. Peut-on espérer revoir Eliott, le fils d'Eve, qui avait lui aussi sa part d'ombre et de complexité ?
Ce n'est pas prévu, mais j'adorerais. Je pense que Stéphane Monpetit serait éventuellement prêt à revenir, mais il faudrait qu'on lui écrive quelque chose de très fort, qu'on lui fasse une belle proposition pour Eliott. Pour l'instant on n'a pas encore trouvé la bonne idée.
Ça s'était super bien passé avec Stéphane, autant professionnellement qu'humainement, mais on a fait le constat ensemble qu'il ne fallait pas faire l'intrigue de trop pour ne pas nous répéter. Donc si on veut le faire revenir il faut la bonne intrigue. On ne peut pas le faire revenir pour jouer la même chose encore et encore. Peut-être dans un an ou deux, tout est possible.
La diffusion d’épisodes en prime cet été pour rattraper la diffusion vous a-t-elle donné des envies de vrai prime ?
J'ai adoré ce que vous a répondu Anne Holmes (la directrice des programmes de France Télévisions, ndlr) à ce sujet dernièrement (rires). J'ai la même position qu'elle. Je n'ai pas très envie qu'on se lance dans un prime.
On a une case très exposée, qui saute parfois en raison de l'actualité, et par moments on va devoir rattraper des épisodes car je ne veux pas qu'on se retrouve avec Noël à Pâques. Donc si nous avons déjà des soirées spéciales de temps en temps, pour rattraper un éventuel retard, je ne vois pas l'intérêt de faire des primes en plus. Je préfère me concentrer sur la quotidienne.