«5 Fingers» (USA, 1952) de Joseph L. Mankiewicz est un film d’espionnage cynique qui, plus que de faire une fiction des sous-agissements politiques au cours de la seconde guerre mondiale, explore les limites de l’intelligence, aux environs de ce que le cinéma de Kubrick fera de mieux. Diello, incarné par James Mason de façon impressionnante, est au service de l’ambassadeur de Grande-Bretagne en Turquie. Doué d’une grande intelligence, il désire plus que tout devenir l’objet de sa convoitise : un bourgeois, et combler la femme qu’il aime : son ancienne maîtresse de maison. Pour cela, le serviteur s’improvise espion et traite les nazis comme il traiterait de pauvres ignares, de «jeunes délinquants» comme les qualifie le général allemand Von Papen. Toutefois l’intelligence est là l’objet d’une déliquescence. Diello, connu sous le nom Cicéron par les nazis, dispose son intelligence au profit de l’argent et d’une femme. Les intérêts qui portent les actes de Diello le pousseront à sa perte. Cette fin délirante, où Diello devenu riche argentin se voit rattrapé par la fourberie nazie, ne tient pas de la morale, elle illustre seulement les limites de l’intelligence, les cadres de la puissance de l’intellect. Si chez Kubrick, l’intelligence se délabre dans ses propres rizhomes, prisonnière de son effusion, Mankiewicz donne à la corruption de l’intelligence une logique. Les intérêts qui poussent la brillance intellectuelle en détruisent l’éclat. Outre que la corruption de l’esprit, Mankiewicz, par le biais des codes d’un film d’espionnage, fait la métaphore d’une révolution des classes. Mankiewicz ne défend pas le communisme mais seulement le mélange des classes, l’imbrication secrète des rangs sociaux. Mais comme de coutume chez le cinéaste, la mise en scène n’est pas une création porteuse. C’est ainsi que la convention des images prime pour retranscrire l’incroyable histoire du film, pourtant inspirée d’un fait réel.