En premier lieu, on est forcément mal à l'aise. Bale n'a pas eu la chance après "American Psycho" de faire décoller sa carrière, malgré son jeu dans "Equilibrium". Donc, on se demande à un moment jusqu'à quel point il ne s'est pas torturé (il n'y a pas d'autres mots) simplement pour travailler, quelque soit le rôle. A moins qu'il ne soit simplement fêlé, ce qui serait, à tout prendre, moins grave !
Ce film est dur, même pour un cinéphile décalé qui sait faire la distanciation nécessaire, pour la simple raison que le réalisateur et l'acteur n'ont pas su la faire. Il restera sans doute dans l'histoire comme le premier jeu sado-masochiste entre l'acteur et son sujet, si l'on fait exception de Tippi Hedren avec Hitchcok dans "Les Oiseaux", et Brando dans "Dernier Tango à Paris" ou "Apocalypse now".
Donc, vous êtes averti, c'est un évadé de Dachau qui joue (et le contraste est d'autant plus évident que Christian Bale est un gars bien bâti au départ) pendant une heure et demie.
Le sujet lui-même fait un peu descente aux enfers de la société américaine, avec des vies cassées ou d'en bas, moins glamour qu'"Ocean twelve".
L'histoire alterne les moments de paranoïa au bout desquels on cherche des réponses qui ne viennent jamais, et on peut d'ailleurs faire beaucoup de parallèles avec "American Psycho". Heureusement, c'est très bien tourné, moins pompeux, sans lenteurs particulières (attention, c'est toujours lent pendant tout le film), la musique est correcte, et le jeu est au-delà des superlatifs.
Enfin, et cela explique la note, la chute est pas trop nulle, presque cynique, et change un peu des précédents essais dans ce genre de script.
Néanmoins, c'est très malsain, étouffant, et noir. Vous êtes prévenus.
La plus grande surprise, c'est sans doute que tout le staff soit espagnol et les acteurs américains, mais au niveau des décors, ça fait froid dans le dos, on constate une américanisation de nos banlieues et de celles de Barcelone, qui ne présage rien de bon pour la sauvegarde d'une certaine identité européenne. Dernière anecdote, c'est la deuxième fois que Ironside joue une main amputée ("Starship Troopers"), étrange coïncidence dans une carrière !