Mohamed Hamidi, réalisateur de La Vache et Jusqu'ici tout va bien, a eu l'idée d'Une belle équipe quand il a réalisé que tous ses héros étaient toujours des hommes. "Je me suis dit qu’il était vraiment temps d’écrire une histoire avec des héroïnes. Et comme le foot reste quand même un bel exemple de bastion masculin, j’ai trouvé intéressant d’inverser les valeurs et le pouvoir dans ce domaine."
Si le film existe, c’est en grande partie grâce à Kad. "Quand je lui ai parlé de cette idée, il y a quatre ans, il venait de voir La Vache, qu’il avait beaucoup aimé. Je lui ai pitché mon idée de scénario d’une manière très informelle et à partir de là, il n’a pas cessé de me relancer sur le film. Kad est un grand acteur avec un registre très large. Sur un plateau, il est incroyable. C’est probablement l’acteur avec lequel j’ai pris le plus de plaisir à travailler de toute ma carrière de réalisateur, à tous les niveaux : jeu, travail, humeur… Il connaît son texte et pose les bonnes questions sur le personnage pour aller toujours plus loin. Il est attentif avec tout le monde, humain, proche des gens et, en plus, très drôle", confie Mohamed Hamidi.
On retrouve, comme dans les précédents films de Mohamed Hamidi, le thème de la confrontation. Après le Maghreb et la France dans La Vache, les banlieusards et les bobos dans Jusqu'ici tout va bien, aujourd’hui ce sont les hommes et les femmes. "Plus que de confrontation, je parlerais plutôt de réconciliation. Même si c’est inconscient, je suis toujours intéressé par les oppositions entre les gens et par l’idée d’altérité. En fait, j’essaie de faire tomber les frontières entre des personnes qui ne communiquent pas ou peu et, à travers mes histoires, de leur donner l’occasion de se rencontrer, de se confronter et de passer du temps ensemble. Finalement, mes films tournent toujours autour du thème du rapprochement", analyse le cinéaste.
Avec ce film, Mohamed Hamidi a voulu rendre hommage aux femmes. "J’ai vécu toute mon enfance entouré de femmes : ma mère, mes 6 soeurs et mes nombreuses tantes, cousines et nièces. Ma mère et mes soeurs ont toujours fait tourner la maison, d’autant qu’avec mes deux frères nous étions les plus jeunes (eh oui, ça fait 9 enfants !). Elles nous aidaient pour nos devoirs, pour le choix de nos orientations, de nos vêtements, de nos vacances. Elles prenaient toutes les grandes décisions. J’étais le petit dernier et elles ont rythmé et enrichi ma vie, me donnant le goût du cinéma et des livres en me traînant avec elles à la bibliothèque. Je n’ai donc pas découvert le monde des femmes avec Une belle équipe, mais j’ai simplement voulu mettre les femmes au centre de cette histoire."
Clourrières, la ville où se déroule l'action du film, est une ville fictive. "Comme on voulait situer l’histoire dans l’Est ou le Nord de la France – deux régions qui possèdent une vraie culture du foot et un ancrage populaire et ouvrier important – l’action se déroulait pendant l’écriture à Clouange, dans l’Est. Mais nous avons finalement opté pour le Nord qui, cinématographiquement parlant, possède une vraie identité visuelle. Clourrières est donc née de notre imagination. Nous avons tourné autour de Douai, essentiellement à Vitryen-Artois et à Auby. L’accueil a été formidable et le travail avec les supporters et les équipes du coin a été un vrai bonheur", confie Mohamed Hamidi.
Pour choisir ses actrices et ses acteurs, Mohamed Hamidi passe le plus rarement possible par des castings. "Je préfère contacter directement celles et ceux que j‘ai en tête, avec qui j’ai envie de travailler, souvent d’ailleurs en écrivant le scénario. Céline Sallette par exemple, est l’une de mes actrices préférées. Elle m’avait ébloui dans le film Géronimo de Tony Gatlif dans lequel elle est une assistante sociale en Camargue. Quand je lui ai envoyé le scénario, je n’étais vraiment pas sûr qu’elle accepte de jouer dans une comédie. Et pourtant, l’aventure lui a plu immédiatement. Elle m’a dit qu’en plus, elle adorait l’idée de travailler autour d’un groupe de filles. Elle en avait déjà fait l’expérience dans L’Apollonide de Bertrand Bonello et elle en gardait un très bon souvenir."
À part Sabrina Ouazani qui avait une expérience dans le domaine, aucune des autres comédiennes n’avait tapé dans un ballon ! C’est Aurélie Meynard, une ancienne joueuse de l’équipe de France, qui les a entrainées. Elle a d’abord testé toutes les actrices, une par une, sur de vrais terrains de foot. Ensuite, elle leur a proposé un entraînement physique adapté à chacune : course, renforcement musculaire, assouplissements, etc. Puis elle est passée à l’apprentissage technique en leur donnant un certain nombre d’exercices ciblés : comment tenir un ballon et travailler la posture, tirer… Et tout cela a duré plusieurs mois. "Avec Aurélie, nous avons travaillé action par action. Pour les besoins du film, j’ai dû élaborer pour chaque match des « chorégraphies » et les détailler par écrit les unes après les autres. Sur le terrain pendant le tournage, nous avions aussi Corine Petit, qui joue dans le film. Elle a été en équipe de France à Lyon et elle est plusieurs fois championne d’Europe. Avec Aurélie, elles ont préparé le groupe de filles à aborder chaque match avec les garçons qui, eux aussi, ont travaillé chaque action. Leurs journées étaient très longues car en plus du tournage elles avaient des entraînements quasi quotidiens", révèle Mohamed Hamidi.
Dans la réalité, contrairement à ce qu'il se passe dans le film, les matchs mixtes officiels sont possibles jusqu’à l’âge de 15 ans. Malgré cela, il y a de plus en plus de matchs amicaux et de tournois mixtes organisés. En revanche, pour tous les championnats officiels, la mixité n’est pas acceptée pour les adultes. Mais aujourd’hui elle se pratique aussi de plus en plus. "En Australie ou au Canada par exemple, les femmes sont même acceptées dans les équipes d’hommes. En Espagne des joueuses ont gagné un championnat masculin. Beaucoup de femmes demandent à pouvoir mixer leur équipe avec des hommes ou à jouer contre eux dans des championnats amateurs car il existe encore trop peu d’équipes féminines, même si avec la dernière coupe du monde féminine en France, cela devrait changer", déclare Mohamed Hamidi.