Déçue. Je suis sortie en étant déçue. Alors que je voue un culte au travail de Nolan. Il touche à une époque incroyable où les plus grands théoriciens de la physique ont jailli tels une pluie d'étoiles filantes dans un ciel clair-obscur; à une époque où le monde a basculé dans une nouvelle ère.
Certes, il a très bien traité le montage de la bombe. Mais j'aurais amplement préféré voir la jeunesse tourmentée d'Oppenheimer. Pour commencer, sa transformation a été trop vite traitée. Il passe d'un physicien praticien maladroit en laboratoire à chef d'orchestre à Los Alamos, avant de finir en prophète maudit.
Le gros trou noir à mes yeux, c'est les 2h30 consacré à la chasse aux sorcières montrant une Amérique en perdition, atteinte de la fièvre communiste. Nolan a monté ce sujet en épingle, lui consacrant beaucoup trop de temps - les 3/4 du film, si bien qu'on en perd la nature même des enjeux du film. Aucune image d’Hiroshima, on passe d'un tonnerre d'applaudissements à une supercherie « tribulesque » grotesque (du moins dans le traitement du film). Ça en deviendrait presque trop manichéen, alors que la toute beauté du sujet (sur la forme) était la contradiction évidente entre construire ou non une bombe.
Choisir la vision court terme ou la vision à long terme. Créer une bombe pour mettre fin à la pire guerre du 20e siècle touchant le globe ou plonger l’humanité dans un avenir incertain ? J'attendais Nolan sur ce point : le poids des images, la prise de conscience des populations, la prolifération des sites nucléaires, l'hérésie militaire qui a suivi, et la levée de boucliers de la communauté scientifique. Nolan les a balayés d'un revers de la main pour traiter cette foutue chasse aux sorcières communistes tournant l'Amérique en dérision, en faisant le film de trop sur le sujet. Je trouve ça moyen de sa part, lui, le grand cinéaste à la vision trépidante.
Je n’ai pas décollé tout le long, comme dans Inception ou Interstellar, il manquait le sel habituel. J’ai même trouvé qu’il se reposait sur de l’acquis avec des allers-retours incessants, sa marque de fabrique. J’ai vu pas mal de clins d’œil aussi à la série Scandal (les aficionados comprendront).
Sur le volet « féminin », on est bien loin d’Interstellar. J’aurais préféré voir les femmes fortes de l’époque impliquées dans la physique, et surtout un meilleur traitement réservé aux femmes qui ont marqué la vie d’Oppenheimer. Nolan s’est juste contenté de montrer 2 femmes au total en extrapolant sur leur névrose ou leur nudité.
J’ai été terriblement déçue du traitement infligé à la belle et intelligente Florence Pugh. Sa nudité surexposée n’a absolument rien apporté à l’histoire. Elle montrait au contraire toujours un cinéma rétrograde, avilissant « On montre des seins et des fesses histoire de casser le rythme ennuyeux et intellectuel du film » voulant contenter le spectateur lambda alors que le public de Nolan l’attendait sur d’autres sujets clairement plus importants. Résultat, on voit une Florence Pugh indignée, salie qui tente de se racheter une image sur les tapis rouges. Elle n’a eu qu’un rôle de figurante parmi tant d'autres, bien en-dessous des ses talents d’actrices (à mes yeux, c’est l’une des jeunes étoiles montantes du cinéma avec Chalamet, Zendaya, Holland et Bobby Brown).
Nolan s’est contenté de la version officielle de son personnage, alors qu’il y aurait certainement eu des choses plus intéressantes à dire à ce sujet. Tout comme son épouse qui se fait passer dans le film pour une ivrogne notoire, mère indigne avant de finir femme forte sans aucune transition. Ça tombe un peu comme un cheveu sur la soupe tout comme le personnage joué par Rami Malek qui passe d’illustre inconnu à héros en l’espace de 2s…. On ne sait pas d'où ça sort.
En résumé, mes attentes n’ont pas été comblées. J’attendais du grand cinéma, du grand Nolan, du grand frisson. J’aurais nettement préféré voir la jeunesse tourmentée d’Oppenheimer, sa vision du monde, ses contradictions avec le monde de l’époque.
Je l’attendais également sur l’incroyable histoire à raconter autour de l’enchaînement des découvertes de l’époque menant à la construction du pire fléau de l’humanité.
A mon sens, il aurait dû aborder la découverte de la radioactivité par les Currie et Joliot-Curie, conduisant à l’identification du Neutron par Majorana et Chadwick, puis rebondir sur les travaux de Heisenberg, Bohr et Fermi autour de la fission nucléaire pour terminer sur la création de la bombe. Il avait là des beaux personnages et des histoires incroyables à exploiter, comme le débat entre Bohr et Einstein. Il aurait pu vulgariser comme jamais la physique quantique au lieu de laisser la main à Marvel. Avec son nom et son pédigrée, il n’aurait eu aucun mal à collecter les bonnes informations.
Son public le suivait de toute façon sur ces sujets. Mais il a voulu ratisser trop large, satisfaire tout le monde. Certes, au vu des excellentes notes, ses investisseurs (s’il en a) se félicitent. Mais, quand on porte un nom pareil, quand on sait le potentiel et la vision de Christopher et sa facilité à communiquer sur des sujets pouvant rallier tous les publics, j’avoue que je suis déçue du traitement réservé au film. Ma note, vous l’aurez compris est un vrai coup de gueule. J’espère qu’elle sera comprise.
Et pour conclure, s'il y avait d'autres personnages à traiter à cette époque, je vous conseille de vous renseigner sur l'équipe de la Via Panisperna (En cherchant Majorana. Le physicien absolu). Il y aurait sans doute un superbe film à réaliser...